Haricot : comment lutter contre la noctuelle héliothis ?
La noctuelle héliothis est le principal ravageur rencontré sur les haricots de Nouvelle-Aquitaine. Les piégeages montrent une évolution de la pression de l’insecte. Les stratégies de lutte doivent s’adapter, d’autant que les autorisations d’insecticides sont en réduction drastique depuis deux ans.
La noctuelle héliothis est le principal ravageur rencontré sur les haricots de Nouvelle-Aquitaine. Les piégeages montrent une évolution de la pression de l’insecte. Les stratégies de lutte doivent s’adapter, d’autant que les autorisations d’insecticides sont en réduction drastique depuis deux ans.
La chenille d’héliothis (Helicoverpa armigera) est problématique en raison des dégâts qu’elle cause sur les gousses de haricot et par sa présence dans les cultures au moment de la récolte. Elle sévit pour l’instant dans le sud de la France, sur haricots, maïs doux, tomate et pois chiche. À la faveur d’étés chauds et précoces, ce ravageur pourrait aussi coloniser de nouveaux bassins de production. Les piégeages témoignent déjà d’une présence faible mais significative en Loire-Atlantique, Bretagne et même Hauts-de-France, avec des dégâts ponctuels.
Une pression en hausse
Depuis l’année 2000, un réseau de partenaires relève des pièges à phéromones pour assurer le suivi en temps réel des populations d’héliothis sur haricot en Nouvelle-Aquitaine. En moyenne, deux relevés sont effectués chaque semaine sur toute la période de culture. La synthèse de ces relevés permet de dégager les tendances de vols au cours des deux dernières décennies. Si le comportement de l’héliothis est fortement lié au climat de l’année qui influe sur la précocité de son arrivée, il semble que l’intensité des vols ait fortement augmenté depuis les années 2000 en Nouvelle-Aquitaine. Ce suivi montre aussi qu’indépendamment des pics de vols, le piégeage de l’héliothis ne cesse jamais. La présence significative du ravageur est observée de mi-juin jusqu’à fin octobre. L’héliothis représente ainsi un risque constant sur l’ensemble de la période de production de haricots en Nouvelle-Aquitaine, y compris dans le cas des doubles cultures. La modélisation permet d’appréhender le développement de l’insecte mais reste insuffisante pour expliquer l’intensité des vols et le déclenchement des crises. Les travaux doivent s’intensifier, d’autant que parallèlement, les solutions de contrôle se réduisent drastiquement.
Des moyens de lutte fragilisés
L’autorisation d’emploi d’Altacor, principal moyen de lutte en cas de forte attaque, a été retirée en 2020 sur les usages de plein champ (voir encadré). L’Unilet, l’interprofession française des légumes en conserve et surgelés, poursuit ses recherches de nouvelles solutions, qu’elles soient chimiques ou alternatives. Ainsi, plusieurs substances actives disponibles sur le marché ont été testées avec des résultats décevants. Les expérimentations des dernières années se sont également tournées vers l’optimisation des solutions existantes, à l’exception des pyréthrinoïdes reconnues inefficaces. Des essais ont été réalisés pour améliorer l’efficacité de l’insecticide Affirm (emamectine). Ils ont montré que l’adjuvantation avec Helioterpen Film permet de gagner entre 7 et 27 points d’efficacité.
Concernant les solutions de biocontrôle, de bons résultats ont été obtenus avec des protections alternant l’emploi de Dipel DF (Bacillus thuringiensis) durant la floraison, et de Success 4 (spinosad) hors floraison, afin de respecter les spécifications environnementales des produits. Si l’emploi seul de Dipel DF (2 à 4 applications) présente une efficacité moyenne de 59 %, son association en programme avec Success 4 a permis d’atteindre 89 % d’efficacité sur les morsures de gousses en conditions de forte pression (25 % de gousses attaquées dans le témoin non traité) dans un essai d’Unilet. Ce type de programme est toujours en cours d’évaluation car les résultats sont fragiles. Une application en moins fait chuter l’efficacité à 53 %. À l’heure actuelle, les itinéraires utilisant le biocontrôle présentent donc un intérêt mais doivent être fiabilisés pour minimiser la prise de risque.
Comment adapter la protection ?
Les vols sont généralement de moindre intensité fin juin-début juillet, ce qui permet d’adapter la protection des parcelles, en faisant l’impasse sur les cultures les plus précoces en l’absence de captures et en modulant la protection en fonction de l’intensité des vols. Les piégeages témoignent d’une forte présence de l’héliothis fin août-début septembre en Nouvelle-Aquitaine, et de sa concentration sur les cultures de haricots, les maïs alentour étant largement défleuris. Il est donc important d’être particulièrement réactif à cette période, en utilisant Affirm ou Success 4 avant et après floraison, et des Bt pendant la floraison. L’efficacité de ces solutions nécessite un positionnement adapté. Dans la plupart des cas, un déclenchement précoce de la protection, suite à un pic de vol ou dès l’observation des premiers œufs, est conseillé. L’objectif est d’intervenir sur les œufs ou les jeunes larves, plus sensibles aux insecticides. Par la suite, si le vol d’héliothis se prolonge, un renouvellement des applications tous les sept à dix jours permet de contenir les attaques jusqu’à la récolte. La qualité de pulvérisation est également importante : le ravageur doit être directement touché ou consommer la substance active pour être détruit, ce qui suppose une bonne pénétration de la bouillie dans le feuillage.
Point réglementaire
La profession va devoir solliciter une nouvelle dérogation d’Altacor pour la campagne 2023, en attendant l’évaluation d’un nouveau dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM) déposé début 2023 et basé sur de nouvelles études. L’autorisation d’emploi d’Altacor (chlorantraniliprole) avait été restreinte en 2020 aux usages sur légumes sous abris uniquement. Un nouveau dossier d’AMM avait été déposé par la firme fabricante afin de restaurer son emploi en plein champ et, dans l’attente de son évaluation, une dérogation avait été accordée en 2021 afin de faire face à ce retrait. La demande d’AMM a malheureusement été refusée en France. Cette décision a placé la filière dans un état d’urgence en 2022, avec un risque de perte de contrôle des attaques d’héliothis, et l’a conduit à demander – et obtenir – une dérogation d’emploi pour Benevia (cyantraniliprole), un autre insecticide de la même famille chimique.