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« Les circuits courts en fruits et légumes doivent sortir de l’artisanat »

La commercialisation en circuit court, notamment en maraîchage, peut apparaître très séduisante. « Le potentiel phénoménal mais le degré d’exigence que réclame ce modèle est aussi terrible. Et pour l’heure, trop artisanal », selon Jacques Mathé, économiste rural.

Jacques Mathé : « Le problème du circuit court se pose en termes de différenciation de l’offre, de haute technicité et de productivité du travail. La binette, c’est bien mais ça prend du temps ! »
Jacques Mathé : « Le problème du circuit court se pose en termes de différenciation de l’offre, de haute technicité et de productivité du travail. La binette, c’est bien mais ça prend du temps ! »

« Dans les fruits et légumes, il y a une tradition naturelle à valoriser des produits spécifiques via des circuits courts », note Jacques Mathé, économiste rural, professeur associé à l’Université de Poitiers. « Depuis les années 2000, on constate d’ailleurs une intensification de ce type d’activité en fruits, mais surtout en légumes. Il est vrai que le coût d’accès au métier peut être peu élevé : 1 ha, une binette et trois cageots. C’est plein de bons sentiments mais ce n’est pas un gage de réussite. Le problème étant alors la productivité du travail qui doit être compensée par un fort prix de vente. Le maraîcher qui veut réussir doit donc mettre en avant, auprès du consommateur, les qualités gustatives supérieures de ses légumes, leur mode de production et soigner leur présentation pour que celui-ci accepte de payer ». Encore faut-il être capable de fixer correctement le prix, ajoute Jacques Mathé. « Les producteurs qui se lancent veulent faire moins cher que la grande distribution. Ce qui me fait hurler. »

Fiers de leurs produits

« Le problème en fruits et légumes est qu’on est dans l’artisanat. Les coûts de production explosent car la productivité est très faible. Il faut donc ajuster son prix. Et il est normal que le produit local soit plus cher. Ça vaut combien un sourire ? Parce qu’un sourire, ça vaut de l’argent. Et le plaisir qu’a le client à acheter, aussi. Je rêve donc j’achète. Tout ce relationnel avec le client est essentiel dans la composante du prix. Et il ne faut oublier de compter son temps, sinon le modèle économique ne tient pas. Je connais des producteurs de fruits et légumes en circuit court qui, sur 100 € de chiffre d’affaires, génère 50 € de bénéfice net. Ces gens qui sont fiers de leurs produits n’ont pas d’état d’âme sur le prix. »

Mais ceci suppose un système de production et d’organisation efficace. « Le circuit court est le système le plus abouti mais aussi le plus sélectif qui demande un niveau de compétences supérieur à la moyenne et dans tous les domaines, sans oublier des tomates plus belles et plus goûteuses. Ce que je regrette c'est que les producteurs qui démarrent en circuit court sont ultra pressés. C’est une erreur. Il faut d’abord se former, s’informer, faire preuve de curiosité, de créativité, aller voir ailleurs ce qui se passe comme en Italie, sur les marchés de Florence. Un bel exemple du talent italien. Il n’en demeure pas moins que le potentiel est phénoménal mais le degré d’exigence terrible ».

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