Filière bio
Les transformateurs, au cœur de la stratégie de construction des filières bio françaises
Picard et blédina ont détaillé leurs démarches de constructions de filières bio françaises pour leur approvisionnement. Recherche d’un prix équitable pour tous, accompagnement financier et technique, compréhension des enjeux du monde agricole… La cohérence est au cœur de leurs projets.
Picard et blédina ont détaillé leurs démarches de constructions de filières bio françaises pour leur approvisionnement. Recherche d’un prix équitable pour tous, accompagnement financier et technique, compréhension des enjeux du monde agricole… La cohérence est au cœur de leurs projets.
Emballement du changement climatique, contexte de crise sanitaire… Comme le souligne Jacques Caplat, agronome et anthropologue expert du développement de la bio en France, l’agriculture a sa part de responsabilité mais peut être aussi une partie de la solution. « Il y a des pratiques à modifier et l’agriculture biologique est une des réponses. » En parallèle, la demande augmente fortement, notamment chez les transformateurs. Le 26 novembre, la Fnab et l’agence Utopies ont organisé un séminaire digital pour débattre de ces enjeux : développer des filières bio françaises coconstruites respectueuses des principes fondateurs du bio.
Pierre-Antoine Morel, responsable du développement des filières agricoles chez blédina, et Gérald Townsend, responsable du développement durable chez Picard Surgelés, sont venus témoigner des démarches engagées dans leur groupe respectif.
blédina, le petit nouveau dans le bio
Alors que blédina a 120 ans d’existence, cela ne fait que trois ans que la marque existe dans le bio, avec le lancement en mars 2018 des récoltes bio. « Pendant longtemps, le cahier des charges très strict de l’alimentation infantile, avec son obligation de résultats, nous a paru suffisant, relate Pierre-Antoine Morel. Et quand nous avons voulu nous lancer dans le bio, nous voulions vraiment créer une marque à impact positif, aller plus loin que le bio européen : le local -avec la décision de 80 % d’ingrédients d’origine France- et l’impact sur le côté agricole, avec un engagement financier et technique de notre part. Nous nous engageons ainsi sur les conversions, en payant les produits un peu plus chers, avec des contrats en volumes et prix. »
La principale difficulté en passant dans le bio ? Outre la centralisation des achats, Pierre-Antoine Morel explique que les fruits et légumes bio sont beaucoup plus variables dans leurs caractéristiques physico-chimiques. « En passant en bio, nous avons dû inverser notre méthode : d’abord étudier les matières premières disponibles puis observer leur stabilité, puis seulement alors élaborer des recettes.»
Picard a lancé sa gamme locale, jusque dans la commercialisation
Picard s’est lancé il y a plus longtemps sur le bio, à la base avec les légumes, pour suivre les demandes fortes de ses clients. A l’époque, le transformateur avait fait le constat d’un manque d’offre française, en devant aller sourcer en Italie. L’ambition pour du bio local l’a poussé à se rapprocher de la Fnab et son label Bio.Français.Equitable pour lancer une gamme qui respecte ce nouveau cahier des charges et va plus loin sur le local, de la production à la transformation et même à sa commercialisation. La première gamme : Bio Locale Sud-Ouest.
« Notre difficulté a été de nous connecter au monde agricole. Contrairement à des acteurs comme blédina, déjà très proche des producteurs, nous, nous étions plutôt proches des surgélateurs, des transformateurs, qui en plus cherchent à travailler avec de gros volumes. D’où l’intérêt de notre travail avec la Fnab », explique Gérald Townsend.
Passer par la Fnab pour se rapprocher du monde agricole
Stéphanie Pageot, éleveuse bio et secrétaire nationale de la Fnab en charge des relations avec les acteurs économiques, témoigne de la forte volonté des deux transformateurs : « Dans ce genre de projet, il est important que toutes les parties comprennent les enjeux des uns et des autres. Picard a pris le temps de comprendre nos enjeux techniques et notre volonté d’un bio cohérent et à accepter de financer ce projet sur plusieurs années. De même, blédina a soutenu la conversion de ses agriculteurs partenaires, en s’adaptant à chaque territoire. » Avec la Fnab, ont été mis en place des diagnostics conversion, des formations pour les agriculteurs, et la mise en place de groupes d’échanges afin que les producteurs puissent dialoguer entre eux de leurs problématiques.
La construction d’un prix équitable, du producteur au consommateur, un enjeu central
Pour les Récoltes bio de blédina, le groupe a réalisé une étude avec l’outil de la Fnab, qui permet de déterminer un prix de revient, c’est-à-dire qui prend en compte les coûts de revient, le salaire que souhaite se verser le producteur et la prise en compte des divers aléas.
Pierre-Antoine Morel détaille : « Nous avons fait l’exercice pour nos matières premières iconiques : pomme, poire, carotte, pomme de terre. Par exemple pour la pomme, nous l’avons fait avec deux coopératives basées sur deux territoires différents. La difficulté est de ne pas décorréler ce prix des réalités du marché, car s’il est important de valoriser ces produits et la démarche jusqu’au consommateur, il ne faut pas en faire une niche, il faut qu’il reste accessible au plus grand nombre. »
Trouver l’équilibre d’un prix équitable pour tous, y compris les intermédiaires (transporteurs par exemple), tel est l’enjeu. « Et une bio rémunératrice, c’est dans la cohérence de la démarche et très important si on veut attirer de nouveaux producteurs dans le métier », souligne Stéphanie Pageot.
S’associer entre concurrents pour permettre l’essor de nouvelles filières
Picard rapporte une belle réception de sa nouvelle gamme, « sans effort de communication particulier mais une démarche bien explicitée » et souhaite développer d’autres produits et d’autres régions. « Et voir, post-Covid, les perspectives économiques pour réfléchir au prix, afin d’accrocher le plus grand nombre », précise Gérald Townsend.
blédina veut aussi étendre les volumes et les espèces, sachant que pour certains produits, c’est compliqué. « La fraise bio pour l’industrie, par exemple, on n’en trouve pas en origine France, explique Pierre-Antoine Morel. blédina seul n’a pas des besoins suffisants pour monter une filière française. Peut-être en s’associant avec d’autres distributeurs et transformateurs ? Il est temps de laisser la concurrence de côté. »