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Salade : quelles sont les différentes techniques de production hors-sol ?

Depuis vingt ans, des techniques de culture hors-sol de salades se développent peu à peu dans le monde, avec des niveaux d’investissement plus ou moins élevés et pour répondre à des enjeux qui varient selon les pays.

Si la salade se cultive encore principalement sur sol, différentes techniques de culture hors-sol se développent peu à peu depuis vingt ans. La plus répandue est l’hydroponie, dans laquelle les racines des salades en motte sont alimentées par une solution nutritive, avec deux technologies : la Deep floating technique (DFT), dans laquelle les salades sont cultivées sur des plaques flottant sur un bassin alimenté en eau et nutriments, et la Nutrient film technique (NFT), où les plants sont placés dans des gouttières dans lesquelles circule une solution nutritive. Autre technique : l’aéroponie, où la solution nutritive est brumisée sur les racines.

L’hydroponie et l’aéroponie peuvent se pratiquer à l’horizontale, en extérieur, parfois sous filet, ou en intérieur, sous tunnel, multichapelle ou serre verre, avec ou sans éclairage, chauffage et contrôle de tous les paramètres (température, hygrométrie, CO2…), ou à la verticale (Vertical Farming), sur des étagères, dans des compartiments en environnement contrôlé, avec éclairage et chauffage. L’hydroponie peut aussi être associée à l’élevage de poissons dans le cadre de l’aquaponie. Et d’autres techniques sont possibles, comme la géoponie rotative de la start-up Futura Gaïa, où les plantes sont cultivées dans des bacs de terreau disposés dans une roue qui tourne en permanence. « En général, on parle d’hydroponie high-tech quand il y a de l’éclairage et du chauffage », précise Chrystel Texier, spécialiste salade chez Rijk Zwaan.

Fort développement aux États-Unis et en Asie

L’hydroponie est apparue dans des pays d’Europe du Nord (Finlande, Suède, Danemark) souhaitant proposer toute l’année des produits locaux. Elle s’est ensuite développée au Benelux pour s’affranchir des problèmes de sol (fusariose). Et elle se répand aujourd’hui dans le monde. « En 2023, le marché mondial de l’hydroponie a été évalué à plusieurs milliards d’euros, indique Léo Vaillant, responsable gammes produits chez Gautier Semences. Il connaît une croissance significative et pourrait tripler d’ici 2033, poussé par l’augmentation de la population mondiale. » Les principales zones de production actuellement sont l’Amérique du Nord (États-Unis, Canada) et l’Asie, avec dans les deux cas la présence de gros acteurs dans l’industrie et la production et une vente principalement en sachet ou à la restauration.

Aux États-Unis, alors que la production de salades en sol se fait surtout sur la côte ouest, l’hydroponie high-tech permet de produire des salades locales sur la côte est. La culture sur gouttières de jeunes pousses de salades s’y développe également. En Asie (Australie, Chine, Inde, Japon, Corée…), la culture hors-sol permet de s’affranchir des problèmes de sol (NFT sous tunnel ou multichapelle le plus souvent) et parfois de compenser le manque de place, comme au Japon où des salades sont cultivées dans des « Plant Factories », à très haute densité, avec éclairage et chauffage. Autres secteurs de développement : la Russie (hydroponie high-tech), du fait de la volonté du gouvernement d’être autonome pour l’alimentation et du faible coût de l’énergie, l’Amérique du Sud (hydroponie en extérieur), la Turquie (hydroponie sous tunnel) ou encore l’Afrique (Afrique du Sud, Égypte…) et le Moyen-Orient (Koweït…), pour s’affranchir du climat et du manque d’eau.

Conversion d’abris face à la fusariose

En Europe, la culture de salades hors-sol est développée surtout en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse, avec notamment l’offre Trio, produite en DFT ou NFT sous serre, avec parfois de l’éclairage, dans laquelle trois variétés de couleurs et formes différentes sont cultivées sur un même cube et vendues avec leurs racines, ce qui allonge la durée de conservation. Et le développement se poursuit, aux Pays-Bas et en Belgique, où les producteurs sont habitués à la culture de salade sous serre et au hors-sol, mais aussi en Allemagne, en Suisse et au Royaume-Uni, où des infrastructures existent déjà et où la recherche sur ces modes de production s’intensifie. En Italie, en Espagne, des abris sont aussi convertis à l’hydroponie, face notamment aux problèmes croissants de fusariose.

En France, les terres disponibles étant importantes, la culture de salade hors-sol est encore peu développée. Des fermes verticales ont été montées pour l’approvisionnement des citadins en produits frais et locaux. Mais avec la flambée du prix de l’énergie, ces installations, qui demandent de très gros investissements et consomment beaucoup d’énergie, se retrouvent aujourd’hui en difficulté. La ferme urbaine Agricool, qui produisait des fruits et légumes en containers, a été cédée pour 50 000 euros à la société Vif Systems qui conçoit des containers de culture.

Et la ferme verticale Jungle, dans l’Aisne, qui produit des salades, fleurs et plantes aromatiques, vient de déposer le bilan. Des projets d’aquaponie se sont aussi mis en place, même si le développement sur ce segment est plus compliqué qu’attendu. Et Les Crudettes, en partenariat avec la société CleanGreens, dont elle est actionnaire, a investi dans une serre en aéroponie pour la production d’herbes aromatiques et à terme de salades.

