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Débat
Jusqu’où ira la bio ?

Multiplication des labels, concurrence du local, développement de l’offre, tassement de la demande… Quels enjeux pour la bio demain ? Medfel a mis ces questions en débat le 11 mai.

© Julia Commandeur - FLD

Jusqu’où ira la bio ? C’est la question posée par le débat des Mardis de Medfel du 11 mai. Les chiffres du bio sont éloquents. Comme le rappelle Dany La Noë, chargé de mission f&l à Interbio Occitanie, le marché mondial du bio a atteint 113 Md€ en 2018 (8,8 %) pour 72 millions d’hectares (+1,6 %).

Des chiffres impressionnants mais de nouveaux enjeux à ne pas négliger

En Europe, en 2020, le marché a même totalisé 48 Md€ pour 13 millions d’hectares (objectif de 25 % de la SAU en 2030). Et selon une étude de la Commission, 80 % des Européens pensent que les pratiques de l’agriculture bio sont meilleures pour la planète et la santé. En France, le marché est estimé à 12 Md€ (l’Agence Bio sortira les derniers chiffres début juillet). Les fruits et légumes représentent 1,9 Md€ (+10 %) et 700 000 t.

« La progression du bio a été moindre en 2020, car le développement de l’offre a été ralenti, précise Dany La Noë. La consommation alimentaire a, elle, été exceptionnelle, avec des hausses de + 24 % lors du premier confinement et de 21 % pour le deuxième. » L’offre et la demande du bio vont-elles continuer à être en adéquation ? Quid de la jungle des labels et de la multiplication des marques qui perdent le consommateur ? Le tout dans un contexte de nouveau règlement européen.

De plus en plus de labels concurrents

Pour Gil Kressmann, économiste et consultant pour l'Académie d’Agriculture de France, la confiance des consommateurs dans le bio est un fantasme. Leur première motivation à acheter et à consommer bio est la santé puis la qualité, devant l’environnement. « Or aucune étude n’a mis en avant des éléments probants de changements majeurs bénéfiques pour la santé. Pour l’environnement, les pratiques sont certes meilleures mais n’oublions pas que le bio utilise aussi des pesticides. Enfin le label AB est un label environnemental qui n’a rien à voir avec la nutrition ni le goût. Ce qui explique la concurrence de plus en plus rude que lui fait le local. »

Ce à quoi Pierre Giovanelli, producteur arboriculteur bio et co-président de Sibio (transformation en jus de fruits) répond : « En pêches bio, le marché est très fluide. Ce qui nous permet de travailler en maturité optimale, et donc le gustatif est là. » Et Lilian Corre, directeur général de l’enseigne NaturéO, d’ajouter : « En plus de l’AB, nous avons souvent des cahiers des charges avec des critères sur le goût et la qualité qui viennent en complément. »

Des cahiers des charges complémentaires pour « une Bio améliorée »

Les opérateurs bio vont en effet souvent plus loin dans leurs exigences que le simple cahier des charges AB. Ainsi Paysans d’Ici (Bio Ethiquable) vient de lancer le label Bio Ethiquable France. « La consommation bio monte, et nous on aimerait que ce soit accompagné de la hausse de la consommation équitable et de l’agriculture traditionnelle familiale, d’où ce label BEF, explique Pierre Giovanelli. Il y a déjà 90-100 produits sur le marché, j’espère que l’offre et que l’intérêt de la demande vont petit à petit progresser ».

NaturéO a lancé sa MDD en 2017. « Nos partenaires sont à 95 % des PME familiales, il s’agit d’engagements à long terme, avec une répartition plus juste de la valeur, et pour le consommateur des produits avec clarté et simplicité, souligne Lilian Corre. C’est hyper important face à la montée des défiances. NaturéO limite le nombre de labels dans ses magasins et privilégie les packagings explicatifs clairs ».

Une prolifération des labels à observer

Pour Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio : « La prolifération des labels est quelque chose que nous, à l’Agence Bio, regardons avec attention. Les labels de “bio +”, ou de transition alimentaire dont les cahiers des charges reprennent une partie de celui de l’AB… Tout cela nous permet d’orienter nos réflexions pour évoluer et pour communiquer. Par exemple, le succès du ZRP et leur communication sur les pesticides va-t-il nous permettre à nous de parler plus du rapport de l’AB à la terre ? Quid de l’association de plus en plus demandée du local et du bio ? »

D’ailleurs, Laure Verdeau et Gil Kressmann ont tous deux plaidé pour des échanges d’idées et de bonnes pratiques entre le bio et le conventionnel. « Tout le monde va dans le même sens, le bon sens ».

La demande est-elle réellement en train de ralentir ?

L’offre est, selon Gil Kressmann, encore inférieure à la demande mais avec des ralentissements et des incitations à baisser les conversions dans le secteur produits laitiers. « Cela revient-il à dire que le marché entre en maturité ? Non. Je ne pense pas que le bio dépassera les 12 à 15 % du marché, comme pour les produits de luxe. Donc attention à l’objectif d’atteindre 25 % des surfaces car la demande ne suivra pas l’offre ».

Au contraire, Lilian Corre exprime la difficulté à trouver des fournisseurs en fruits et légumes (l’enseigne travaille avec une cinquantaine de partenaires). Face à cela, la demande a explosé en 2020 et en ce début 2021, les Français s’étant remis aux fourneaux. Pour lui, le ralentissement de la demande face à une offre attendue en forte hausse (fin des conversions) n’est pas une réalité ni un problème.

L’Agence Bio sortira les dernières statistiques en juillet mais Laure Verdeau a déjà confié que les conversions devraient être stables pour 2020. « On est donc confiants pour les années qui viennent ».

Distribution spécialisée en réinvention et restauration commerciale nouveaux relais de croissance ?

La démocratisation du bio grâce à l’engagement massif de la GMS, la fausse bonne idée ? Gil Kressmann estime que « la GMS ne sait pas faire autre chose que du prix. Face au poids qu’elle représente dans les achats, surtout pour les produits transformés, nous risquons une guerre des prix dans le bio qui va aller croissante ».

Lilian Corre avertit aussi : « Nous, magasins spécialisés, avons été pionniers dans les années 70 et 80. Il est désormais grand temps de nous réinventer, c’est l’enjeu ». Mais il est serein sur  l’avenir du bio, qu’il voit radieux, « surtout que les jeunes consommateurs s’y intéressent ». 

Pour Laure Verdeau, la croissance du marché viendra de la RHD : en restauration collective par les nouvelles exigences réglementaires (loi EGalim, loi Climat…) mais surtout en restauration commerciale : « Le bio y est le nouvel enjeu, les restaurateurs l’intègrent dans leurs plats, dans leurs menus ».

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