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Production de fruits et légumes : la gestion de la ressource en eau pour faire face aux changements climatiques

La gestion de sa ressource en eau est un paramètre de plus en plus essentiel pour faire face aux changements climatiques. Fortes chaleurs et gel sur des floraisons précoces nécessitent de repenser la gestion collective de l’eau.

Un webinaire Sival TV a fait le point sur le sujet de l'eau et des changements climatiques, mi-avril. © Sival
Un webinaire Sival TV a fait le point sur le sujet de l'eau et des changements climatiques, mi-avril.
© Sival

Les dégâts sur les fruitiers dus aux nuits de gel de début avril sont une nouvelle preuve du changement climatique à l’œuvre. Et la préservation du potentiel de récolte grâce à la lutte anti-gel par aspersion souligne le rôle capital de la gestion de la ressource en eau pour y faire face. Utile en hiver en verger, l’accès à une ressource en eau l’est encore plus en été, avec une évapotranspiration en augmentation. « Au niveau mondial, entre 1880 et 2012, la température moyenne a augmenté de 0,85°C, annonce Sarah Colombié, consultante climat à la Chambre d’agriculture Pays de la Loire, en introduction du webinaire Sival TV by Réussir « Comment gérer son irrigation pour faire face aux changements climatiques », mi-avril.

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« Au niveau du Val de Loire, cette augmentation est de 0,3°C par décennie sur les 40 dernières années. » Elle se traduit notamment par des vagues de chaleurs estivales de plus en plus chaudes et longues (voir encadré). Concernant la pluviométrie, le constat est unanime : elle est de moins en moins bien répartie sur l’année. Ces changements impactent les cultures avec des blocages de grossissement des fruits ou de maturité, des baisses de production, et à l’extrême, des fruits cuits sur les arbres. « Mais globalement en arboriculture, les plantes réagissent bien, relève Patrice Guinet, ex-conseiller arboricole, créateur de l’entreprise Agroressources. Elles ont de grandes capacités d’adaptation. »

Systèmes d’irrigation et outils de pilotage

Premier levier à être mobilisé pour faire face à ces phénomènes : l’irrigation. L’augmentation de son efficience est un challenge que les producteurs relèvent depuis plusieurs années. Elle passe par les systèmes d’irrigation. « En maraîchage de plein champ, l’aspersion par quadrillage s’est généralisée, commente Régis Chevallier, membre des Maraîchers nantais. Le goutte-à-goutte aussi se développe avec des systèmes qui doivent s’adapter aux différents modes de cultures : en planche, en plein, sur buttes… »

En arboriculture, un double système d’irrigation (microjet et goutte-à-goutte) permet d’économiser de l’eau tout en assurant une protection anti-gel et une hygrométrie de l’air en cas de fortes chaleurs . Les outils de pilotage, sondes et stations météorologiques permettent de fractionner les apports. « Ils permettent aussi de faire des rationnements de courte durée tout en suivant les signes de stress hydrique des arbres avec un dendromètre, ajoute Patrice Guinet. Ils sont utiles pour éviter les excès d’eau. »

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« Chaque irrigant adapte ses choix culturaux à sa ressource en eau », constate Régis Chevallier. Selon que la ressource provienne de prélèvement dans une rivière, de forages d’eaux souterraines ou de réserves d’eau pluviales, les producteurs ne sont pas égaux. « Il est bon de rappeler qu'en France, nous n’avons pas un problème de ressource en eau mais un problème de gestion de l’eau », souligne Séverine Darsonville, présidente de Vegepolys Valley, en préambule de son témoignage pour le webinaire.

Augmenter la capacité de stockage hivernale

La création de réserve d’eau est soumise aux réglementations de chaque bassin-versant. « Or au moment où nous avons besoin d’être plus proactifs et plus opérationnels dans la création de réserves, le cadre réglementaire sur l’accès à l’eau est légiféré dans l’urgence avec des mesures de plus en plus contraignantes, déplore Régis Chevallier. A titre d’exemple dans notre bassin-versant, les sites de productions sous abri qui récupèrent les eaux pluviales n’ont pas le droit d’arroser avec en été et doivent les rendre au milieu naturel : une demande qui change complètement l’approche des projets agricoles. » Sur ce sujet, Séverine Darsonville lance un appel : « Il y a une réelle nécessité de repenser la gestion de l’eau au niveau des bassins-versants avec une vision sociétale, économique et environnementale. »

D’autres leviers à mobiliser

Bien d’autres leviers pour faire face à ces phénomènes sont explorés par les filières du végétal. « L’un des premiers leviers est de travailler sur le sol, premier stock d’eau, en augmentant sa matière organique, pointe Patrice Guinet. Le paillage ou le mulch sont aussi une piste, en lien avec le sol. » Les techniques d’ombrage sont utilisées en cultures sous abri depuis longtemps. « Mais elles se développent sur les cultures de plein champ », ajoute Régis Chevallier. En arboriculture aussi avec les systèmes de panneaux photovoltaïques pivotants. « Il ne faut pas oublier le rôle de l’arbre et des haies qui influent sur le microclimat », relève Sarah Colombié. Il y a les stratégies d’évitement : « en maraîchage où les cycles sont plus courts, nous pouvons adapter les plannings de semis en anticipant les périodes de fortes chaleurs », note Régis Chevallier. Séverine Darsonville complète : « II nous faut sans doute aussi repenser le couple climat-variété, voire climat-espèce ».

Vagues de chaleurs et floraisons plus précoces

Sur la période de 1981 à 2014, 14 épisodes de vagues de chaleurs ont été recensés en France avec des chaleurs moyennes supérieures à 20°C contre la moitié dans les 33 années précédentes. Quatre d’entre elles ont eu une durée de plus de 15 jours à plus de 25°C. « En 2020, nous avons enregistré plus de 20 jours avec des températures supérieures à 35°C et des journées à plus de 31°C en mai », témoigne en vidéo Cédric Chevalier, conseiller arboricole à la Chambre d’agriculture du Rhône.

De la chaleur qui s’accompagne souvent d’une baisse de l’hygrométrie de l’air, provoquant une augmentation de l’évapotranspiration et des bilans hydriques déficitaires en été. « Ces changements accélèrent les cycles culturaux », continue Sarah Colombié. Un effet pas toujours néfaste pour les cultures. « Pour les maraîchers recherchant de la précocité, des températures plus élevées au printemps sont intéressantes », ajoute Régis Chevallier. Mais sur les cultures pérennes, il se traduit par des floraisons plus précoces. La floraison de Golden a avancé de 10 jours en 50 ans en Anjou, sans que le dernier jour de gel ne recule pour autant.

 

Séverine Darsonville, productrice et présidente de Vegepolys Valley

« Un projet pour adapter les filières au changement climatique »

 

 
Séverine Darsonville, productrice et présidente de Vegepolys Valley. © VEGEPOLYS VALLEY
Le projet Climatveg porté par Vegepolys Valley a pour objectif de faire émerger des leviers pertinents pour faire face aux changements climatiques en agriculture. Ce projet multi-filière associe 350 producteurs de Bretagne et Pays de la Loire. Il se décline en quatre axes : le premier cherche à avoir une vision prospective du changement climatique grâce à des bioindicateurs, le second travaillera sur l’adaptation du matériel végétal et des itinéraires techniques, le troisième portera sur la résilience des sols et le quatrième s’intéressera à l’irrigation au niveau parcellaire, de l’exploitation et du territoire.

 

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