PulVéFix : un système de pulvérisation sans dérive en arboriculture
Le projet PulVéFix a montré la pertinence d’un système fixe de pulvérisation sur frondaison tant pour sa performance agronomique qu’environnementale.
Les pulvérisateurs ont mauvaise presse. Parmi leurs défauts pointés du doigt : les risques sanitaires qu’encourent les riverains dus à la dérive des produits pulvérisés et les nuisances sonores. La pulvérisation fixe sur frondaison pallie ces deux problématiques. Ce type de pulvérisation s’appuie sur un réseau d’irrigation placé au-dessus de la canopée, relié à une unité de préparation-injection, constituée d’une cuve, d’une pompe et d’un compresseur. Depuis 2012, le CTIFL teste un dispositif de pulvérisation sur frondaison, PulVéFix en partenariat avec l’entreprise Netafim. Les stations de La Morinière (Indre-et-Loire) et le Cefel (Tarn-et-Garonne) se sont aussi équipées en 2016 afin de vérifier l’efficacité de ce mode d’application, ses performances environnementales, ses atouts et ses freins à l’adoption par les professionnels. Le dispositif a été testé pendant trois ans sur les trois sites. L'expérimentation a eu lieu sur des parcelles de Rosy Glow de moins d’un quart d’hectare, en vergers de plaine jeunes à adultes, représentatifs des vergers de pommiers français. « La technique PulVéFix permet d’appliquer de manière aussi efficace les fongicides utilisés contre la tavelure et les maladies de conservation ainsi que les insecticides contre les carpocapses et les tordeuses des fruits, qu’un pulvérisateur axial à jet porté équipé de buses à turbulence, ventilation en position II avec un régime moteur de 540 tr/minute avançant à 6 km/h (référence) », indique Florence Verpont, CTIFL. Pour les maladies se développant sur la face inférieure des feuilles comme l’oïdium, la technique n’a pas démontré son efficacité. « Sur puceron cendré, elle est à ce jour peu à moyennement efficace mais des adaptations de stratégie de traitement peuvent optimiser cette efficacité », continue l’expérimentatrice. Rosy Glow est une variété de pomme à cycle long, très sensible à tous les bioagresseurs. Ce choix avait pour but de tester la technique PulVéFix dans un contexte difficile. Les indices de fréquence de traitements des trois sites sur les années 2017 à 2019 variaient de 26 à 45.
Une dérive nulle, 10 m après le dernier rang
Le plus gros point fort de la technique concerne la dérive. La pulvérisation du produit du haut de l’arbre vers le bas avec une très faible assistance de l’air produit de grosses gouttelettes faiblement transportées par le vent. « Cette technique d’application permet de réduire de plus de 91 % la dérive sédimentaire, celle correspondant au dépôt de gouttes au sol, par rapport à la pulvérisation de référence, dès les cinq premiers mètres du dernier rang, souligne la spécialiste. Dès 10 m après le dernier rang, la dérive sédimentaire est nulle. » La dérive aérienne, qui correspond aux gouttes de pulvérisation transportées par le vent en dehors de la zone d’application, est inférieure à 0,5 % de 0,7 m à 12 m de haut. Avec la référence, 3 % à 7 % de la bouillie sont retrouvés entre 2 et 7 m de haut. « Avec ce taux de réduction de la dérive, PulVéFix fait partie des solutions à proposer pour équiper les derniers rangs de vergers proches de riverains sous réserve de l’intégration de ce mode d’application dans le cadre réglementaire » (voir encadré), commente Florence Verpont. Des mesures de dérive intégrant l’exposition des riverains continueront en 2021.
