Légumes : la génétique, un levier pour réduire les intrants
Les entretiens techniques du CTIFL au Sival étaient axés cette année sur l’utilisation du levier variétal pour réduire les intrants en cultures légumières. Des variétés plus résistantes et moins gourmandes en nutriments peuvent être utilisées.
Les entretiens techniques du CTIFL au Sival étaient axés cette année sur l’utilisation du levier variétal pour réduire les intrants en cultures légumières. Des variétés plus résistantes et moins gourmandes en nutriments peuvent être utilisées.
La piste de variétés et porte-greffes résistants aux maladies et ravageurs est étudiée depuis plusieurs décennies en cultures légumières. La plupart des légumes peuvent en effet être affectés par de nombreux bioagresseurs. « 280 pathogènes ont été recensés en tomate, 79 en cucurbitacées, 48 en salade, a rappelé Emmanuel Lesprit, de l’Union française des semenciers. Et ces pathogènes évoluent dans le temps. S’y ajoutent le changement climatique et les déplacements internationaux, qui augmentent le nombre de pathogènes. » Face aux attentes sociétales pour une réduction des pesticides, les chercheurs travaillent donc sur des résistances totales ou intermédiaires. Des résistances à plusieurs maladies ont déjà été introduites dans la plupart des espèces. Des gènes de résistance aux pucerons ont également été sélectionnés en melon et laitue et des travaux sont en cours sur d’autres insectes. Des projets sont engagés aussi pour optimiser l’utilisation de l’eau et des nutriments. Enfin, le levier variétal est également mobilisé désormais pour les plantes de services. Jusqu’à présent, les résistances étaient acquises par hybridation avec des plantes sauvages ou des espèces proches, ce qui prenait du temps. Melchior, variété d’échalote résistante au mildiou obtenue par hybridation avec un allium sauvage, a nécessité 17 ans de sélection. Depuis 10 ans toutefois, le séquençage du génome (tomate) et l’utilisation de marqueurs moléculaires permettent d’aller plus vite. Les objectifs évoluent aussi, avec la recherche de résistances polygéniques peut-être moins fortes mais plus durables. Et les connaissances progressent, par exemple sur la façon dont les plantes interagissent avec les bioagresseurs ou encore sur des techniques permettant de modifier les gènes. « La réglementation doit évoluer pour être en phase avec l’état des connaissances », estime Emmanuel Lesprit.
Un levier testé en station et sur le terrain
En 2013, un groupe de travail Génétique et Innovation variétale a été créé au sein du Gis Piclég. Un axe important en 2019-2020 est de travailler sur la visibilité des résistances disponibles pour les variétés inscrites au catalogue français, en ciblant les maladies de classes 1 (test systématique par le Geves) et 2 (test des variétés déclarées résistantes), avec une priorité accordée au melon et à la tomate. Une veille est réalisée aussi sur des projets traitant de l’utilisation du levier variétal : Gedunem (test de variétés de sorgho pour leur potentiel de biofumigation), Lactumel (résistance aux nématodes à galles en laitue, des génotypes avec peu à pas de ponte), Lilla (tests montrant que les variétés de laitue du domaine public sont moins sensibles au Sclerotinia que les variétés commerciales), TradiTom (valoriser la diversité génétique des variétés de tomate traditionnelles et améliorer leur résilience)… Le levier variétal est également mobilisé dans le cadre du dispositif Dephy. « En tomate, salade, poireau, oignon, radis, concombre, melon, le levier variétal est déjà utilisé, notamment en bio, souligne Maxime Chabalier, du GDM. La difficulté, en particulier en tomate, est que les consommateurs veulent à la fois du goût et moins de pesticides, alors que les variétés anciennes, les plus gustatives, sont peu résistantes. Des maraîchers cultivent donc sur les mêmes parcelles des variétés résistantes et d’autres non, ce qui entraîne des contournements de résistance. » Une combinaison de moyens est donc nécessaire pour préserver les résistances, notamment par l’utilisation du biocontrôle.
Mouche du chou : la piste de la moutarde blanche
La mouche du chou est un ravageur majeur des brassicacées. « Sans protection chimique, les pertes de chiffre d’affaires peuvent atteindre 30 à 50 % », précise Sébastien Picault, du CTIFL de Carquefou. Les solutions chimiques ou de biocontrôle étant peu nombreuses et peu efficaces, un projet, Brassidel, porté par l’Igepp (Université de Rennes), a été engagé pour trouver des résistances à la mouche du chou. Différentes variétés de chou actuelles et anciennes et d’autres espèces de brassicacées ont été testées sur leur comportement à la mouche du chou au CTIFL de Carquefou, à Terres d’essais et au Cate. En 2017, 30 variétés et espèces ont été expérimentées. « Tous les choux ont donné de mauvais résultats, indique Maxime Hervé, de l’Igepp. Mais en plus de la cameline, très résistante mais qui ne peut être croisée avec les choux, la moutarde noire, la moutarde blanche et Brassica fruticulosa ont montré de bons niveaux de résistance. » Des résultats similaires ont été obtenus en 2018. En 2019, en conditions d’infestation naturelle, la moutarde blanche a également montré une bonne résistance, la moutarde noire s’avérant par contre décevante. « Et en examinant les racines, les chercheurs ont constaté que certains plants de moutarde blanche n’étaient pas du tout atteints, mais que d’autres l’étaient beaucoup. » Les racines ont été prélevées et les travaux se poursuivent pour comprendre d’où vient la résistance de certaines variétés de moutarde blanche. « La sélection durera encore longtemps, mais la piste est prometteuse », souligne Maxime Hervé.
Optimiser l’utilisation du phosphore et du potassium
En 2018, un projet cofinancé par l’Europe et la région Paca, Reveil, a été engagé pour identifier des variétés de laitue et tomate économes en P et K. « Actuellement, comme il n’y a pas d’outil de pilotage du P et K et du fait des impacts d’une carence en P ou K, les plants sont en général mis en situation de confort, ce qui entraîne l’accumulation d’éléments nutritifs dans les sols, a expliqué Aurélie Rousselin, de l’Aprel. L’objectif avec Reveil est d’exploiter la variabilité génétique d’efficience d’absorption et d’utilisation du P et K et de mieux piloter les apports. » Des travaux ont été menés sur le phénotypage de variétés de tomate et laitue, la recherche de marqueurs génétiques de la tolérance au déficit en K chez la tomate et la variabilité génétique de l’architecture racinaire de la laitue. Des essais du CTIFL en tomate ont montré que la fertilisation K n’a pas d’impact sur la croissance de la plante, quel que soit le porte-greffe, mais qu’elle influe le poids de fruits et que plus la fertilisation K est faible, moins il y a d’écart entre porte-greffes. Des travaux d’Inrae ont également été menés sur l’architecture racinaire de la laitue. « Ils ont montré que la plupart des traits sont affectés par le génotype, le traitement P et l’interaction génotype X P, indique François Laurent, d’Inrae. Ils montrent aussi que les génotypes sont plus efficients à faible disponibilité en P et qu’il y a des écarts d’efficience entre génotypes, de 400 % pour l’acquisition du P et de 60 % pour son utilisation. » Les travaux se poursuivent pour mettre au point un référentiel de fertilisation en tomate et laitue en sol et identifier les variétés les plus efficientes en P et K.