Pruneau : « Le marché va se rééquilibrer, mais il faudra plusieurs campagnes pour retrouver nos volumes d’avant gel »
Les gels de 2021 et de 2022 ont marqué la filière du pruneau français. Stocks au plus bas, consommation qui s’effrite, concurrence sur les marchés à l’export… Christophe De Hautefeuille et Gaëtan Vergnes, le président et le secrétaire général du BIP, l’interprofession du pruneau, reviennent sur les conséquences de ces incidents climatiques. Ils dressent aussi, pour FLD, les premières perspectives pour la campagne de commercialisation 2024-2025, qui sont optimistes.
Les gels de 2021 et de 2022 ont marqué la filière du pruneau français. Stocks au plus bas, consommation qui s’effrite, concurrence sur les marchés à l’export… Christophe De Hautefeuille et Gaëtan Vergnes, le président et le secrétaire général du BIP, l’interprofession du pruneau, reviennent sur les conséquences de ces incidents climatiques. Ils dressent aussi, pour FLD, les premières perspectives pour la campagne de commercialisation 2024-2025, qui sont optimistes.
Le pruneau français aura connu un avant et un après gel. Après des annus horribilis 2021 et 2022, les producteurs de prune d’Ente avaient relevé la tête en 2023. « Nous avions fait une récolte correcte de 40 000 tonnes, dont 32 000 tonnes en IGP et dont 5 000 tonnes en bio, mais une récolte marquée par de petits calibres », rappelle Christophe De Hautefeuille, producteur et président du BIP (Bureau interprofessionnel du Pruneau).
40 000 tonnes, c’est en moyenne ce que produisait la filière française par an, avant les gels de 2021 (où seulement 15 000 tonnes avaient été récoltées !) et de 2022 (16 500 tonnes).
NB : nous parlons ici en pruneau séché, c’est-à-dire une fois que la prune d’Ente a été récoltée et séchée par les producteurs et avant son départ vers les transformateurs pour y être réhydratée. Pour obtenir le volume de prune d’Ente récoltées, il est communément admis de multiplier ce volume par 3,3.
Lire aussi le reportage sur les étapes parcourues par le pruneau de sa récolte à sa sortie de chez le transformateur.
Les chiffres clés du pruneau en France
- En France, 800 producteurs cultivent la prune d’Ente sur 10 800 hectares ;
- Les surfaces se trouvent quasi exclusivement dans le Sud-Ouest ;
- Le pruneau français a une IGP : le pruneau d’Agen IGP, obtenue en 2002. Toutes les étapes de production et de transformation se trouvent dans l’aire géographique du cahier des charges, soit 6 départements et 1 200 communes : Lot-et-Garonne (à 80 %), Dordogne, Gironde, Gers, Lot et Tarn-et-Garonne.
- 20 % des surfaces du pruneau français sont en bio (contre 15 % pour l’arboriculture française en général). Mais la crise du bio a mis un stop aux conversions.
Récolte 2024 de pruneau : « nettement plus faible » qu’en 2023 mais avec de meilleurs calibres
Et 2024 ? Cette campagne, outre le phénomène d’alternance, les producteurs ont vécu des incidents de grêle. « Peu de producteurs n’ont pas été impactés. Certains l’ont été de 90 à 100 % des parcelles, d’autres de 5 à 10 %, c’est très variable », témoigne Christophe de Hautefeuille.
En plus de la grêle, les producteurs ont fait face à davantage de fruits fendus (les fruits étaient gorgés d’eau en raison des précipitations donc plus fragiles).
Conséquence : s’il est encore trop tôt pour donner des chiffres, les producteurs ayant seulement fini leur campagne il y a 15 jours [mi-septembre], on peut déjà s’attendre à une récolte nettement plus faible qu’en 2023.
Les volumes pour la transformation industrielle seront plus conséquents cette année, mais il y aura quand même assez de volumes pour la commercialisation en fruits de bouche, rassure le président du BIP
« Nous ferons moins de volume qu’en 2023, mais avec des fruits de plus gros calibres », nuance Christophe de Hautefeuille. Pour mémoire, le calibre médian avait été historiquement faible à 70 en 2023 (50 en 2022 et 58 en 2021).
Et en raison du tri de fruits grêlés et fendus, les volumes destinés au pruneau industriel, c’est-à-dire les jus, les crèmes, etc., seront plus conséquents. « Il y aura quand même des pruneaux pour la commercialisation de bouche », rassure le président.
