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Des rapaces contre les campagnols

Les rapaces sont les premiers prédateurs des campagnols. Les favoriser sur son exploitation peut réduire la pression de ce ravageur. Tour d’horizon des candidats.

Le busard Saint-Martin niche au sol dans des friches ou des champs de céréales.
© Rob Zweers

La problématique "campagnol" est aujourd’hui l’une des préoccupations principales des arboriculteurs selon l’enquête nationale réalisée par le GIS Fruits. « Or, le premier prédateur du campagnol est le rapace. En France, on recense trente-trois espèces nicheuses dont dix peuvent vivre en milieu agricole. C’est une richesse spécifique sur laquelle on doit se reposer », a expliqué Cindie Arlaud, chargée de mission Biodiversité à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) de la Drôme, lors de la dernière édition de Tech & Bio. Les rapaces sont présents quand ils disposent d’une ressource de proies et de sites de nidification. « Ces deux points les maintiennent dans un secteur », a-t-elle ajouté.

Les espèces spécialistes ont une action déstabilisante

Chez les rapaces, on peut distinguer des espèces généralistes et des espèces spécialistes. Les généralistes, comme la buse, le faucon ou les chouettes, présentent un régime alimentaire opportuniste et mangent donc ce qui se présente en premier. Ils ont plutôt une action permanente et modératrice sur les populations. À l’inverse, les espèces spécialistes, comme le hibou, la dame blanche ou les busards, vont s’orienter vers des proies précises. Elles ont plutôt une action éclair et déstabilisante sur les populations de campagnols. « Lorsque les proies ne sont plus disponibles, les espèces spécialistes déclinent et migrent ailleurs », mentionne Cindie Arlaud. Autre caractéristique notable de ces "spécialistes" : « plus les proies sont disponibles, plus les rapaces les mangeront. C’est intéressant dans le cas de pullulations ponctuelles. L’effet est radical si les rapaces spécialistes sont là car ils répondent en augmentant leur densité, chaque individu œuvrant sur de plus petits territoires de chasse », précise-t-elle. Si en plus les sites de nidification sont présents, les parents, rassasiés, pourront se reproduire et avoir davantage de jeunes dans l’année.

Agir à l’échelle de l’exploitation

L’idée est donc d’utiliser ce pool bio et gratuit de rapaces pour réduire la pression des campagnols. « Seul, évidemment, cela ne suffira pas, mais les rapaces contribueront à stresser les campagnols, abaissant ainsi leur fertilité, et réduiront les phases de pullulation en allongeant par la même occasion les phases de populations basses », explique la spécialiste de la LPO. Pour favoriser la présence de ces prédateurs, il faut agir au niveau de l’exploitation et non de la parcelle, en créant des connexions pour faire pénétrer les prédateurs. Pour les sédentariser, il est nécessaire de leur fournir de quoi réaliser l’ensemble de leur cycle de vie : des cavités ou nids pour la reproduction, des plateformes d’envol pour la chasse, des haies où ils ne seront pas dérangés et des voies de circulation entre les sites de repos, de reproduction et de chasse. La pose, stratégique, de perchoirs sur l’exploitation permet de définir des zones de chasse. « L’idéal est qu’il n’y ait pas plus de 75 mètres entre ces éléments de repos que sont les perchoirs. » Autre point d’attention : identifier les sites potentiels de nidification : arbres isolés, haies, lisières de forêt… « Plus on a de vieux arbres, mieux c’est ! Et si l’on ne peut pas planter de haies, pensez au bâti agricole, notamment les hangars, et aux nichoirs de substitution ».

Les spécialistes

Hibou moyen duc

Les rongeurs représentent 72 à 96 % du régime alimentaire de ce rapace nocturne, dont trois quarts de campagnols. Un couple avec trois juvéniles consomment plus de 3 000 campagnols par an. Cet oiseau est particulièrement adapté aux vergers car il préfère les habitats semi-boisés. Le maintien et l’installation de bosquets et de haies à base de prunelliers et d’aubépines lui assurent des sites de nidification, car il s’installe dans de vieux nids de corvidés. La pose de paniers en osier de 30 cm de diamètre peut être un plus dans un environnement moins favorable.

