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Les usages agricoles des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux sont entrés dans le quotidien du monde agricole. Ils aident à échanger entre producteurs, acteurs agricoles et avec le grand public, à travers des usages multiples et divers.

Beaucoup d’agriculteurs se servent des réseaux sociaux pour découvrir ce que font d’autres agriculteurs qui partagent les mêmes problématiques.
Beaucoup d’agriculteurs se servent des réseaux sociaux pour découvrir ce que font d’autres agriculteurs qui partagent les mêmes problématiques.
© PRIMLAND ©ART SENSIBLE/RFL

Comme pour l’ensemble des Français, les réseaux sociaux sont devenus incontournables chez de nombreux agriculteurs. D’après l’étude Agrinautes 2020 publiée il y a un an, sept agriculteurs interrogés sur dix possèdent un smartphone, 86 % utilisent internet quotidiennement. Plus de deux sur trois (68 %) sont inscrits sur au moins un réseau social, avec comme trio de tête Facebook (45 %), Whatsapp (41 %) et Youtube (28 %). Twitter arrive ensuite avec 11 % d’inscrits, juste devant Snapchat (10,6 %) et Instagram (10,3 %). Mais quels sont les usages concrets que les agriculteurs font des réseaux sociaux ?

Bertille Thareau, enseignante-chercheuse en sociologie à l’Ecole supérieure d’agriculture (ESA) d’Angers, distingue trois types d’activités sur les médias sociaux, lors du webinaire Esa Connect 2020. Tout d’abord, présenter et représenter le métier d’agriculteur dans l’espace public, principalement sur Youtube, Twitter, Instagram… Ce sont souvent des agriculteurs conscients que leur métier est mal connu par le grand public, et qui décident d’expliquer, voire de vulgariser, ce qu’ils font. Ils peuvent aussi réagir quand des sujets agricoles sont au centre de l’attention médiatique et sociétale : pesticides, bien-être animal, lutte contre le gel…

Plateformes de mise en relation

Sur Twitter, des utilisateurs parlant du monde agricole au grand public sont réunis dans l’association FranceAgriTwittos, créée en 2017. « C’est un groupe apolitique et asyndical, c’est sans doute ce qui intéresse les gens, ce qui nous rend plus audibles. On ne représente pas le monde agricole, on parle de notre quotidien. On a plus d’écoute, c’est moins biaisé », explique Nadège Petit, agricultrice en Normandie et membre du bureau de FranceAgriTwittos, dans une interview pour reussir.fr.

Le deuxième usage des médias sociaux décrit par Bertille Thareau est les plateformes de mise en relation qui présentent des offres et des demandes de matériels ou services. Ce sont principalement des sites internet spécifiques qui ont pour vocation la coopération entre agriculteurs. C’est le cas de l’association #Cofarming, qui regroupe 22 start-ups agricoles et s’appuie sur le numérique pour mettre en relation les agriculteurs au-delà du simple voisinage : plateforme d’échanges de parcelles, location de matériels, mise en relation avec des acheteurs… Enfin, le troisième usage identifié est la constitution d’espaces numériques de dialogue entre pairs et avec des experts. Beaucoup d’agriculteurs se servent des réseaux sociaux comme des banques de contenus et de connaissances pour découvrir ce que font d’autres agriculteurs qui partagent les mêmes problématiques (productions, modes de culture…).

Conseils et partages d’expériences

« Avant, les forums de discussion étaient principalement utilisés, évoque Bertille Thareau lors d’Esaconnect 2020. Maintenant, c’est surtout le cas de Whatsapp, Facebook et Twitter. Les échanges entre agriculteurs et avec des experts se font souvent autour de thématiques très techniques ». L’objectif de ces réseaux est de faciliter l’échange et la production de connaissances entre agriculteurs. On y voit une très forte interaction entre les membres. Les communautés numériques se structurent par la proximité thématique. On trouve par exemple sur Facebook un groupe sur l’agriculture de conservation rassemblant plus de 67 000 membres.

« Les agriculteurs se donnent des conseils, partagent leurs expériences, se questionnent mutuellement », décrit Bertille Thareau. L’application de messagerie Whatsapp a pris énormément d’ampleur dans cet usage ces dernières années. « A la louche, je dirais qu’au moins un conseiller de Chambre d’agriculture sur deux a un groupe Whatsapp », indiquait l’an dernier à Agra Nicolas Minary, fondateur de la start-up Landfiles, qui propose une application alternative à Whatsapp pour les groupes d’agriculteurs. Selon lui, Whatsapp est très utilisé dès lors qu’il y a de l’expérimentation et de l’innovation, par exemple dans les GIEE, les groupes 30 000 et Dephy.

Une hiérarchie en fonction de l’audience

La crise du Covid-19 et le confinement du printemps 2020 ont bien souvent développé l’usage de ces groupes Whatsapp, avec l’arrêt provisoire des réunions techniques entre producteurs et conseillers. Sur les groupes Whatsapp ou Facebook, le partage de photos et de vidéos prises dans les parcelles favorise les échanges entre les membres.

