Pomme : le bas intrants fait ses preuves
La station La Pugère expérimente depuis sept ans deux vergers bas intrants. Si la baisse des intrants est possible sans affaiblir les vergers, ils sont moins productifs du fait d’une faible densité de plantation. Pour autant, la marge annuelle directe est proche de celle d’un verger raisonné.
La station La Pugère expérimente depuis sept ans deux vergers bas intrants. Si la baisse des intrants est possible sans affaiblir les vergers, ils sont moins productifs du fait d’une faible densité de plantation. Pour autant, la marge annuelle directe est proche de celle d’un verger raisonné.
« Pour être économiquement viable, la densité de plantation d’un verger extensif de pommier ne doit pas descendre au-dessous de 1 200 à 1 500 arbres par hectare, même avec un porte-greffe vigoureux », pointe Vincent Lesniak de la Pugère, en guise de première conclusion des essais système bas intrants. Depuis 2010, la station La Pugère (Bouches-du-Rhône) a mis en place un essai comparant trois vergers (voir tableau) dont deux sont conduits en très bas niveau d’intrants : produits phytosanitaires, eau, fertilisants, main-d’œuvre. « L’objectif est de mobiliser différents leviers pour concevoir un verger moins gourmand mais aussi performant économiquement qu’un verger raisonné », résume le chargé d’étude. Il fait partie du réseau Dephy expé (voir page 26). Les résultats après six années de production montrent qu’une réduction des intrants est possible. Mais le choix des densités initiales (800 arbres par hectare greffés sur M7 pour les deux vergers bas intrants, un en Golden et un en Crimson Crisp (Résistante tavelure) contre 2 000 arbres/ha sur Pajam 2 en Golden conduits en raisonné) a pénalisé les tonnages hectares. En cumulé sur les six ans, la parcelle de Golden bas intrants a produit 44 % de moins que la parcelle en raisonné (153 t contre 272 t) et la parcelle de Crimson Crisp 54 % (125 t). « Mais en kilo par arbre, les résultats sont inversés, continue Vincent Lesniak. La parcelle de Golden bas intrants a produit 38 % de plus que celle en raisonné. Celle de Crimson 13 % de plus. » Les calibres des pommes sont moins bons sur les deux parcelles bas intrants. La moitié des pommes a plus de 75 mm sur le verger Golden bas intrant et 45 % sur le verger de Crimson, contre les trois quarts des pommes du verger en raisonné. Ce phénomène est accentué en années sèches ou à forte charge en fruits. « Dans une logique de réduction d’intrants, les apports limités en eau et azote associés au porte-greffe vigoureux du Verger BI sont en cause dans cette réduction de calibre », explique l’expérimentateur.
100 m3 d’eau d’irrigation pour produire 1 tonne
L’irrigation a en effet été réduite de près de 50 % sur les vergers bas intrants. L’irrigation de ces parcelles était maintenue entre confort et confort limité durant la phase de grossissement des fruits puis progressivement réduite durant la phase de maturation. Le verger référence était quant à lui conduit en grand confort permanent durant la saison. « Par contre l’efficience des systèmes par rapport à l’irrigation, la quantité d’eau nécessaire pour produire une tonne de fruit, est équivalente entre les trois vergers, analyse le spécialiste. Elle est d’environ de 100 m3 d’eau d’irrigation par tonne de pomme. » Les fertilisations azotée et phosphatée ont elles aussi étaient réduites. Pilotés par un suivi des reliquats azotés dans la solution du sol, les apports d’azote ont été réduits de 80 % en moyenne sur les deux vergers bas intrants et de 93 % pour le phosphore par rapport à la modalité raisonné. Ces baisses n’ont pas affecté la vigueur des arbres en bas intrants qui a été maintenue par celle conférée par le porte-greffe M7.
