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Traitements phytosanitaires : quels sont les leviers pour réduire la dérive en arboriculture ?

Limiter la dérive lors des traitements phytosanitaires est primordial pour les vergers situés en zones sensibles. Dans cette optique, les matériels utilisés lors des traitements, ainsi que leurs réglages, constituent des leviers d’action importants.

Les vergers situés en zones sensibles sont ceux concernés par une ou plusieurs distances de sécurité réglementaires : zones non traitées (ZNT) eau, arthropodes ou plantes non-cibles, distances de sécurité riverains (DSR), distances de sécurité des personnes présentes et riverains (DSPPR). Dans ces vergers, la gestion de la dérive est cruciale. « Quand on passe le pulvérisateur dans le verger, une part du produit, qu’on cherche à maximiser, se retrouve sur l’arbre. Une part des gouttes retombe au sol et une autre part se retrouve dans l’air, expose Florence Verpont, ingénieure au CTIFL, lors des Rencontres techniques phytosanitaires organisées en novembre par la DGAL et le CTIFL. Parmi les gouttes qui partent dans l’air, une partie se redépose hors du verger, dans un environnement proche de la parcelle. C’est ce qu’on désigne par la dérive. » Cette dérive est à l’origine de risques pour les milieux aquatiques et les zones habitées, et de phytotoxicité pour les parcelles adjacentes. De nombreux éléments jouent sur la dérive, notamment la météo (vent, mais aussi température…).

Se rapprocher au plus près de la cible

La technologie de pulvérisation est également un élément central qui influe la dérive, avec trois facteurs clés : la taille des gouttes, le design du pulvérisateur, c’est-à-dire son architecture, et le réglage de celui-ci. « Il faut éviter de générer des fines gouttelettes qui sont plus facilement transportables par le vent. Dans cet objectif, il est préconisé d’utiliser des buses à injection d’air, ou buses anti-dérive, qui permettent de générer des gouttes chargées en air, plus lourdes, qui vont donc retomber beaucoup plus près de leur point d’émission », décrit Florence Verpont.

Concernant le design du pulvérisateur, « l’idée, pour limiter la dérive, est de se rapprocher au plus près de la cible ». Ces dix dernières années, les constructeurs ont développé des pulvérisateurs équipés de tours, adaptés aux vergers conduits en haie fruitière, qui permettent de traiter très proche de la végétation. « Il existe aussi une gamme de pulvérisateurs à flux dirigé ajustable, poursuit la spécialiste. On peut ajuster la hauteur du pulvérisateur ou la position des tronçons, en hauteur ou en largeur. Mais il y a une grande différence de coût entre de tels pulvérisateurs et un pulvérisateur classique, d’un facteur 3 à 4 en termes d’investissement. »

Classifier les performances vis-à-vis de la dérive

On peut aussi adapter le nombre de buses et de diffuseurs ouverts à la hauteur de la végétation. « En arboriculture, on travaille la plupart du temps entre 10 et 12 bars. Mais si vous êtes concernés par les zones sensibles, préférez une buse qui pulvérise au même débit, mais à une pression moindre, entre 6 et 8 bars. La qualité d’application ne sera pas affectée », indique Florence Verpont, qui conseille également de favoriser la vitesse lente de rotation de la turbine.

Depuis 2015, plusieurs projets expérimentaux, dont le projet interfilières Capriv (Concilier les applications de produits phytopharmaceutiques et la protection des riverains), en arboriculture, viticulture et grandes cultures, ont permis de développer des méthodologies de mesure de la dérive permettant de classifier les performances des matériels et pratiques. Différents leviers de limitation de la dérive ont été évalués, qui mettent en œuvre soit la machine, soit la pratique, soit l’aménagement parcellaire. « Ce sont des essais lourds à conduire, d’autant plus que leur validation est conditionnée par le respect de conditions climatiques très précises en termes de vitesse et d’orientation du vent », précise l’ingénieure.

Gestion de l’air sur le dernier rang

« Ce qu’on constate lors des essais, c’est que plus le pulvérisateur permet de se rapprocher de la cible, plus les performances de réduction de la dérive sont fortes, poursuit-elle. Par exemple, avec un pulvérisateur à flux tangentiel ajustable avec des buses anti-dérives, on arrive à réduire de 90 à 95 % la dérive. » Parmi les pratiques les plus performantes, on peut noter l’association des buses anti-dérive à une gestion différenciée de l’air sur le dernier rang : soit on coupe l’air, ce qui peut poser problème en termes de qualité d’application, soit on traite les deux derniers rangs vers l’intérieur de la parcelle uniquement. La pulvérisation fixe sur frondaison est une méthode d’application alternative à l’usage du pulvérisateur qui permet d’atteindre des taux très élevés de réduction de la dérive : plus de 98 % dès les premiers mètres hors du verger.

Enfin, l’aménagement parcellaire par filets Alt dérive, utilisés seuls, montre une efficacité variable comprise entre 30 et 50 %. « En revanche dès lors qu’on utilise en combinaison des buses anti-dérive, on obtient des niveaux de performance très intéressants, entre 90 et 95 %, ajoute Florence Verpont. En utilisant en plus un pulvérisateur qui peut s’approcher au plus près de la végétation, la réduction de la dérive est supérieure à 95 %. » Utilisés en combinaison, ces leviers peuvent donc être performants, voire très performants, en termes de réduction de la dérive. Reste à les prendre en compte réglementairement dans la mesure de gestion des risques.

Évaluer les matériels et pratiques

Plusieurs approches sont utilisées pour mesurer la dérive. La plus ancienne est la mesure de la dérive sédimentaire : ce sont les gouttelettes qui se déposent au sol en dehors du verger traité après le passage du pulvérisateur, et qui ont un impact potentiel sur les milieux aquatiques, les plantes non-cibles… « Pour quantifier la dérive sédimentaire, on dépose des boîtes de Pétri au sol, positionnées à différentes distances du dernier rang traité », décrit Florence Verpont.

Une autre approche, plus récente, permet de mesurer la dérive aérienne. Elle consiste à fixer des fils tendus entre deux poteaux, qui permettent d’avoir un profil des gouttelettes qui sortent du verger traité. Cette dérive aérienne est généralement utilisée pour une évaluation du risque en lien avec les pollinisateurs ou des personnes qui passent à proximité du verger après un traitement. « On développe aussi une méthodologie utilisant des mannequins habillés avec du coton, afin d’évaluer l’exposition des riverains, des résidents et des personnes présentes lors du traitement », indique Florence Verpont.

Lors des essais de mesure de la dérive, le produit phyto est remplacé par un traceur coloré. Après passage de la machine ou du levier testé, ainsi que de la référence (jet porté axial classique), les collecteurs sont récoltés : boîtes de Pétri, fils, coton… Puis on extrait le traceur, qui est dosé par spectrofluorimétrie. Le résultat est exprimé en pourcentage de dérive par rapport à la référence.

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