Un adjuvant pour améliorer la répartition de la pulvérisation
Pour évaluer la performance de ce type d’application, les dépôts de pulvérisation ont aussi été mesurés dans différentes parties des arbres. L’ingénieure indique : « les dépôts moyens dans la canopée sont du même ordre de grandeur avec PulVéFix ou la référence pulvérisateur ». Plus de produit se retrouve dans le haut de l’arbre et moins sur les faces par rapport à la référence, sans que des problèmes d’efficacité biologique en découlent. « Nous avons pu améliorer la pénétration et la répartition de la bouillie en ajoutant de l’adjuvant heliosol », précise-t-elle. Les résidus à la récolte ont aussi été contrôlés sur 60 échantillons. Pour estimer les résidus maximums, des fruits ont été prélevés juste en dessous des micro-asperseurs. Florence Verpont constate que « dans le contexte décrit, la technique PulVéFix n’engendre pas plus de résidus sur fruits que la technique de référence, que ce soit en nombre de substances actives détectées ou en termes de concentrations. »
Un coût estimé à 6 € au mètre linéaire
La technique a été transférée en 2020 chez deux producteurs avec l’objectif d’étudier les freins à la mise en place de cette technique sur des surfaces plus grandes. Une parcelle de 0,8 ha en zone périurbaine de Montpellier et une autre de 1 ha dans le Tarn-et-Garonne ont donc été équipées. « Mais qui dit équipées ne veut pas dire opérationnelles, nuance l’ingénieure. De gros ajustements sont nécessaires sur les deux parcelles pour rendre opérationnel le système de pulvérisation. » L’équipement de ces deux parcelles professionnelles a permis à Netafim de réaliser une première approche économique. Le coût du matériel au mètre linéaire est compris entre 5,8 et 6 €, soit un coût à l’hectare entre 13 920 et 14 400 €. Il comprend l’équipement « fixe » (réservoirs, guirlandes, fixations palissage, réseau hydraulique, réseau air comprimé). Il ne prend pas en compte les matériels servant à préparer et injecter la bouillie (cuve pulvérisateur, pompe, compresseur), ce matériel étant considéré comme déjà présent sur l’exploitation. Concernant le coût de la main-d’œuvre, il a été calculé sur des bases élevées puisque Netafim a fait appel à de la prestation. Il a été estimé entre 10 000 €/ha et 14 400 €/ha, soit 332 h/ha de travail pour la parcelle équipée de filets paragrêle et 289 h/ha pour celle non équipée en filets. « Ces coûts pourraient être revus à la baisse dans le cas où le producteur disposerait de salariés sur son exploitation », nuance Florence Verpont.
"Cette technique d’application permet de réduire de plus de 91 % la dérive sédimentaire", Florence Verpont, CTIFL
Les prochaines étapes
Deux avantages de la technique
Des applications de produits plus souples
La pulvérisation sur frondaison permet d’appliquer les produits au moment le plus opportun indépendamment des contraintes climatiques, de disponibilité de la main-d’œuvre ou des pulvérisateurs, puisque le temps de pulvérisation est très court et s’effectue en même temps sur l’ensemble d’un bloc. Cette faible durée d’application donne la possibilité d’appliquer des produits à des cadences répétées. Le système peut aussi être automatisé et programmable. L’opérateur ne pourrait n’avoir qu’à mettre le produit dans la cuve.
Des nuisances réduites
De par la taille des gouttes, plus grosses et moins sensibles au vent, la dérive est fortement réduite de plus de 90 % par rapport à la référence pulvérisateur. Sans pulvérisateurs tractés, les nuisances sonores sont absentes, ce qui permet d’éviter les conflits avec le voisinage. Les temps de traitement étant très courts, la nuisance potentielle liée au bruit de la mise en route de la pompe est brève. Le dispositif est très peu visible. Enfin, l’applicateur étant en dehors de la parcelle, son exposition aux produits phytosanitaires est moindre.
Un traitement en 4 étapes
Choix du matériel
La conception et l’installation d’un tel système doivent être adaptées selon l’organisation parcellaire de l’exploitation. L’unité de préparation-pompage peut être mobile ou fixe. Mobile, elle est attelée à un tracteur, ce qui a l’avantage de réduire le coût puisque le matériel peut être utilisé sur d’autres îlots et pour d’autres usages. La préparation de la bouillie se fait alors sur l’aire de remplissage de l’exploitation. Un tracteur et son chauffeur sont nécessaires à chaque traitement. Fixe, elle est dédiée à un seul îlot de parcelles. Le matériel dédié est situé sur une aire de remplissage dans les vergers. Cette solution plus onéreuse a pour avantage de pouvoir automatiser les traitements et de ne mobiliser ni tracteur, ni chauffeur. Les micro-asperseurs doivent être autorégulants afin de permettre de travailler à débit constant sur une plage de pression de 2 à 4 bars en association avec de l’air comprimé. « Les micro-asperseurs validés sont des Supernet SRD et Supernet UD SSR de Nétafim d’un débit de 30 l/h avec un diamètre de buse de 1,14 mm », spécifie Florence Verpont, CTIFL. Leur maintien à 20 cm au-dessus de la tête des arbres est une condition sine qua non pour garantir l’efficacité de ce type d’application. Une légère adaptation du verger est donc nécessaire.Source : Info CTIFL n°366, nov 2020