Face à la sécheresse, comment l'agriculture des Pyrénées-Orientales envisage sa gestion de l'eau ?
Face au manque d’eau, à l’amenuisement des réserves et à la sécheresse prolongée, les Pyrénées-Orientales se concertent pour une meilleure efficience de l’eau. Le département se veut pilote dans la répartition des usages plutôt que dans leur opposition.
Face au manque d’eau, à l’amenuisement des réserves et à la sécheresse prolongée, les Pyrénées-Orientales se concertent pour une meilleure efficience de l’eau. Le département se veut pilote dans la répartition des usages plutôt que dans leur opposition.



Les Pyrénées-Orientales sont à sec. Une baisse de 73 % de la pluviométrie en janvier 2024 par rapport à janvier 2023, un déficit d’un an de précipitations sur les deux dernières années, une chute de deux-tiers des ressources hydriques depuis 2021... Les agriculteurs sont en état de choc face à l’ampleur de la situation. Le récent congrès de la Fédération nationale des producteurs de fruits, qui s'est tenu en février à Perpignan, se devait de faire état de cette situation. « Notre département est un laboratoire de ce qui peut se passer ailleurs », a mentionné Bruno Vila, président de la FDSEA 66, rappelant qu’au 28 avril 2023 la préfecture annonçait couper l’eau pour l’agriculture et que seul un arbitrage national avec des arrêtés de crise ont permis de maintenir une disponibilité très encadrée.
Le résultat du déni et de la procrastination
Pourtant, lors de la table ronde consacrée à cette situation, Henri Cot, hydrologue, a rappelé que « le changement climatique ne nous tombe pas dessus d’un seul coup ». Selon le spécialiste, « la brutalité de la situation n’est que le résultat du déni et de la procrastination d’un changement annoncé ». Le réseau hydrologique des Pyrénées-Orientales compte plusieurs sources d’approvisionnement : les bassins versants et rivières, l’enneigement dans des Pyrénées, les nappes souterraines et le karst des Corbières, un système hydrologique formé d’immenses cavités. Cette « mer souterraine » considérée comme l’une des plus grandes réserves européennes d’eau douce était aussi vue comme inépuisable.

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Mais aujourd’hui elle montre des signes de faiblesse de réapprovisionnement tout comme l’ensemble des autres ressources. « Tous les piézométres relèvent une situation de crise, notamment ceux de la bande littorale générant des risques de salinisation de la nappe », explique Nicolas Garcia, maire d’Elne, qui suit le problème. Le débat entre experts départementaux s’est concentré sur la stratégie de récupération, de stockage et de répartition d’une eau devenue « denrée rare ». L’usage des canaux qui sillonnent la plaine littorale a été mis en avant pour réalimenter les nappes, alors que le schéma de stockage de l’eau excédentaire devrait être réorganisé « puisqu’il existe plus de 100 millions de m3 de capacité de stockage qui ne sont pas remplis », assure Nicolas Garcia.
L’eau va donc coûter plus cher

Toutefois l’agriculture ne souhaite pas s’opposer au tourisme, autre secteur économique indispensable au département. D’autant que l’explosion de la consommation d’eau estivale due à l’arrivée massive des vacanciers, correspond aussi aux mois les plus chauds et secs. « Cette affluence peut être une opportunité pour l’agriculture s’il y a possibilité de réutiliser les eaux épurées ». Là encore, la situation de crise a permis d’accélérer les choses avec des autorisations données en 2023 par l’Anses à sept communes littorales pour irriguer les cultures.
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Donnant en exemple le Maroc ou la ville de Barcelone, Bruno Vila n’exclut pas la possibilité de la désalinisation de l’eau de mer. Tout en considérant son coût encore prohibitif pour l’agriculture, celle-ci doit entrer dans le mix des ressources en eau, assure le responsable. « L’eau va donc coûter plus cher. Il faudra être en capacité de produire avec ce coût supplémentaire et réfléchir où sera l’agriculture dans le département avec des zones sécurisées en approvisionnement », envisage-t-il.
Créer de l’intelligence autour de l’eau
Dans la difficulté, le département des Pyrénées-Orientales se présente comme un département pilote. « Nous avons créé de l’intelligence autour de la problématique de l’eau avec plus de concertation et de discussion entre tous les acteurs concernés », reconnaissent les participants. Lors de l’été 2023, la consommation domestique d’eau a baissé de 30 %. Preuve que partager les problèmes peut responsabiliser un grand nombre de personnes. Agriculteurs et habitants du département sont conscients de la situation et espèrent ne pas arriver aux dispositions prises en Catalogne du Sud, où face à une situation tout aussi préoccupante, l’eau devrait être rationnée pour l’agriculture (-80 %), l’industrie (-40 %) et les habitants (180 litres/jours).