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Les rapaces consommateurs de campagnol provençal

Le campagnol provençal représente-t-il une part importante du régime alimentaire des rapaces du pourtour méditerranéen ? Une étude de la Ligue de protection des oiseaux de l’Aude et du CTIFL a tenté de répondre à cette question grâce à l’analyse des pelotes de réjection de plusieurs espèces.

Plus de 70 000 proies de rapaces, identifiées à partir de pelotes de réjection collectées sur une période de quarante ans entre 1978 et 2018 ! Cet énorme travail d’analyse majoritairement réalisé par Christian Riols, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) de l’Aude, a servi de base à une étude sur le régime alimentaire de cinq espèces de rapaces sur le pourtour méditerranéen français. L’objectif de ce travail, fruit d’un partenariat entre la LPO Aude et le CTIFL, était d’évaluer la part du campagnol provençal dans la consommation en micromammifères de ces rapaces. « Dans le cadre de la lutte intégrée contre le campagnol provençal dans les cultures agricoles vulnérables, il est important de préciser le cortège des prédateurs impliqués dans sa régulation afin de mieux les protéger et chercher à les favoriser », indiquent les auteurs de l’étude, Michel Jay, Jean-Michel Ricard (CTIFL de Balandran, Gard) et Christian Riols (LPO Aude). Les échantillonnages ont été effectués majoritairement dans le département de l’Aude (78 % des proies analysées), mais aussi dans le Gard (13 %), l’Hérault (5 %), les Bouches-du-Rhône (3 %) et les Pyrénées-Orientales (1 %). Parmi les cinq rapaces étudiés, quatre sont nocturnes (Effraie des clochers, Grand-duc d’Europe, Chevêche d’Athéna, Hibou moyen-duc) et un est diurne (Faucon crécerelle). Le Faucon crécerelle et le Hibou moyen-duc sont les espèces qui consomment le plus de campagnols. En moyenne, le campagnol provençal représente ainsi 25 % des micromammifères consommés par le Faucon crécerelle (sur 9 267 proies analysées) et 22 % par le Hibou moyen-duc.

Le Faucon crécerelle, inattendu consommateur de campagnols

Ce dernier étant un spécialiste des campagnols, son fort taux de capture de campagnols provençaux semble logique. Mais ce chiffre ne provient que de quatre lots de pelotes (563 proies). « Un plus grand nombre de proies serait nécessaire pour affiner ce résultat », mentionnent les auteurs de l’étude. En revanche, la forte prédation de campagnols provençaux par le faucon crécerelle était moins attendue. Ce rapace est en effet une espèce diurne, alors que le campagnol provençal est décrit comme ayant un comportement souterrain et nocturne. « Ceci prouve que ce campagnol est bien plus actif de jour et en surface que ce qui était décrit », analysent les auteurs de l’étude. Pour la Chevêche d’Athéna, le taux de capture moyen de campagnol provençal est de 18 % (sur 2 778 proies) et pour le Grand-duc d’Europe, il est de 17 % (sur 968 proies). Enfin, ce taux est de 14 % pour l’effraie des clochers, espèce pour laquelle a été analysé le plus grand nombre de proies : près de 59 000. Le Gard est le département où les captures de campagnol provençal par l’Effraie des clochers sont les plus élevées : 18 %. A l’inverse, les lots collectés en Camargue n’en contiennent que 6 %. Ces résultats sont cohérents avec l’écologie du campagnol provençal : les lots de pelotes du Gard proviennent de zones agricoles propices au rongeur, tandis que les lots de Camargue concernent surtout des zones naturelles humides, salées et peu cultivées, qui lui sont sans doute moins favorables.

Au moins dix espèces de rapaces le capturent

Les cinq espèces de rapaces étudiées ne sont pas les seules à se nourrir du campagnol provençal. L’ensemble des résultats montre qu’au moins dix espèces de rapaces du sud de la France le capturent. A la liste des cinq espèces déjà mentionnées, il faut ainsi ajouter la Buse variable, la Chouette hulotte, le Busard cendré et le Busard Saint-Martin. Ces deux derniers sont de grands prédateurs de campagnols mais sont moins impliqués sur le campagnol provençal dans le sud de la France. Plus étonnant, le Busard des roseaux, inféodé en tant que nicheur aux milieux humides, peut capturer en masse le campagnol provençal. Ce comportement a été observé dans le bassin de l’Ebre en Espagne : dans les zones de cultures intensives, où les proies disponibles sont moins diversifiées, le campagnol provençal représente 60 % des apports de micromammifères au nid, contre seulement 10 % dans les zones de cultures traditionnelles (Cardador et al., 2012). « Une observation de plus qui illustre que la simplification des paysages s’accompagne d’une simplification de la faune », soulignent les auteurs de l’étude.