Selon Bertille Thareau, les médias sociaux ont une gouvernance plus informelle que les institutions dont les cadres sont bien connus. Sur Twitter et Youtube, une hiérarchie en fonction de l’audience s’instaure. « De nouveaux leaders d’opinion s’imposent. Quand ce sont des agriculteurs, leurs profils sociaux sont assez proches de ceux de responsables professionnels : administrateurs d’associations nationales ou plus locales, élus de syndicats ou de Chambres d’agriculture, fondateurs de GIEE… ». Mais les médias sociaux ne changent pas radicalement les façons d’interagir et d’accéder à l’information. Ils sont mobilisés en complément d’une diversité de sources d’information et d’espaces de réflexion. « Les usages des médias sociaux s’articulent autour d’usages déjà existants et les complètent : dialogues avec conseillers et fournisseurs, visites de salons, presse professionnelle, groupes de développement », précise la sociologue.

 

Les réseaux sociaux peuvent faciliter l’échange et la production de connaissances entre agriculteurs

 

FranceAgriTwittos a investi Twitter

L’association FranceAgriTwittos réunit des personnes parlant du monde agricole sur Twitter. Composée pour moitié d’agriculteurs et d’acteurs gravitant autour du monde agricole, elle vise à créer du lien entre le monde agricole et la société. L’association compte aujourd’hui 500 adhérents. « Notre but est d’expliquer l’agriculture avec nos mots à nous, avec bienveillance et bonne humeur, indique Denis Beauchamp, responsable céréales dans une coopérative auvergnate et président de France AgriTwittos depuis 2018. Nous avons notamment créé une banque d’images agricoles destinées principalement à la presse pour aider les journalistes à illustrer correctement les articles qui traitent d’agriculture ». FranceAgriTwittos est également à l’origine d’un guide intitulé « Comment communiquer efficacement quand on est agriculteur et qu’on manque de temps ». Celui-ci rassemble des trucs et astuces pour aider à lever les malentendus et les clichés sur le monde agricole. Enfin, Twitter n’est pas le seul lieu d’échanges entre les membres de FranceAgriTwittos : « nous faisons des « tweet-apéros » à chaque salon ou foire agricole pour nous retrouver dans la convivialité ! », précise Denis Beauchamp.

 

Communiquer sur son métier

Etienne Formont a développé une large audience sur les réseaux sociaux et sur Youtube où il explique en vidéos le quotidien de son métier d’éleveur laitier.

 
Sur sa chaîne Youtube, Etienne Formont publie une vidéo par semaine. © Etienne, agriyoutubeurre
Etienne Formont, « agri youtubeurre » comme il se définit sur sa chaîne Youtube, est éleveur laitier dans la Sarthe. Très présent sur les réseaux sociaux, il compte plus de 95 000 abonnés à sa chaîne Youtube où il raconte son métier depuis quatre ans à travers des vidéos hebdomadaires. Il a également plus de 30 000 abonnés à son compte Instagram et 27 000 sur Twitter. La construction de cette large audience a débuté alors qu’il découvrait Twitter en tant que JA. « Je twittais sur le syndicalisme, et je me suis rendu compte que beaucoup de monde parlait d’agriculture sans la connaître, évoque-t-il lors d’une table ronde du dernier congrès de la FNPFruits en février. Je voulais que des agriculteurs s’expriment directement, l’impact est beaucoup plus fort que quand c’est une interprofession ou un syndicat. »

Des commentaires très positifs

Le jeune éleveur se prend au jeu de Twitter pour expliquer son métier. Mais il s’intéresse de plus en plus au format vidéo de Youtube, où sont alors présents quelques céréaliers, mais pas d’éleveurs. Il se lance alors sur la plateforme où il vulgarise des sujets assez complexes comme l’insémination, la traite… « C’est plus facile d’expliquer en montrant par l’image, poursuit-il. Je sors chaque semaine une vidéo d’environ 10 minutes, le dimanche matin. Ce sont surtout des vidéos pédagogiques sur mon travail au quotidien, mais il y a aussi quelques réponses à des sujets agricoles qui font l’actualité, comme la ferme des 1 000 vaches ou les vaches à hublot. » Etienne Formont tire un bilan très positif de son utilisation des réseaux sociaux. « Sur Youtube chaque vidéo fait entre 60 000 et 100 000 vues, et les commentaires sont dans l’ensemble très positifs. Je passe beaucoup de temps sur les réseaux, 2 à 3 h par jour, mais pour moi c’est un loisir ». Pas besoin d’en faire autant néanmoins quand on débute ! « J’encourage les agriculteurs qui en ont envie à se lancer, en postant des photos de leur travail quotidien, en expliquant très simplement par une ou deux phrases ce qu’ils font… C’est un travail énorme pour l’image de la profession. »

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