Dossier Substrats : une diversification des compositions
Le développement de la fibre de coco, des écorces et des fibres de bois a apporté de la diversité dans les substrats utilisés pour les petits fruits et les légumes.
Le développement de la fibre de coco, des écorces et des fibres de bois a apporté de la diversité dans les substrats utilisés pour les petits fruits et les légumes.
En dix ans, les supports de culture utilisés en production de fraise, framboise, myrtille, groseille, mûre et jeunes plants de légumes se sont beaucoup diversifiés. Les mélanges en sacs incluant de la tourbe restent encore importants. Les ressources en tourbes noires allemandes se raréfiant, les tourbes noires ont peu à peu été remplacées par des tourbes blondes de sphaigne extraites en Lituanie, Finlande, Lettonie, Estonie, Irlande et Canada. Des tourbes plus aérées et présentant une meilleure disponibilité en eau et un meilleur pouvoir tampon que les tourbes noires et par ailleurs plus légères et faciles à transporter. La pression de l’opinion publique pour préserver les services écosystémiques des tourbières (régulation du cycle de l’eau, biodiversité, stockage carbone) amène toutefois les Etats à limiter l’utilisation des tourbes. Pourtant, « dans l’Union européenne, il se forme plus de tourbes chaque année que ce qui est récolté, assure Miguel Meneses, responsable substrats chez Jiffy Group. De plus, quand on cesse d’exploiter une tourbière, l’écosystème se recrée en quelques années. Malgré tout, la pression croît pour réduire l’utilisation des tourbes, notamment dans les terreaux, plus visibles du grand public que d’autres utilisations. » Au Royaume-Uni, la pression publique a conduit la profession à commencer à remplacer la tourbe dans les terreaux professionnels par des matières premières alternatives. En Suisse, un plan d’abandon de la tourbe a été engagé et les fabricants de terreau se sont engagés à réduire l’usage de la tourbe. En France, la pression est moins forte sur l’utilisation de la tourbe, mais la tendance à diversifier les matières premières s’y développe également.
Un substrat 100% écorce pour la framboise
Dans ce contexte, les fabricants de supports de culture se tournent vers d’autres matières premières. A côté des tourbes, on trouve désormais des écorces et fibres de bois, des fibres et tourbes de coco, de la perlite, de la vermiculite… Les écorces de pin maritime pures, non contaminées par des fibres de bois et de granulométrie très précise, et les fibres de pin maritime se développent ainsi. Très drainantes, elles sont utilisées surtout en mélange avec de la tourbe. Aquiland propose toutefois sous la marque Orgapin des substrats constitués essentiellement d’écorces et de fibres de pin maritime compostées, garantis sans tourbe blonde de sphaigne. Et Aquiland et Dumona Monagri proposent un substrat 100 % écorce pour la framboise, qui nécessite un substrat très drainant. Une autre tendance forte, en fraise notamment, est l’utilisation de produits dérivés de la noix de coco : fibres de coco, tourbe de coco, coco husk haché. (voir encadré)
Ramener de la vie dans les substrats
Les substrats se font désormais à la carte. Les granulométries et les proportions de tourbe, écorces et fibres de bois et éventuellement coco sont adaptées selon que le producteur souhaite un substrat drainant ou plus rétenteur. Les modes de plantation et les conduites étant très variables en fraise et pour faciliter le travail des producteurs, plusieurs fournisseurs proposent aujourd’hui des sacs pré-percés à la demande : nombre, localisation, diamètre et profondeur des trous de plantation, localisation des opercules pour les goutteurs, système de drainage adapté à la forme de la gouttière… Les producteurs étant de plus en plus pointus, les substrats se font aussi plus techniques. « Aujourd’hui, la plupart des producteurs contrôlent leur irrigation en mesurant le drainage, constate Yves Tindon. Mais l’utilisation de sondes d’irrigation et de balances commence à se développer. Pour répondre aux besoins, les substrats doivent donc être de plus en plus précis. Nous proposons ainsi désormais des courbes de rétention en eau des différents substrats. » Une autre tendance, sans doute amenée à se développer, est l’enrichissement des substrats avec des ingrédients naturels. Premier Tech Horticulture biotise désormais tous ses substrats pour fruits et légumes par ajout de mycorhizes et de bacillus pumilus. « L’objectif est de ramener de la vie dans les substrats organiques par l’ajout de micro-organismes contrôlés, pour optimiser la fertirrigation et dans la perspective du développement des engrais organiques, plus difficiles à gérer que les engrais minéraux, et de relever le nouveau challenge de l’aquaponie », précise Fabrice Barraud, directeur IR & D chez Premier Tech Horticulture. Lancée il y a deux ans pour les plants potagers, la gamme PRO-MIXMC de substrats biotisés, à base de tourbes blondes irlandaises, écorces compostées et fibre de coco lavée, se décline depuis 2018 en sacs 1 m pour la fraise, en open-top pour les framboises, myrtilles, groseille, et dans un substrat spécifique mis au point pour la plantation des scions de pommier. Aquiland incorpore également du bacillus dans ses substrats Orgapin. Jiffy Group propose dans ses substrats la possibilité d’ajouter des micro-organismes pour accélérer la libération des nutriments provenant des engrais organiques et pour lutter contre les pathogènes. Et Dumona Monagri travaille sur l’incorporation dans ses mélanges de biostimulants à base d’algues.
La fibre de coco se développe
Plusieurs fournisseurs proposent aujourd’hui des pains de culture pour fraise constitués de fibres de coco compressées. « La fibre de coco étant très stable dans le temps, les producteurs peuvent ainsi garder leurs pains deux années de suite, assure Martin Carniel, directeur de Biogrow. Nos ventes en fraise augmentent de 15 à 20 % par an. » La fibre de coco est aussi de plus en plus présente dans les mélanges. « Du fait de sa forte capillarité, le coco améliore la répartition de l’eau dans le sac et évite les chemins préférentiels sous les goutteurs, souligne Yves Tindon, responsable technique chez Dumona Monagri. Depuis deux à trois ans, Dumona Monagri propose ainsi des terreaux comprenant 20 à 30 % de fibres de coco. « Il facilite aussi la réhumectation du substrat. Et comme il est riche en lignine, le substrat se tient mieux dans le temps, ce qui facilite les cultures longues et permet de l’utiliser deux années de suite en fraise. » Et Aquiland intègre désormais jusqu’à 20 % de tourbe de coco dans ses mélanges d’écorces et fibres de bois. « La tourbe de coco améliore la réhumectation et le pouvoir tampon du substrat, des points importants notamment pour les cultures précoces qui nécessitent plus de réactivité », explique Pascal Courtabessis, directeur d’Aquiland. « Dans les vingt dernières années, la qualité des produits de coco a fortement augmenté grâce à une meilleure connaissance de la matière première et par la mise en place de processus de certification comme la certification RHP », souligne Miguel Meneses.
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Des substrats organiques plus performants