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La prune d’Ente tient le pari de la baisse d'intrants

Réduire les traitements sur les vergers de pruniers d’Ente, tout en produisant des fruits de qualité, est possible à condition de construire des règles de décision adaptées.

Un mulch de BRF déposé sur le rang permet de gérer les adventices sans impact sur la vigueur des arbres.
© D. Monty (Inra)

« Lorsque la pression phytosanitaire est modérée, une réduction importante de produits phytosanitaires en vergers de pruniers d’Ente n’entraîne pas de perte de récolte », annonce Dominique Monty, de l’Inra, à l’issue de six années d’essai sur le domaine de l’Unité Expérimentale Arboricole de l’Inra, de Bourran, dans le Lot-et-Garonne. En revanche, l’impact sur jeunes vergers de la limitation des apports en eau et en azote est plus marqué. Pour atteindre l’objectif de réduction globale de 50% des IFT (indice de fréquence de traitement), défini dans le projet Dephy Expé, l’établissement des règles de décision a été primordial. « Ces règles reposent sur l’élaboration de stratégies correspondantes aux différents niveaux de pression envisageables pour chacun des bioagresseurs, expliquent Dominique Monty et Marie-Hélène Rames. Certaines cibles permettent davantage d’impasses ». Dans tous les cas, une surveillance stricte de l’état sanitaire et de l’environnement de la parcelle est indispensable pour appliquer le bon scenario. Les règles de décision peuvent évoluer en fonction des observations des années précédentes.

Un verger en haute densité pour favoriser les bioagresseurs

Dans le protocole BIP (Bureau national interprofessionnel du Pruneau ) /Inra, la parcelle « producteur », est représentative des stratégies de fertilisation, d’irrigation, de désherbage et de protection du verger, classiquement mises en œuvre dans les vergers en PFI. Elle sert de point de comparaison avec une parcelle « ECO50 ».« L’objectif de réduction de 50% des IFT de cette deuxième modalité se fait globalement sur l’ensemble de la saison et des cibles, et non pas cible par cible », précise Marie-Laure Greil de l'Inra. Les deux modalités sont des vergers conduits en axe. « Le choix d’une densité élevée est délibéré, assure Maud Delavaud du BIP. En effet, une implantation des pruniers d’Ente en 5 m x 2,5 m peut rapidement conduire à une végétation très dense, potentiellement plus favorable à l’expression des bioagresseurs ».

Une réduction risquée contre la rouille

Installés en 2011, les deux vergers ont, par comparaison, permis d’évaluer l’effet d’une réduction des intrants sur la production et l’état des arbres. En 2015, comme en 2016, alors que la pression parasitaire est modérée, la réduction de 50% des traitements n’a pas eu de conséquences significatives sur l’état du végétal et sur les récoltes (cf. graphiques). « En revanche, l’année 2014 favorable au développement de la rouille a bien illustré que la réduction du nombre de traitements contre ce pathogène pouvait avoir des conséquences non négligeables, puisque très précocement il n’y avait plus de feuilles sur les arbres », annoncent les deux ingénieures du BIP.

Une gestion du rang avec du BRF

Pour la gestion du rang, le verger ECO50 n’a pas reçu de désherbant. «Nous avons choisi d’épandre du BRF (bois raméal fragmenté) sous le rang, justifie Dominique Monty. Nous avons alors constaté sur les premières années, une baisse significative de la vigueur des arbres due vraisemblablement à une consommation d’azote par les microorganismes du sol qui dégradent le BRF ». Mais cette différence s’est assez vite atténuée. Au bout de deux ans, la vigueur des arbres était à nouveau similaire dans les deux systèmes. Les apports de BRF ont été renouvelés régulièrement pour compenser la dégradation biologique.

Impacts de la réduction hydrique et minérale

Les effets d’une réduction drastique d’eau et d’azote sur jeune verger sont très défavorables à la croissance des arbres puis à leur potentiel de production. « Nous l’avions déjà constaté sur des essais antérieurs », rappelle Marie-Laure Greil. La diminution de ces intrants pendant la phase juvénile reste problématique et a nécessité une évolution des règles de décision. En 2016, la restriction d’eau a été plus modérée et la fertilisation azotée a été ramenée à un niveau équivalent dans les deux systèmes. Ainsi, le rendement d’ECO50 s’est nettement rétabli sur cette dernière année.Cet essai est poursuivi pour observer le comportement d’un verger adulte en pleine production vis-à-vis du développement des différents pathogènes. « Le comportement du verger adulte pourrait être différent et ce point fera l’objet d’une attention particulière dans les années à venir », concluent les expérimentateurs.

Une collaboration fructueuse

La collaboration entre le BIP et l’Inra est ancienne. Depuis 1981, l’Inra accompagne la filière sur l’ensemble des enjeux techniques liés à la production de prunes destinées au séchage. Depuis 2011, une nouvelle convention, qui s’inscrit pleinement dans le Plan de Reconquête de la Compétitivité lie les deux organismes autour d’un projet commun de renouvellement des pratiques culturales. Installée sur le site Inra de Bourran, une plateforme d’expérimentation, entièrement dédiée à la prune d’Ente, est consacrée à la mise au point de vergers innovants, plus productifs, générant une meilleure rentabilité, tout en limitant l’impact sur l’environnement et en produisant des fruits de grande qualité. L’essai réduction d’intrants s’inscrit dans le réseau CAPRed (Cerisier Abricotier Prunier : Réduction des intrants), coordonné par le CTIFL et financé par l’Onema. Dix partenaires étudient différents systèmes de production au sein desquels les produits de protection des cultures (et désherbants) sont réduits de 50% par rapport à une référence (Objectif Ecophyto®). Les systèmes peuvent également être en rupture par rapport aux pratiques habituelles sur d’autres critères.

Le choix d’un essai système

« L’effet de tel ou tel produit, telle ou telle pratique a été déterminé au travers d’essais dit factoriels ou analytiques », expose Marie-Laure Greil. Ces essais permettent, de manière efficace de comparer l’effet d’un ou plusieurs facteurs sur une variable. Le protocole intègre des témoins et des répétitions. Les résultats sont analysés par des tests statistiques classiques. « Ces essais ne permettent pas de faire une analyse globale des interactions induites par les différentes pratiques », nuance-t-elle. Afin d’évaluer des systèmes complexes s’appuyant sur un ensemble de choix cohérents, l’expérimentateur réalise des essais de plus grande taille dits « essais système ». Dans ce type d’essais, de nombreux facteurs sont associés dans une logique d’optimisation, il n’y a en général pas de répétition et parfois pas de témoin. Les règles de décisions évoluent au cours de l’expérimentation et s’adaptent aux observations et aux conditions environnementales. « Même si l’analyse des résultats est plus complexe, l’essai « système » correspond parfaitement aux besoins d’évaluation des performances du dispositif CAPRed implanté à Bourran », assure Maud Delavaud.

 

 

 

 

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