L'agrivoltaïsme vise plus de transparence
La très forte volonté politique de développer l’énergie photovoltaïque ne doit pas occulter les besoins des plantes lorsqu’il s’agit d’agrivoltaïsme. Des essais de cultures de framboise et fraise sont en cours pour tester de nouvelles installations.
La très forte volonté politique de développer l’énergie photovoltaïque ne doit pas occulter les besoins des plantes lorsqu’il s’agit d’agrivoltaïsme. Des essais de cultures de framboise et fraise sont en cours pour tester de nouvelles installations.
Le gouvernement s’est fixé d’augmenter la capacité de production d’électricité photovoltaïque pour passer d’une puissance actuelle de 12 gigawatt-heures (GWh) à une fourchette de 35 à 44 GWh en 2028. Si la priorité des mesures annoncées concerne des installations sur des terrains dégradés et publics, certaines concerneront aussi des terrains agricoles. 20 000 hectares sont déjà ainsi couverts et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit 27 000 ha supplémentaires d’ici 2028.
Le syndicat Jeunes agriculteurs a confirmé son opposition aux installations au sol et selon le cabinet de Barbara Pompili, la question du photovoltaïque sur les terres agricoles sera traitée par le Premier Ministre, peut-être déjà sensibilisé au sujet dans « ses terres » du Roussillon. Car jusqu’alors, photovoltaïque et agriculture qui constituent « l’agrivoltaïsme » ont du mal à cohabiter. Panneaux et plantes étant l’un et l’autre en concurrence directe avec la lumière, et ce sont souvent les panneaux qui ont eu le dessus.
Les options techniques sont nombreuses
Sous les cinq à six cents hectares de serres photovoltaïques construites en France, certains agriculteurs ont tenté de produire des fruits rouges. « La première génération de serres photovoltaïques, appliquée aux fraises et framboises notamment a globalement abouti à des échecs. A Invenio, nous avions dès le début dénoncé que les créneaux de production ciblés n’étaient pas les bons », commente Pierre Gaillard, directeur adjoint d’Invenio et consultant sénior. En effet, le fait d’avoir une ossature de base identique aux serres verres classiques ne suffisait pas à lui seul pour justifier la réalisation des cultures précoces sous ce type d’abris. En période de jours courts, la lumière reste le facteur clé pour réussir une production.
« Le fait de considérer aujourd’hui les abris photovoltaïques comme des ombrières remet bien le sujet à sa place avec une meilleure considération de la production agricole qui n’est pas seulement présente comme un faire-valoir », précise le spécialiste. C’est pour cela que l’agrivoltaïsme est un sujet d’actualité pour Invenio. A l’heure du réchauffement climatique avec des périodes caniculaires plus fréquentes et plus longues, la maîtrise des températures devient désormais fondamentale pour réussir des cultures de fraises et framboises avec une courbe de production régulière et une bonne qualité gustative stable. « L’agrivoltaïsme est une source de solutions parmi d’autres », relate Pierre Gaillard.
Selon lui, les options techniques sont nombreuses avec des adaptations allant des pergolas modulables proposées par Ombréa aux trackers avec panneaux mobiles adaptés aux courses du soleil proposés par Sun Agri, GLHD, Solarem, Technique Solaire, Green Yellow, Derasp... Chaque système est piloté à partir d’algorithmes spécifiques complexes mis au point par les opérateurs eux-mêmes. « L’implication technique et financière de ces derniers sur le sujet est conséquente », remarque le consultant d’Invenio.
La station d’expérimentation accompagne ces structures dans cet investissement en leur apportant son expertise sur les techniques culturales et la connaissance des plantes, ainsi que sur ses méthodes de gestion de dispositifs expérimentaux. « Cette mission m’a été confiée, avec une jeune chargée de programme, Laura Lescoart qui est en cours de montée en compétences sur le sujet, elle s’appuiera également sur l’expertise des référents produits », précise-t-il. Au-delà des missions d’expertises et acquisitions de données, Invenio a conclu un partenariat avec la start-up suisse Insolight pour la mise en place d’un pilote sur le site de Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne) qui fera écho au site pilote d’Agroscope en Suisse. Pour la campagne 2022, une culture de fraise remontante « Charlotte » servira de référence pour éprouver ce nouveau système.
Du micro-tracking optique pour un passage dynamique
Un projet pilote d’agrivoltaïsme dynamique a débuté en 2021 sur des cultures de fraises et de framboises à Agroscope en Suisse, en collaboration avec la start-up suisse Insolight et Romande Energie. « Il s’agit de tester une nouvelle technologie de panneau photovoltaïque intégrant des modules solaires semi-transparents pouvant laisser passer 25 à 75 % de la lumière », explique Bastien Christ, chercheur à Agroscope. La technologie peut se définir comme du micro-tracking optique qui permet un passage de la lumière dynamique tout en maintenant un rendement électrique intéressant. « Il devient ainsi possible d’optimiser la photosynthèse des plantes au cours des saisons, tout en transformant le surplus de lumière en électricité », commente la start-up.
Le programme est prévu pour une durée minimum de trois ans (voir encadré). Aux Pays Bas, Engie vient de mettre en place un pilote agrivoltaïque sur fraises et framboises avec la KU Leuven - Université de Louvain en Belgique. « Engie souhaite évaluer comment les cultures se développent sous différentes configurations avec des panneaux solaires. Sur le site pilote, Engie teste spécifiquement deux configurations différentes. Des ombrières avec des panneaux solaires semi-transparents et des panneaux photovoltaïques traditionnels », mentionne Julien Rocherieux, consultant spécialisé qui travaille avec Engie Green sur le développement agrivoltaïque en France. Les différentes configurations sont surveillées et analysées par la KU Leuven en prenant en compte le développement des bourgeons et des fruits, le niveau de sucre, le poids des fruits et leur saveur. Les résultats sont ensuite combinés avec des mesures précises telles que la température, l’éclairage et l’humidité sous les panneaux solaires. Toutes ces informations sont comparées à une parcelle témoin cultivée de manière traditionnelle.
Des références agronomiques pour ajuster l’algorithme
En Suisse, un projet pilote d’agrivoltaïsme dynamique vient de débuter sur des cultures de fraises et de framboises à Agroscope Conthey. « Notre objectif est de piloter le système en priorisant les besoins de la plante. Concrètement, cela se traduit par une transmission lumineuse maximale le matin puis un ombrage progressif dans la journée pour protéger la culture du rayonnement direct et de fortes températures en maximisant la production électrique », témoigne Bastien Christ, chercheur à Agroscope.
Une première culture de framboise a été réalisée en 2021 avec des plants longues cannes de la variété Vajolet. « Nous sommes très satisfaits de ce qui a été obtenu en comparaison à des tunnels plastiques traditionnels que nous avons en témoin sur le site », commente-t-il. Des essais sont à venir en culture de fraise hors-sol de tray-plant de variétés Cléry, Joly et Karima en variété remontante. L’objectif est d’utiliser ces références agronomiques pour ajuster l’algorithme de contrôle des modules photovoltaïques, d’irrigation et d’apport en nutriments en fonction de l’espèce végétale, du stade de développement et du rayonnement solaire. Parallèlement, Romande Energie évalue et améliore la production solaire de l’installation.