Pomme : Diminuer pas à pas la protection tavelure
Au verger de Poisy, en Haute-Savoie, la diminution des intrants passe par l’adaptation du raisonnement de la protection fongicide à la sensibilité des variétés et par le choix des spécialités utilisées en fonction du niveau de risque.
Au verger de Poisy, en Haute-Savoie, la diminution des intrants passe par l’adaptation du raisonnement de la protection fongicide à la sensibilité des variétés et par le choix des spécialités utilisées en fonction du niveau de risque.
« La protection contre la tavelure représente, en moyenne sur la période 2006-2017, 60 % de l’Indice de fréquence de traitement (IFT) en Savoie », lançait en guise d’introduction Nicolas Drouzy de la Chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc. Avec l’oïdium, ces deux maladies concentrent plus des deux tiers des traitements annuels. « La réduction des intrants sur ces deux bioagresseurs a été un cheminement progressif depuis 2013 au verger expérimental de Poisy », continuait le technicien, invité à la journée Séance arbo de la Sefra (Drôme) en septembre dernier. La première étape a été de valider, dans les conditions climatiques savoyardes, la modélisation des projections de spores de tavelure par l’outil d’aide à la décision RimPro en les comparant plusieurs années à celles du suivi biologique pendant la période de contaminations primaires. « Nous avons pu constater que les pics de projections sont plus faibles en début et en fin de saison, analysait le conseiller. Protégeant toute la période d’infection sans différencier les niveaux de risques, nous avions donc tendance à trop traiter en début et en fin de contaminations primaires. Nous avons décidé de limiter l’utilisation des produits chimiques de synthèse préventifs ou curatifs aux quatre à six semaines de fortes projections de mi-avril à mi-mai. »
La baisse des fongicides favorise l’oïdium
Une nouvelle stratégie a donc été testée. Des produits autorisés en AB, à base de cuivre et de soufre, ont été utilisés à doses réduites sur les contaminations légères. L’utilisation des fongicides de synthèse a été réservée aux contaminations plus graves. Enfin, les traitements ont été arrêtés lorsque le stock de spores était à moins de 1 %. En 2016, cette nouvelle stratégie a été comparée à un programme fongicide de référence sur la variété Idared peu sensible à la tavelure mais sensible à l’oïdium. « Aucun dégât de tavelure n’a été constaté sur les deux modalités et les dégâts d’oïdium ont été limités sur pousses », pointait Nicolas Drouzy. Sur la modalité bas intrants, l’IFT fongicide total (chimique + biocontrôle + cuivre) a été réduit de 48 %, passant de 23 sur la référence à 15. » Ces impasses de traitements et le remplacement de certains fongicides ont permis une réduction de 25 % de l’IFT total. La part du biocontrôle et du cuivre était de 30 % de l’IFT sur la modalité de référence et de 45 % sur la modalité bas intrants. En 2017, la stratégie bas intrants a été encore plus poussée. « Il a été choisi de n’utiliser, pour protéger les pics de projections, que du Delan pro (4 applications), spécialité homologuée contre la tavelure et pouvant présenter une efficacité secondaire contre l’oïdium, associant une matière active de contact à une autre de biocontrôle stimulatrice de défense des plantes », indiquait le conseiller. La fin des contaminations primaires a été protégée avec des doses réduites de cuivre. La baisse de l’IFT fongicide était de 42 % dans la modalité bas intrants. « Là encore nous n’avons observé aucun dégât de tavelure à la récolte sur les deux modalités, bas intrants et référence, analysait le spécialiste pomme. En revanche, 83 % des fruits ont été touchés par l’oïdium dont un tiers de fruits déclassés sur la modalité bas intrants. Nous avons été trop loin dans la réduction ou nous n’avons pas fait le meilleur choix de produit. »
Des stratégies différenciées selon les prévisions pluviométriques
En 2018, la stratégie a été affinée et testée sur une variété très sensible : Golden, variété emblématique en Savoie. Le début des projections et les contaminations légères ont de nouveau été couverts avec des produits AB et l’arrêt des traitements a eu lieu dès que le stock était inférieur à 0,5 % du stock initial. Pendant les pics de projection, la protection préventive a été faite avec des fongicides de contact si les précipitations prévues étaient inférieures à 20 mm et avec des spécialités systémiques pour celles plus élevées. En cas de contamination non protégée préventivement ou en cas de lessivage du produit préventif, un rattrapage curatif a été mis en place. Les risques faibles ont été couverts avec de la bouillie sulfocalcique, le risque fort avec le mélange d’un produit de contact et d’un IBS. Aucun dégât de tavelure sur pousse ou sur fruit n’a été observé sur les deux modalités. « Avec cette stratégie, nous avons pu diminuer de 30 % l’IFT fongicide alors que la variété était sensible, en passant d’un IFT fongicide de 21 sur la référence à 15 sur le bas intrants », concluait Nicolas Drouzy.