A cause du gel, les stocks français de pruneau auraient été divisés par 3
Côté stocks, la situation est plus délicate. Entre les années ultra-déficitaires de 2021 et 2022 et les petits calibres de 2023, la filière s’attend cette campagne à travailler à flux tendu.
« Avec le gel, on estime que les stocks ont été divisés par trois. Ils sont assez bas, peut-être 15 000 tonnes de prunes d’Ente séchées. Et on a aussi perdu l’équilibre entre les calibres », précise Gaëtan Vergnes, secrétaire général du BIP.
« En termes de commercialisation, il y a un avant et un après gel pour le pruneau français »
« En termes de commercialisation, oui, il y a un avant et un après gel, confirme-t-il aussi. Là où l’on commercialisait 37 000 tonnes avant le gel, la campagne 2022-2023 n’a totalisé que 27 000 tonnes : on a joué sur les stocks pour compenser la faible disponibilité de pruneaux nouvellement récoltés, mais on a tout de même perdu 10 000 tonnes commercialisées en deux campagnes ! »
* Les stocks de prunes séchées peuvent se conserver deux à trois ans.
Moindre disponibilité du pruneau français : effritement de la consommation en France et concurrence à l’export
Avec la bonne récolte 2023, la consommation française est un peu repartie à la hausse. Les premiers chiffres de la campagne de commercialisation de la campagne 2023-2024 (du 1er septembre 2023 au 31 août 2024) semblent tabler sur 30 000 à 32 000 tonnes commercialisées (chiffres prévisionnels).
« Le marché va se rééquilibrer, mais ça prendra plusieurs campagnes pour retrouver nos volumes d’avant gel », confie Gaëtan Vergnes.
Selon les premières estimations, les volumes commercialisés en 2023-2024 sont remontés à 30-32 000 tonnes.
Autre conséquence de cette baisse de disponibilité de produits français : une hausse de l’importation.
Cette accentuation de la concurrence s’est surtout vue sur les marchés extérieurs. « Sur le marché français, la consommation de l’origine France a observé un effritement et pas un effondrement. On a l’IGP Pruneau d’Agen et l’origine France, plébiscitées des consommateurs, qui nous protègent. 99 % des pruneaux dans les rayons sont de l’origine France et de l’IGP », estime Gaëtan Vergnes.
Lire aussi : Pruneau : pourquoi les jeunes n’en consomment pas (et c’est bien dommage)
« L’existence de l’IGP et d’une forte production origine France protège le marché français de l’import : 99 % des pruneaux en rayon sont origine France »
Chili et Etats-Unis : comment s’annoncent les campagnes de nos concurrents ?
Les principaux concurrents de l’origine France sont le Chili (premier producteur et premier exportateur mondial, dont le marché domestique ne consomme quasi pas : 95 % de ses volumes sont destinés à l’export) et les Etats-Unis (qui, lui, a un fort marché intérieur).
« Cette concurrence chilienne est compliquée car nous n’avons pas du tout les mêmes coûts de production : main d’œuvre, énergie, protection phyto plus large qui leur permet des rendements supérieurs, et accords mondiaux qui leur sont favorables en termes de droits de douane. C’est dur de leur grignoter des parts de marchés », regrette Christophe De Hautefeuille.
Nos principaux marchés européens pour le pruneau sont l’Espagne, l’Italie, la Grèce. « En Europe du Sud, les consommateurs préfèrent de gros fruits sucrés, un segment où les Français sont bons. A l’inverse, en Europe du Nord, ils préfèrent des fruits plus acides, donc les fruits chiliens y sont préférés », explique Gaëtan Vergnes.
L’Algérie est notre premier marché à l’export, un marché historique du fait des liens coloniales avec la France et d’une consommation culturelle de fruits secs (en particulier pendant le Ramadan).
« Sur les pays tiers, les Chiliens dominent le marché, en particulier en Chine. La France va plutôt se distinguer sur des marchés premium », analyse Gaëtan Vergnes.
A l’export, le pruneau français va plutôt se distinguer sur des marchés premium
Pour cette campagne de commercialisation, comment se positionnera la France sur les marchés export ? « Cela dépendra aussi de nos concurrents. En février 2024, le Chili a fait une très belle récolte. Et les Américains annoncent eux aussi une belle récolte », répond Gaëtan Vergnes.
Lire aussi : Dérèglement climatique, matières actives : comment le pruneau français prépare sa transition agroécologique ?