« Vendre en direct prend plus de temps, mais on valorise mieux notre production »
Installé sur l’exploitation familiale dans le Vaucluse depuis 2016, Patrick a fait le pari de la vente directe pour valoriser ses productions en arboriculture diversifiée.
Installé sur l’exploitation familiale dans le Vaucluse depuis 2016, Patrick a fait le pari de la vente directe pour valoriser ses productions en arboriculture diversifiée.
Les générations se suivent et se ressemblent… ou pas ? Dans le Vaucluse, les membres de la famille Brun se succèdent depuis plusieurs générations à la tête d’une exploitation qui, au fil des années, est passée du maraîchage à l’arboriculture. Dernier installé, Patrick s’occupe de ses vergers, a intégré la culture du kiwi et considérablement intensifié la vente directe. Avant Patrick Brun, il y avait Christian. Avant, le père de Christian, encore avant, le beau-père de son père… L’exploitation familiale est installée au hameau de Velorgues depuis longtemps. « De mon temps, c’était surtout du maraîchage : il y avait des pommes de terre, des carottes, de la tomate, du chou, des vignes, quelques cognassiers et un peu de melon », se souvient Christian Brun. Quand il s’installe en 1980, il amorce la transition vers l’arboriculture, notamment en rachetant des vergers de pommiers aux voisins. La campagne passée était sa dernière. C’est maintenant son fils, Patrick, installé avec lui depuis 2016, qui va totalement prendre les rênes. Jusqu’à cette date, tout n’était pourtant pas acté. « La reprise de l’exploitation m’a toujours trotté en tête, mais plus jeune, je voulais être ingénieur agronome », explique Patrick.
Du salariat à l’exploitation familiale
Il passe d’abord son bac agricole, poursuit avec un BTS « Protection des cultures » et enchaîne avec une licence professionnelle « Agriculture raisonnée ». Pendant huit ans, il travaille dans la recherche et le développement. Produits phytosanitaires et homologations deviennent son quotidien et, de cette expérience, l’agriculteur tire beaucoup de satisfaction : « J’ai beaucoup appris, tant sur la recherche que sur les nouveautés en production. D’autant plus que j’ai vu l’évolution d’une petite structure de quatre personnes en une entreprise de plus 20 salariés ». Un enrichissement de ses compétences d’autant plus profitable qu’à la reprise de l’exploitation familiale, il se sent rassuré. « Quand ma mère est tombée malade en 2014, mon patron me laissait du temps pour faire les marchés à sa place. Puis, 2015 a été une année charnière pour la reprise, car je suis devenu salarié sur l’exploitation. Finalement, cette expérience de l’entreprise et de la gestion m’a donné de l’assurance », raconte Patrick Brun. Avec Christian et Patrick, exit le maraîchage. Aux Fruits du Campredon, il n’y a plus que de l’arboriculture. « Je n’exclus rien pour l’après, si certains légumes peuvent nous aider à nous diversifier, pourquoi pas », affirme cependant Patrick.
La pomme comme fer de lance
Le cœur de l’exploitation de dix hectares reste toutefois les neuf variétés de pommes qui occupent près de 60 % de la surface : trois en bio, trois en conversion et les trois restantes sont en agriculture conventionnelle. « Les gens ne sont pas tant en demande de bio. On leur explique le fonctionnement d’une exploitation, qu’on ne traite pas de bon cœur… J’aimerais passer du temps et leur faire visiter, mais ce n’est pas si simple », se désole-t-il. Patrick peut compter sur des clients fidèles, dont certains l’ont même connu enfant. Souvent, ce sont également eux qui prennent encore des caisses de 13 kg : « Les jeunes n’achètent pas les mêmes quantités ». Pas les mêmes variétés non plus, raison pour laquelle il en propose neuf. « L’année dernière, les pommes ont peu subi le gel : c’était surtout les pêches qui ont subi des dégâts. En revanche, nous étions envahis de pucerons. Heureusement que nous ne sommes pas totalement en bio ! Cette année, entre la sécheresse – qui a donné de petits calibres – et le carpocapse… 80 % des pommes ont été touchés ». L’interdiction de certains produits phytosanitaires n’aide pas le gérant de l’exploitation. Bien qu’il fasse du bio, Patrick est loin d’en être un ardent défenseur. Alors que sa parcelle de poiriers et un gros hectare et demi de pommes sont en bio et/ou en conversion, les difficultés rencontrées l’interrogent : ne faudrait-il pas faire marche arrière ? « Avec la baisse du pouvoir d’achat, le bio ne se vend plus et, pourtant, on nous dit d’y aller », s’interroge-t-il.