Effraie des clochers

L’effraie des clochers ou dame blanche est une spécialiste des rongeurs. Elle se nourrit de 50 à 80 % de campagnols sauf sur le pourtour méditerranéen où elle préfère mulots, musaraignes et souris. Un couple consomme 4 000 proies par an. Pendant les 70 jours de croissance de trois à quatre petits, le couple leur apporte 10 à 16 proies par jour. Présente partout en France, elle a besoin de prairies et de bandes herbeuses ou de friches. Son territoire s’étend de 1 à 10 km². L’implantation de bandes incultes non fauchées le long de haies ou de ruisseaux avec des perchoirs tous les 20 m a montré son efficacité. Cette chouette accepte très facilement les nichoirs, même dans les bâtiments.

Busard Saint-Martin et busard cendré

Ces deux rapaces diurnes sont des spécialistes des campagnols des champs qui représentent jusqu’à 80 % de leurs proies. Un couple de busards cendrés consomme 480 campagnols en moyenne d’avril à juillet. L’abondance de ces rongeurs a une grande influence sur le succès des reproductions et donc sur les populations de ces deux oiseaux. Partiellement migrateurs, ils apprécient des milieux ouverts comme les marais, landes, friches et garrigues. Ils y nichent au sol et souvent dans les champs de céréales pour le busard Saint-Martin.

Les généralistes

Buse variable

Le rapace le plus commun en France se nourrit à plus des deux tiers de campagnols lorsque ceux-ci sont abondants. Mais ce prédateur opportuniste capture les proies les plus abondantes ou faciles à prendre. La buse variable niche surtout en forêt mais elle peut se trouver dans de grands arbres en bocage. Elle chasse dans tous les milieux pourvus de perchoirs. Un couple occupe 0,5 à 1 km². La mise en place de plateformes artificielles peut localement permettre à la buse de s’installer.

 

 

Faucon crécerelle

Ce petit rapace diurne, très commun, se nourrit à 85 % de rongeurs. Et les campagnols sont ses préférés. Mais à défaut de campagnols, la liste de ses autres proies est longue. Sa consommation annuelle est estimée à 1 500 proies. Il consomme 4 campagnols par jour en hiver et 8 en été. Quatre jeunes de 24 jours consomment 23 rongeurs par jour. Sa densité de population dépend de l’abondance des campagnols. Ce faucon est adapté à tous les milieux agricoles mais les haies et bosquets lui procurent de vieux nids de corvidés qu’il adopte pour sa propre nidification. Le maintien de cavités dans les murs des bâtiments tranquilles ou la pose de nichoirs en hauteur et à minimum 200 m des lieux d’habitation favorisent son installation.

Chouette hulotte

Cette chouette est très polyphage mais les campagnols peuvent représenter jusqu’à 50 % de ses 2 000 proies par an. Elle vit avant tout en forêt mais elle s’adapte au bocage. Un couple a besoin de 150 à 200 ha pour se nourrir en milieu bocager. Le maintien d’une trame bocagère avec des îlots boisés la favorise. Les grands pins ou les arbres couverts de lierre sont utilisés pour son repos diurne. Elle occupe très facilement les nichoirs.

 

 

Chouette chevêche

La chevêche ou chouette d’Athéna est un oiseau nocturne très opportuniste mais le campagnol des champs est fréquemment une de ses proies. Elle chasse depuis un perchoir. Vergers hauts de tige, friches, carrières, garrigues sont autant d’habitats qui lui conviennent. De 0,3 à 1,5 couple niche par km². Les haies d’arbres têtard ou trognes lui sont favorables. La pose de grillage à large maille au sommet des cheminées et de poteaux creux prévient la mortalité juvénile.

 

 

 

 

 

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