Source : Infos CTIFL n°362 juin 2020. « Le campagnol provençal : prédation par les rapaces et dynamique des populations ». Michel Jay, Jean-Michel Ricard (CTIFL) et Christian Riols (LPO Aude).

Où est passé le campagnol provençal à Balandran ?

Depuis 2015, les populations de campagnol provençal sont suivies sur plusieurs parcelles du centre CTIFL de Balandran, en se basant sur la présence de tumuli. Après plusieurs fluctuations annuelles, les populations de campagnol provençal ont quasiment disparu sur le centre de Balandran en quatre années. Les hypothèses émises pour expliquer cette raréfaction sont l’aridité croissante du climat, l’impact du sanglier et une possible cyclicité méconnue des populations du campagnol provençal. Ces trois hypothèses interagissent probablement, sans qu’il soit possible de pondérer le poids de chacune d’elles et d’exclure d’autres causes actuellement inconnues.

 

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                     Mieux connaître le campagnol provençal

 

Les cinq rapaces étudiés

 

L’Effraie des clochers

 

© M. Jay / CTIFL

L’Effraie des clochers est opportuniste et chasse en milieu ouvert, en particulier au-dessus des herbages de faible hauteur, plus rares en région méditerranéenne. Ainsi, dans les prairies jurassiennes, cette chouette consomme les campagnols des champs et campagnols fouisseurs selon leurs abondances respectives et se rabat sur les musaraignes et les mulots si les deux espèces de campagnols se raréfient. Mais les campagnols restent ses proies préférentielles et sont exploités même à faible densité.

 

Le Faucon crécerelle

 

© M. Jay / CTIFL

Le Faucon crécerelle est un rapace diurne, dont le régime alimentaire est basé sur les campagnols de plusieurs espèces. En région méditerranéenne cependant, il consomme une proportion plus importante d’insectes et de reptiles que dans le reste de l’Europe. Une étude récente conduite en Espagne sur l’incidence de la pose de nichoirs destinés à l’Effraie des clochers et au Faucon crécerelle (26 nichoirs sur 626 ha) a montré un impact positif sur la régulation du campagnol des champs et du campagnol provençal dans les luzernières et vergers (Paz Luna et al., 2020).

 

La Chevêche d’Athéna

 

© M. Jay / CTIFL

Cette petite chouette aux yeux jaunes, volontiers diurne, est opportuniste et chasse une grande variété de proies selon les régions. Le campagnol des champs est une proie fréquente, mais aussi les vers de terre. La part des invertébrés (surtout coléoptères, lépidoptères et orthoptères) dans son régime alimentaire augmente graduellement du centre de l’Europe à la Méditerranée.

 

 

 

Le Grand-duc d’Europe

 

© M. Jay / CTIFL

Superprédateur éclectique, c’est le plus grand (2,5 - 3 kg pour 1,70 m d’envergure) et le plus puissant rapace nocturne. Autrefois très rare, le Grand-duc est en expansion en France. Il capture des gros mammifères s’ils sont disponibles, en particulier le lapin de garenne. Si celui-ci se raréfie, son opportunisme lui permet de se rabattre sur des oiseaux (corvidés, colombidés, rapaces) ou sur le rat noir, comme dans les Alpilles. Le campagnol provençal fait partie d’une longue liste de proies : 140 espèces consommées par exemple dans le Puy-de-Dôme (Martin et Riols, 2017).

 

Le Hibou moyen-duc

 

© M. Jay / CTIFL

Le Hibou moyen-duc est un spécialiste des campagnols, et ce dans toute l’Europe. Sa proie dominante est le campagnol des champs. Cette dépendance rend ses populations fluctuantes, car les populations de campagnol des champs présentent une cyclicité très marquée de 3-4 ans (alternance de faible présence et de pic de pullulation).

 

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