Des IFT réduits de trois quarts
La diminution des applications phytosanitaires a peu affecté la gestion des ravageur. Ils sont restés sous des seuils acceptables, sauf l’oïdium sur Crimson Crisp. Pour réduire le nombre de traitements sur les parcelles bas intrants, deux approches ont été combinées. La première consiste à substituer des applications chimiques par des produits de biocontrôle, des filets Alt’carpo et de relever les seuils d’intervention. Avec cette seule approche, l’IFT (Indice de fréquence de traitement) de Golden en bas intrants (15,8) est en moyenne inférieur d’un tiers à celui de la parcelle raisonnée (24,3). Et celui de la parcelle de Crimson (7,3) de 62 %. « Associés à la redéfinition des seuils d’intervention, l’usage du filet réduit l’IFT insecticide de 61 %, soit cinq traitements, celui d’outil d’aide à la décision (OAD) réduit l’IFT fongicide de 20 % et la combinaison résistance variétale et d’OAD réduit l’IFT fongicide de 60 %, soit neuf traitements », synthétise Vincent Lesniak. La seconde approche adapte les volumes de bouillie aux volumes de la frondaison (méthode TRV). Le volume des arbres a été mesuré chaque année pour les deux parcelles bas intrants et un nouveau volume de bouillie a été calculé. « Pour l’année 2017, les volumes de bouillie utilisés étaient de 500 l/ha sur Golden bas intrants et de 450 l/ha sur Crimson contre 1 000 l/ha sur la parcelle de référence. » Cette modulation du volume de bouillie permet de représenter les IFT en fonction de la dose par hectolitre. Dans ce cas, les IFT des parcelles bas intrants sont réduits en moyenne de trois quarts par rapport à la référence.
Un verger bas intrants plus efficient
La gestion en bas intrants a permis une réduction des temps de travaux de 50 % à 57 %. « Mais la différence sur les temps de récolte est directement liée à la capacité de production des différents vergers », nuance l’ingénieur. Les temps de taille passent de 230 heures sur le verger raisonné contre 61 heures et 75 heures sur les vergers bas intrants. Cette différence est en partie liée aux temps d’attachage de la modalité de référence. Les parcelles bas intrants en forme libre n’ont pas été soumises à ce type d’intervention. De plus, cette architecture particulière nécessite moins de temps de taille en comparaison à la modalité raisonnée. Les différences de temps de traitements sont elles quasiment équivalentes entre les trois modalités. Le temps de travail du sol diffère également selon les modalités. Le verger raisonné présente un temps de travail divisé par deux (25 heures/ha en moyenne) par rapport aux vergers bas intrants (36-38 heures/ha en moyenne). Selon l’expérimentateur, « cette différence est surtout notable sur les deux premières années d’installation des parcelles, où le nombre d’interventions mécaniques dépasse celui du verger raisonné géré chimiquement. » Mais lorsque l’on juge de l’efficience agro-économique des vergers, le nombre d’heure de travail pour produire un kilo de pomme, le verger de Golden bas intrants est plus efficient que celui conduit en production raisonnée. Dix-huit heures de travail ont en effet été nécessaires par an pour produire une tonne de fruit dans le premier contre 20 heures dans le second. Pour le verger de Crimson, 18,8 heures de travail sont nécessaires en moyenne pour produire une tonne de fruits. De ces premiers constats sur la phase juvénile du verger, l’expérimentateur conclut : « cet essai est à poursuivre sur la phase vieillissante du verger. Des informations quant à la régularité de production, à la pérennité des systèmes, à l’efficience de la dose d’application, à la rentabilité économique, sont encore à acquérir. »
Une marge proche de zéro
Les marges cumulées sur les sept premières années de récolte sont encore négatives pour les trois systèmes. Pour les calculer, il a été pris en compte les coûts de plantation, de main-d’œuvre, des intrants et le nombre d’heures de fonctionnement du tracteur et du pulvérisateur. L’implantation du verger est amortie sur 20 ans et les filets sur huit ans. Les fruits sont rémunérés à 0,35 cts/kg quels que soient les systèmes. La moins mauvaise marge est faite par la parcelle bas intrants de Golden qui a des marges équivalentes ou meilleures que la parcelle raisonnée, excepté en 2014. La parcelle la plus régulière est celle en bas intrants de Crimson. « Mais les années d’alternance impactent directement la marge des différents systèmes étudiés », conclut Vincent Lesniak.