Petits fruits rouges : devant la progression fulgurante de la consommation, la production française doit se développer
L’impressionnante ascension de la consommation française de petits fruits rouges ne s’accompagne pas pour le moment d’une progression des volumes produits en France. Un travail de filière est à réaliser pour développer la production et satisfaire les besoins en produits français.
L’impressionnante ascension de la consommation française de petits fruits rouges ne s’accompagne pas pour le moment d’une progression des volumes produits en France. Un travail de filière est à réaliser pour développer la production et satisfaire les besoins en produits français.
Une progression fulgurante. La consommation des petits fruits rouges en France et en Europe est dans une dynamique remarquable depuis une dizaine d’années, dynamique qui s’est encore amplifiée depuis cinq ans. La framboise et la myrtille sont les figures de proue de cette évolution. Ainsi, le taux de croissance annuel moyen de la consommation française de framboise est de près de 10 % en volume depuis 2016. Les volumes achetés de myrtille ont même été multipliés par 6 entre la période 2015-2017 et 2021 ! Les achats se développent dans tous les types de circuits, avec un profil d’acheteurs un peu différent que pour l’ensemble des fruits, plus jeune et familial. Cette croissance, unique en son genre dans la filière fruits et légumes, profite avant tout aux importations, qui prédominent largement le marché français des petits fruits rouges.
« Les importations représentent près de 25 000 t en framboise, soit 86 % des framboises consommées. En myrtille, près de 10 000 t ont été importées en moyenne entre 2019 et 2021, soit 83 % de la consommation française », souligne Matthieu Serrurier, du CTIFL, lors de la journée nationale Fruits rouges organisée par le centre technique en septembre à Laon (Aisne). Le taux d’auto-approvisionnement est donc seulement de 14 % pour la framboise et de 17 % pour la myrtille. Ce taux a fortement diminué ces dix dernières années avec l’explosion de la consommation. Car si les imports ont suivi la tendance, ce n’est pas encore le cas de la production française, qui reste relativement stable avec, d’après le recensement agricole de 2020, 610 ha pour la framboise (environ 5000 t, dont plus de 3000 t pour le marché du frais), 480 ha de myrtille (environ 2000 t), 1790 ha de cassis et 280 ha de groseille (en majorité pour la transformation pour ces deux dernières espèces).
La qualité et la tenue, critères les plus importants
« Depuis 5 à 6 ans, les producteurs ont pris conscience du développement potentiel de la myrtille en France. Des producteurs de toutes les régions sont intéressés par cette culture », assure Caroline Barbier, présidente de l’Association des producteurs de myrtille de France (APMF), lors de la journée nationale Fruits rouges. Le sous-approvisionnement du marché des fruits rouges par la production française était le sujet d’une table ronde rassemblant des acteurs de l’amont et de l’aval. Mathilde Pereira, acheteuse à Prosol (structure qui opère notamment les rayons fruits et légumes de Grand Frais), a listé les critères prioritaires recherchés en matière de petits fruits rouges : « le gustatif, la tenue et la qualité du produit ».
« La qualité et la tenue du produit sont les critères les plus importants, confirme Laurent Doerflinger, directeur des achats fruits et légumes à Lidl. L’origine France vient ensuite. Le local passe vraiment en second plan. On aimerait pouvoir ne proposer que de l’origine France sur les mois de production française, mais ce n’est pas encore le cas. Plus le produit sera en rayon toute l’année, plus ça développera l’origine France. »
« Les petits fruits rouges ont un horizon dégagé, se réjouit Stéphane Decourcelle, de Fruits Rouges & Co. On a encore de la marge, car les niveaux de consommation français sont encore très inférieurs à ceux des États-Unis ou du Royaume-Uni, où la dimension culturelle vis-à-vis des fruits rouges est différente. Il y a un réel espoir que la consommation se développe encore. »
Une majorité de petites surfaces de production
Comment s’explique la stagnation de la production française, alors que la consommation s’envole ? La production française fait notamment face à des difficultés liées à la gestion et au coût de la main-d’œuvre, qui représente 80 % du coût de production en France. D’autre part, certains pays comme l’Espagne ont fortement progressé ces dernières années, à la fois en termes de volumes et de qualité. « L’import est de plus en plus qualitatif en termes de goût et de tenue », estime ainsi Laurent Doerflinger. La structuration de l’offre française explique aussi en partie la stagnation de la production.
Les exploitations de petits fruits rouges sont caractérisées pour la majorité par des petites surfaces de production : 74 % des exploitations produisant de la framboise ont des surfaces de framboise inférieures à 2000 m². C’est le cas pour 61 % des exploitations pour la myrtille, 80 % pour le cassis et 82 % pour la groseille. À l’autre bout du spectre, à peine 2 % des exploitations produisant de la framboise en cultivent sur 2 ha et plus. Ces « gros » producteurs de framboise représentent 39 % de la production nationale. Pour la myrtille, 2 % des exploitations produisent sur 5 ha ou plus et représentent 52 % de la production française.
