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Pomme : un parasitoïde contre le carpocapse

L’Inra a démontré la spécificité d’un parasitoïde du carpocapse des pommes dans nos conditions françaises. Son introduction pourrait permettre de réduire la population totale de ce ravageur majeur. Reste à trouver des financements.

Mastrus ridens un hyménoptère parasitoïde spécifique du carpocapse.
© David Muru, Inra

La pression du carpocapse des pommes s’accentue. En 2018, les dégâts ont augmenté significativement de fin août jusqu’à fin septembre. La troisième génération, partielle et anecdotique il y a dix ans, est actuellement complète et on constate l’apparition d’un début de 4e génération dans les zones les plus chaudes. En arboriculture biologique, malgré une protection combinant confusion sexuelle et virus de la granulose, la situation devient intenable en l’absence de protection physique (filets Alt’carpo), avec des dégâts pouvant représenter jusqu’à 50 % de fruits piqués en Basse Vallée du Rhône et en Languedoc-Roussillon. En arboriculture conventionnelle, l’augmentation des interventions contre le carpocapse pose la question de l’impact environnemental, en particulier vis-à-vis de la faune non-cible. L’utilisation combinée de tous les moyens de protection (confusion, insecticides dont virus de la granulose, nématodes, filets) s’avère le plus souvent nécessaire dans les parcelles fortement attaquées par le carpocapse. Cet équilibre, souvent précaire, peut parfois conduire les exploitants à arracher leurs parcelles en cas d’échecs répétés, notamment en AB. Seule une baisse globale des populations de carpocapse à l’échelle du territoire permettra d’améliorer la situation.

Une opportunité de lutte biologique classique

L’Inra espère apporter une nouvelle solution avec Mastrus ridens, un hyménoptère parasitoïde spécifique du carpocapse. Mais les financements manquent. Cet insecte a été découvert dans les années 1990 suite à des prospections menées en Asie centrale (origine supposée du carpocapse) par des chercheurs américains. Il a ensuite été introduit en Californie en vergers de pommier et noyer. Mastrus ridens s’y est établi systématiquement avec des taux de parasitisme sur les cocons hivernants pouvant atteindre 70 % et une réduction significative des populations de carpocapse. Au vu de ces résultats prometteurs, cet auxiliaire a ensuite fait l’objet d’introductions dans d’autres pays où il s’est établi avec succès : Argentine (2005), Chili (2006), Nouvelle-Zélande (2012) et Australie (2015). Face aux enjeux que fait peser le carpocapse sur les filières en France, l’Inra Institut Sophia Agrobiotech a étudié dès 2015 la faisabilité d’une lutte biologique à l’aide de cet auxiliaire sur notre territoire.

Un parasitoïde spécifique à Cydia pomonella

Mastrus ridens étant une espèce exotique, son introduction sur le territoire est soumise à l’obtention d’autorisations d’importation. Suite à la validation de la demande d’introduction en milieu confiné, plusieurs importations de M. ridens ont été réalisées depuis des élevages situés en Nouvelle-Zélande, au Chili et à la suite de prospections de terrain menées au Kazakhstan. Des expérimentations ont été conduites en laboratoire confiné pour vérifier la spécificité d’hôte de l’auxiliaire. Ces résultats ont confirmé qu’aucune espèce n’appartenant pas à la famille des Tortricidae n’a été parasitée par M. ridens. Au sein de cette famille d’importance agronomique, seules quelques espèces du genre Cydia (C. splendana, C. nigricana) ont fait l’objet d’un parasitisme réussi en conditions de laboratoire mais avec un succès toujours plus faible (en termes de nombre de descendants ou de taille de descendants) que sur le carpocapse des pommes. Suite à ces résultats, l’Inra a été autorisé à mener des introductions de M. ridens au champ, en mai 2017. Les premières introductions ont été réalisées sur un site au cours de l’été 2018 dans le cadre d’un projet européen. Aujourd’hui, l’urgence est d’obtenir les soutiens financiers suffisants et indispensables afin de permettre une évaluation précise de l’efficacité de cet auxiliaire au champ (voir encadré). A l’image de ce qui a été fait lors d’opérations antérieures, comme l’introduction de Torymus sinensis contre le cynips du châtaignier, l’objectif est de mettre en place un réseau d’une cinquantaine de sites de lâchers. A terme, le déploiement de cette méthode pourrait être étendu à l’ensemble des bassins de production et/ou des cultures impactés par le carpocapse.

Mastrus ridens, une micro-guêpe venue d’Asie centrale

Originaire d’Asie Centrale, Mastrus ridens est un hyménoptère de la famille des Ichneumonidae. Ectoparasitoïde grégaire, l’adulte femelle pond ses œufs sur la larve hôte (contrairement aux endoparasitoïdes qui pondent leurs œufs à l’intérieur de leurs hôtes). Plusieurs larves de M. ridens se développent sur une même larve de C. pomonella. Dans son aire d’origine, ce parasitoïde est décrit comme spécifique du carpocapse et les femelles de M. ridens localisent les larves de C. pomonella grâce aux phéromones d’agrégation émises par ces dernières lorsqu’elles tissent leurs cocons. Mastrus ridens s’attaque exclusivement au stade pré-nymphal du carpocapse, qui est également le stade diapausant du ravageur.

Des financements pour la dernière ligne droite

Ce projet de lutte biologique a nécessité la mise en place de nombreuses collaborations nationales et internationales. Pour les activités d’élevage tout d’abord, les interactions actives menées entre l’Inra PACA, le « Plant and Food Research » (Nouvelle-Zélande) et l’Université Catholique du Chili permettent aux équipes de l’Inra d’être opérationnelles pour l’évaluation optimale de cette méthode sur le terrain. C’est dans ce contexte qu’un projet vient d’être déposé dans le cadre de l’Appel à Projet 2018 FranceAgriMer « Expérimentations ». Ce nouveau projet a pour objectif d’introduire M. ridens dans des vergers de pommier dans le principal bassin de production cidricole européen ainsi que dans trois des quatre grands bassins de production de pommes de table en France, représentant à eux seuls 50 % de la production totale annuelle. Les partenaires de ce projet sont donc l’IFPC (Normandie), le CTIFL, SudExpé (Occitanie), le GRCeta Basse Durance, la Station d’expérimentation La Pugère, l’Inra (PACA et Pays de la Loire). Le rôle de la complexité du paysage (au niveau de la zone d’introduction et du paysage alentour) sur la dynamique d’installation et de dispersion de cet insecte sera étudié. L’objectif final est de fournir des recommandations afin de permettre l’intégration de cette méthode dans les itinéraires techniques actuels et son déploiement à d’autres bassins de production et à d’autres cultures fruitières impactées par le carpocapse (noix, poire).

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