Des opportunités pour les producteurs français

La culture hors-sol de salades en France reste toutefois très limitée. Mais les choses pourraient évoluer. La faible consommation en eau de l’hydroponie pourrait devenir déterminante, par exemple pour le Roussillon, confronté au manque récurrent de précipitations. Le succès des salades Trio, importées du Benelux et distribuées notamment par Lidl et Carrefour, amène aussi des producteurs à s’intéresser à l’hydroponie. « Il y a un marché à prendre, l’hydroponie permettant par ailleurs de vendre en zéro résidu de pesticides », analyse Grégoire Vendeville, de Nunhems.

La plupart s’intéressent à l’hydroponie à plat. Mais la coopérative Limagrain a pris une participation à hauteur de 25 % dans Vif Systems qui met à disposition de ses adhérents des conteneurs d’hydroponie verticale permettant de produire des micropousses. Les micropousses sont achetées par Vif Systems pour la vente à la restauration haut de gamme. « La production en NFT Teenleaf de jeunes pousses pour la IVe gamme pourrait aussi être intéressante, estime Grégoire Vendeville. Comme les feuilles n’ont pas besoin d’être lavées, cela augmente leur durée de vie. »

Nécessité d’une bonne valorisation

La rentabilité reste l’élément clé, avec des aspects d’investissements, de coûts de fonctionnement, notamment d’énergie, de productivité et de valorisation. Plusieurs projets axés à l’origine sur la production de légumes se sont réorientés vers les herbes aromatiques, dont la consommation augmente, avec une bonne valorisation. « Le modèle économique est moins évident en salade qu’en herbe aromatique », admet Géraldine Collet, responsable développement Les Crudettes. « Une bonne valorisation est essentielle, ce qui implique un produit très qualitatif, insiste Émilie Gauvrit, cheffe produit salade de Vilmorin-Mikado. Et si les Français apprécient la fraîcheur, la moindre consommation d’eau et l’absence de traitements de la salade hors-sol, le manque de naturalité du produit pourrait être un frein et nécessite de communiquer sur les atouts de la culture hors-sol. »

Trois techniques de base

La Deep floating technique

 

 
La salade se cultive aussi en hors-sol
© Rijk Zwaan

La technique la plus répandue en salade hors-sol est la Deep floating technique (DFT) ou Deep water culture (DWC). Les salades sont cultivées dans des cubes de substrat disposés sur des plaques de culture flottant sur un bassin alimenté en eau et nutriments. La DFT peut se pratiquer en extérieur ou en intérieur. Les salades sont cultivées à environ 20 plantes par mètre carré.

La Nutrient film technique

 

 
La salade se cultive aussi en hors-sol
© Reo Veiling

Dans la Nutient film technique (NFT), les cubes de substrat contenant des graines sont placés dans des gouttières inclinées dans lesquelles circule par gravité une solution nutritive. Les gouttières peuvent être fixes ou mobiles pour faire varier la densité en cours de culture. Une variante est la NFT Teenleaf, dans laquelle les graines sont semées à haute densité (60 plantes par mètre carré) dans des gouttières remplies de substrat. Les feuilles sont récoltées mécaniquement à 25-30 jours, quand elles atteignent 10-15 cm.

L’aéroponie

 

 

Dans l’aéroponie, la solution nutritive est brumisée régulièrement sur les racines de la plante, sous forme de gouttelettes ou de brume. Les racines étant à l’air, leur oxygénation est supérieure, ce qui améliore l’absorption des nutriments et permet un rendement supérieur à l’hydroponie. La technique est par contre plus complexe et le risque en cas de panne plus élevé.

S’affranchir du sol et du climat

 

 
Les fermes verticales intéressent notamment les pays d’Asie (Japon, Corée du Sud...).
Les fermes verticales intéressent notamment les pays d’Asie (Japon, Corée du Sud...). © Vilmorin

Un avantage de la culture hors-sol de salade est qu’elle permet de produire dans des zones où la disponibilité en terres est limitée, comme les villes ou des pays (Japon), mais aussi de s’affranchir des maladies du sol, notamment de la fusariose qui pose de plus en plus de problèmes en Europe. Un autre atout est qu’elle permet de produire sous tous les climats et avec 80-90 % d'eau en moins que le plein champ, l’eau étant recyclée, et ainsi de s’adapter au changement climatique et de proposer toute l’année des produits locaux dans des zones où la culture en sol est impossible pour des raisons climatiques, d’eau ou de manque de place. Autre intérêt : réduire les besoins en main-d’œuvre et la pénibilité du travail.

« Dans l’hydroponie high-tech, à peu près tout peut être automatisé, souligne Chrystel Texier, Rijk Zwaan. Et dans des installations moins automatisées, le travail sur gouttières ou plaques se fait à hauteur d’homme et à l’abri, ce qui peut faciliter le recrutement. » Autre atout : la forte productivité de ces systèmes. La densité de plantation élevée et l’optimisation de l’alimentation des salades et de tous les paramètres permettent en effet d’obtenir des salades de 250 g en 30-40 jours, 150-200 g en 25-30 jours, et donc de multiplier les cycles sur l’année. Et ceci avec une production régulière, qui facilite l’approvisionnement des magasins et industriels. Enfin, comme l’hydroponie se pratique en général en milieu fermé avec désinfection de l’eau, ce qui limite les bioagresseurs et donc les traitements, elle permet de proposer des salades sans insectes ni corps étrangers et sans pesticides ou sans résidus de pesticides.

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