Transmettre des prévisions de récolte précises
« Vu de l’extérieur, la filière semble être atomisée, analyse Xavier Martin, de la SAS Lagache, société d’expédition également grossiste de carreau sur le marché de gros de Lille. Un regroupement de l’amont serait bénéfique pour avoir des données plus fiables, et permettre une planification de ce qui va être produit. Mais ça ne peut se faire qu’avec des engagements forts de l’aval sur les volumes et peut-être sur les prix. C’est un vrai travail de filière à réaliser. » Pour Franck Figuet, producteur et président de l’Association pour la valorisation de la framboise française (AVFF), une garantie de prix permettrait de rassurer les producteurs. « Si on veut attirer des jeunes, il faut des prix de revient pour pouvoir investir », préconise-t-il.
« Un dialogue doit être mis en place avec la grande distribution, estime également Stéphane Decourcelle de Fruits Rouges & Co. Celle-ci dispose d’assez peu de données sur la production française. » Selon Franck Figuet, un gros travail est à réaliser pour pouvoir transmettre à la grande distribution des prévisions de récolte précises. « La grande distribution manque d’informations, c’est à nous producteurs de les fournir », réagit Philippe Massardier, responsable de la Sicoly. Et de conclure : « On est capable de travailler de la qualité mais il faut assurer le revenu économique des producteurs. Si on veut de la framboise française, il faut mettre le prix pour inciter des producteurs à se lancer ».
En pratique
Le taux d’auto-approvisionnement, qui correspond à la part de l’origine France, est de 14 % pour la framboise, 17 % pour la myrtille et 50 % pour la groseille.
Les cultures de framboise représentent en France 610 ha, contre 480 ha de myrtille, 1790 ha de cassis et 280 ha de groseille. La transformation est le principal débouché en groseille et cassis.
L’approvisionnement du marché français
Framboise
Myrtille
Groseille
Les volumes commercialisés de groseille sont plus modestes, avec 1300 t annuelles en frais. La groseille est principalement commercialisée en juillet et août (respectivement 32 % et 18 % des volumes), puis en juillet, septembre et décembre (8 à 9 % des volumes sur chacun de ces mois). L’origine France représente 50 % des volumes sur l’année. Elle est majoritaire en juillet (84 % des volumes), août (79 %), septembre (59 %) et juillet (50 %). Les principales origines des importations sont les Pays-Bas (470 t), l’Espagne (130 t) et le Chili (100 t).
« Si on veut attirer des jeunes, il faut des prix de revient » Franck Figuet, président de l’Association pour la valorisation de la framboise française (AVFF)
Une production mondialisée
Le marché des petits fruits rouges est dynamique partout dans le monde, favorisant les échanges entre pays.
La production de petits fruits rouges est répartie sur tous les continents. La Russie est le premier producteur de cassis et de groseille, ainsi qu’un des premiers de framboise, mais elle réalise peu d’échanges commerciaux. La production chinoise est en plein essor mais le marché est encore très dépendant des importations. Les États-Unis sont le premier marché des petits fruits rouges. Ils sont aussi un producteur majeur de framboise et de myrtille, ainsi que le premier importateur mondial de ces deux fruits. Au Mexique comme au Pérou et au Chili, la production de fruits rouges est largement consacrée aux exports, principalement vers les États-Unis. À noter que le Mexique est le premier producteur mondial de mûre, avec des volumes supérieurs à ceux de la framboise et de la myrtille réunies. Le Pérou et le Chili sont des producteurs importants de myrtille avec environ 180 000 t chacun, tout comme le Canada (160 000 t).
La framboise espagnole en plein essor
En Europe, la production de cassis est dominée par la Pologne (104 000 t), très loin devant le Royaume-Uni (14 000 t) et la France (9000 t). Les principaux pays producteurs de framboise sont la Serbie (116 000 t, surtout destinées à la surgélation), la Pologne (100 000 t) et l’Espagne. La production espagnole, en plein développement, a été multipliée par 5 en dix ans. L’Espagne est aussi le premier producteur européen de myrtille (54 000 t), suivie par la Pologne (48 000 t), le Portugal (16 000 t) et l’Allemagne (14 000 t). Enfin, la groseille européenne est principalement produite en Pologne (37 000 t).
Le marché européen connaît un développement spectaculaire. Les importations ont doublé une première fois entre 2012 et 2017, puis une nouvelle fois entre 2017 et 2021. Les principaux marchés sont les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Espagne et la France. Les importations européennes proviennent en premier lieu d’Espagne, des Pays-Bas (dont beaucoup de réexportations), du Maroc et du Pérou. Les importations en provenance d’Espagne ont été multipliées par 4,5 en dix ans. De même, celles venant du Maroc et du Pérou étaient pratiquement inexistantes en 2012.