Des difficultés cumulatives face à un avenir incertain
« À côté de ça, il y a de moins en moins de produits autorisés en conventionnel, c’est presque comme faire du bio au final », expose son père. Les deux s’accordent sur la solution des filets, mais qui demande un investissement important à près de 15 000 € à l’hectare. Quant à l’irrigation, « le goutte-à-goutte ne rafraîchira jamais le feuillage comme de l’aspersion, et l’aspersion ne remplacera jamais la pluie », rappelle Patrick. « Il y a une réflexion continue à tenir », ajoute Christian. Toujours est-il que la pomme continue de se vendre à bas prix, et que les disparités de réglementations, une fois la frontière passée, les font enrager : « On ne peut pas augmenter le prix et on sait très bien que l’alimentation reste la valeur d’ajustement des ménages ». Alors Patrick et Christian Brun font leur maximum pour nourrir la clientèle locale et celle qui se déplace rassurée par le petit logo fleuri « Bienvenue à la ferme ». La saison se poursuit jusqu’à avril, avant trois mois de fermeture pour des vacances et quelques travaux. 2023 s’annonce un peu meilleure. « Cette année commence bien : on a eu un joli printemps sans gelée, restera l’été à passer et la sécheresse à surveiller », conclut le producteur.
Des bouteilles comme carte de visite
Dès son installation en 2016, Patrick a planté 3 rangées de kiwis, sans trop d’objectif autre que la découverte, par curiosité pour ce fruit « un peu exotique », mais cultivé sur le territoire métropolitain. Le petit fruit vert n’aime pas le vent, alors au pays du mistral… l’aventure s’avérait compliquée : « J’ai eu un kiwi en 2018. L’année suivante, j’ai fait une trentaine de kilos ; en 2020, environ 300. L’année dernière, ils étaient magnifiques. Puis il a gelé et on n’a finalement eu que 300 kg, une fois de plus ». Désormais dans leur sixième feuille, les arbres continuent de lui donner de l’espoir. Le kiwi permet de diversifier l’étal et d’intéresser une clientèle plus jeune. Patrick envisage cette année de le valoriser également en proposant du jus pomme/kiwi sur les marchés. Cette diversification en jus de fruits ne rapporte pas beaucoup d’argent, mais reste un impératif sur de la vente directe pour réutiliser les fruits frais non vendus. Cela apporte une certaine complémentarité et a un effet « carte de visite ». « La bouteille se fait offrir et puisqu’il y a les coordonnées de l’exploitation dessus, ça ramène des clients », rapporte Patrick Brun. Les fruits transformés représentent moins de 15 % du chiffre d’affaires.
Quasi-exclusivité pour la vente directe
Pour avancer vers la vente directe, ses parents construisent un hangar avec un premier frigo en 2003. Puis, s’apercevant qu’ils arrivaient à tout vendre, ils en ont installé un second lors de l’extension du local en 2009. « Avant ils portaient tout en gros. Vendre en direct prend plus de temps, c’est vrai. Mais on valorise mieux notre production comme ça. Aujourd’hui, la commercialisation se fait quasi exclusivement à la ferme et on ne porte en gros que lorsque l’on a des récoltes exceptionnelles », développe l’arboriculteur. Patrick tient une boutique à la ferme et fait également les marchés de Pernes-les-Fontaines et Petit-Palais. Cette année, l’arrachage d’un hectare de pommiers devrait permettre de passer en 100 % vente directe, pour ne plus avoir à écouler par un grossiste et « perdre de l’argent ». Patrick évoque aussi une « envie de réduire la voilure », puisqu’il est tout seul sur l’exploitation désormais.
PARCOURS
1980 installation du père de Patrick, transition vers l’arboriculture
2003 construction du premier frigo
2009 construction du second frigo
2015 Patrick quitte son emploi et devient salarié de l’exploitation
2016 installation de Patrick avec son père
2023 retraite du père de Patrick