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Grandes cultures : votre exploitation est-elle armée face au changement climatique ?

Diversification des assolements, travail du sol limité et couverts font partie des bouquets de solutions pour faire face au changement climatique. Mais il n’y aura ni recette, ni remède miracle.

Plutôt que de viser un résultat maximal sur une espèce dans une configuration climatique donnée, les systèmes devront jouer sur la diversité pour valoriser des conditions climatiques aléatoires. © G. Omnès
Plutôt que de viser un résultat maximal sur une espèce dans une configuration climatique donnée, les systèmes devront jouer sur la diversité pour valoriser des conditions climatiques aléatoires.
© G. Omnès

Un rapide coup d’œil dans le rétroviseur donne une idée de l’ampleur du défi à relever par l’agriculture française dans les années à venir. Depuis 2016, de multiples aléas climatiques ont durement pénalisé les rendements. Excès d’eau à l’automne dégradant la qualité de l’implantation, printemps et étés trop secs, fins de cycles caniculaires… Le souci, c’est que ces événements sont appelés à se reproduire, de surcroît avec une fréquence et une intensité croissantes.

« On ne sera pas confronté au changement climatique dans 30 ans, on l’est déjà, met en garde Bertrand Dufresnoy, référent Oracle à la chambre d’agriculture de la Haute-Marne. Si l’exploitation est déjà exposée à des difficultés à cause des disponibilités hydriques et des hautes températures, il est vain d’attendre que ça passe, car cela va empirer. Il faut s’engager dans le changement. »

Quel impact des stress récents ?

Un point de vue que partage Nicolas Métayer, chez Solagro. « La première chose à faire est de réfléchir à son système, recommande l’agronome. Il faut se poser plusieurs questions : à quel stress ma ferme a-t-elle été sensible dans le passé récent ? Quel est le risque que cela se répète ? Et la question du changement climatique ne se résume pas à celle de l’eau. »

Pour projeter sa ferme dans l’avenir, le site AWA, conçu dans le cadre du programme européen AgriAdapt, peut apporter une aide précieuse. Une fois les menaces pour son exploitation identifiées, on peut chercher à les désamorcer en faisant évoluer ses pratiques. Le site AWA propose pour cela des pistes de plan d’adaptation. Mais de la théorie à la pratique, le fossé peut donner le vertige.

Décalage des dates de semis

« Il n’y a pas de recette, pas de solution miracle, prévient d’emblée Frédéric Levrault, expert Agriculture et changement climatique pour le réseau des chambres d’agriculture. On ne peut pas avoir un message unique et général car chaque exploitation doit être étudiée au cas par cas, dans le contexte de son territoire. » La première approche possible est d’agir sur les leviers classiques de l’agronomie, qui ne sont pas excessivement contraignants, comme le décalage des dates de semis ou le choix variétal en fonction de la précocité à épiaison et montaison.

La recherche s’emploie également à mieux caractériser le comportement des variétés aux stress. C’est le cas des travaux menés par Arvalis sur la plateforme Phénofield. « Très concrètement, certaines variétés s’en sortent mieux que d’autres et ces données sont intégrées dans le classement de variétés résistantes à un stress, explique Katia Beauchene, chez Arvalis. Il y a des choses adaptées à nos climats. » La sélection commence à intégrer l’enjeu des fortes températures et du sec, mais cela prendra du temps… et l’eau restera une ressource indispensable pour faire pousser des plantes.

Remise en cause radicale des systèmes actuels

Pour Frédéric Levrault, l’ampleur du changement climatique imposera à plus ou moins long terme des remises en cause profondes des systèmes actuels. Ces évolutions peuvent intégrer le mélange au sein de la même parcelle de différentes variétés, voire de différentes espèces. « Avec ces pratiques, il ne s’agit plus de viser un résultat maximal sur une espèce dans une configuration climatique donnée, explique l’expert. Le but est, en cas d’aléas climatiques, d’avoir la possibilité de se rattraper avec des espèces qui valorisent mieux des conditions climatiques plus aléatoires. »

La diversification est le maître mot avancé par la plupart des spécialistes. Selon Nicolas Métayer, la rationalisation du travail et la limitation du nombre de variétés, voire d’espèces, qui ont longtemps prévalu pour gagner en efficacité économique sont désormais une option risquée. « On pourra toujours être gagnant avec une Formule 1 certaines années, mais on ne pourra jamais savoir quand cela arrivera. On aura donc besoin de profils différenciés. » Dans le contexte climatique à venir, qui empêchera fréquemment le potentiel génétique de s’exprimer pleinement, la souplesse sera plus utile que l’optimisation.

Limiter le travail du sol pour préserver l’eau

La réduction du travail du sol et l’utilisation généralisée de couverts en interculture font partie des pistes explorées. Ces pratiques améliorent la vie du sol et sa structuration. Non seulement elles accroissent la réserve utile, mais elles favorisent l’infiltration de l’eau, denrée appelée à devenir de plus en plus rare au printemps et à l’été. « De nombreuses mesures d’adaptation relèvent de l’agroécologie et de l’agriculture de conservation, estime Nicolas Métayer. L’agriculture biologique a aussi des atouts, avec toutefois l’enjeu de l’apport exogène de matière organique et la problématique du travail du sol. À l’inverse, des systèmes colza/blé/orge arrivent dans une impasse. »

L’équation se complique encore lorsque l’on introduit la notion d’atténuation. Car l’agriculture ne doit pas seulement s’adapter au changement climatique, elle est aussi sommée de participer à l’effort pour limiter l’ampleur de ce changement. « Il faut que les solutions d’adaptation soient cohérentes avec d’autres enjeux, tels que l’atténuation, la préservation de la qualité de l’eau et des sols ou la biodiversité, confirme Audrey Trévisiol, à l’Ademe. Et la stratégie doit impliquer l’ensemble des maillons des filières agroalimentaires, pas uniquement les agriculteurs. Cela passe par la structuration des filières et le développement des débouchés (notamment pour les légumineuses). Beaucoup de choses sont mises en place dans le cadre de tactiques de court terme, mais l’adaptation se joue aussi pour 2035 et au-delà. Il faut anticiper dès aujourd’hui pour assurer la pérennité des systèmes. »

Le site AWA et ClimA-XXI, deux outils de diagnostic pour les agriculteurs

Aujourd’hui, les agriculteurs ont peu de solutions pour réaliser un diagnostic de vulnérabilité de leur exploitation face au réchauffement climatique. La plateforme web AWA (1) issue du programme AgriAdapt, comble en partie ce vide. L’agriculteur peut choisir une localisation proche de chez lui pour afficher des informations agronomiques et climatiques et visualiser la variabilité des rendements des principales cultures sur les 20 dernières années.

Ces données sont complétées par les projections de différents indicateurs agro-climatiques pour les 30 années à venir, tels que le niveau de stress hydrique sur des périodes clés, le nombre de jour échaudants ou de gel. Cet outil de sensibilisation est une première approche pour évaluer ses forces et faiblesses dans le futur contexte climatique.

Avec ClimA-XXI, les chambres d’agriculture ont également développé un outil utilisable à l’échelle locale pour appréhender la vulnérabilité de son exploitation. Il repose lui aussi sur l’élaboration d’indicateurs agro-climatiques apportant une aide à la décision sur les techniques envisageables pour gagner en résilience.

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