Comment la banane dominicaine bio se démarque
En République dominicaine, la production de banane bio par le groupement Banelino intègre toutes les dimensions agroécologiques, environnementales et sociétales que l’agriculture européenne et française souhaite se donner.
En République dominicaine, la production de banane bio par le groupement Banelino intègre toutes les dimensions agroécologiques, environnementales et sociétales que l’agriculture européenne et française souhaite se donner.
La République dominicaine est le pays des Caraïbes et de l’Amérique latine ayant eu l’économie la plus dynamique durant les quinze années précédant la pandémie de Covid-19, grâce à son secteur touristique. L’agriculture, quatrième secteur économique du pays (9 % de la population active) est également un moteur de l’économie de cette partie de l’île Hispaniola (voir ci-contre). Les principales productions, aux saveurs tropicales et adaptées au climat et aux sols, sont le cacaoyer (172 000 ha), le caféier (78 000 ha), le cocotier (50 000 ha), l’avocatier (43 000 ha), le manioc (25 000 ha), l’ananas (10 000 ha), l’anacardier (10 000 ha) et le bananier, avec près de 30 000 ha dont plus de la moitié (17 000 ha) en production biologique.
Répondre à la forte demande en bio
La République dominicaine est donc un des principaux exportateurs mondiaux de produits biologiques et équitables de qualité. Elle compte 14 000 agriculteurs biologiques (FIDA). Ainsi, en 2022, la République dominicaine a été reconnue premier exportateur mondial de banane bio, selon l’Association pour la coopération des recherches et du développement intégral des Musacées (bananes et plantains) aux Antilles et en Amérique tropicale (Acorbat). Ainsi, le groupement de producteurs Banelino a été créé en 2000 dans la région nord-ouest de la République dominicaine. À l’origine, en 1996, sept producteurs quittent une entreprise multinationale, tout en voulant continuer de produire de la banane, mais dans de meilleures conditions et à un meilleur prix.
Aujourd’hui, Banelino regroupe plus de 1 000 ha de bananeraies et de 250 producteurs dont la superficie moyenne est de 4,2 ha. Son activité s’étend sur cinq zones de production (Juiliana Jaramillo, Amina, San Isidoro, Hatillo Palma et La Caïda). La variété Gros Michell autrefois très cultivée a laissé la place à la variété Cavendish. En République dominicaine, la majeure partie des bananeraies se trouvent au nord-ouest du pays, notamment dans la vallée fertile du Cibao. La faible présence de la cercosporiose noire, la faible utilisation d’intrants et les cultures en association sont les facteurs de production qui ont orienté le choix de ce pays vers la production biologique. À cela s’ajoutent en synergie, les préoccupations environnementales et l’appui d’ONG et d’organismes internationaux (FAO et Union européenne) permettant de répondre à la forte demande en bio à l’export afin de trouver des prix plus rémunérateurs.
Améliorer la capacité de rétention en eau
C’est donc la biodiversité développée dans les bananeraies qui permet un équilibre conduisant à la baisse de la pression sanitaire ainsi qu'à l’amélioration de la nutrition, mais aussi des rendements et de la qualité. Les associations culturales réduisent ainsi les attaques de thrips. Les champignons entomopathogènes des charançons se reproduisent mieux dans les parcelles riches en matière organique et ayant des plantes de couvertures. Il en est de même pour les champignons et bactéries s’attaquant à la maladie de Sigatoka. L’augmentation du taux de matière organique du sol et l’utilisation de plantes de couverture améliorent aussi sa capacité de rétention en eau sous un climat chaud et qui, au fil des années, voit apparaître des épisodes de quasi-sécheresse.
Les plantes de couverture utilisées sont : le Vigna, les crotalaires, le Canavalia, l’Arachis pintoï, tandis que les cultures pérennes associées sont surtout le manguier, les agrumes, le cocotier, le cacaoyer et le goyavier. Les maladies et ravageurs, notamment les thrips communs, Frankliniella parvula, et la tache rouge (Chaetanaphothrips orchidii), sont maîtrisés avec des insecticides bio à base de capsaïcine, d’ail, de neem, de cannelle et de savon. Les charançons, Cosmopolites et Methamasius, sont contrôlés par piégeage et régulés par utilisation d’entomopathogènes de type Beauveria bassiana et Metharhizium anisopliae.
Par ailleurs, la divagation des animaux de petit élevage tels les gallinacées et autres canards permet une bonne maîtrise de la présence de ces coléoptères. La cercosporiose noire (maladie de Sigatoka) est contrôlée par l’élimination systématique des feuilles attaquées et un traitement aux huiles, à l’acide citrique, au Mélaleuca. Le pourrissement du pseudotronc par des bactéries de type Erwinia est jugulé par des applications de cuivre. Le nématode Radolophus similis est contenu par l’apport de matières organiques, la maîtrise de l’irrigation et l’inoculation du champignon Paecilomices spp.
Un cas d’école en développement durable
Grâce à ces actions, que l’on qualifierait d’agro-environnementales en France, les agriculteurs et les ouvriers haïtiens ainsi que leur environnement ne sont pas soumis à la toxicité de matières actives dangereuses comme lors des pratiques de production conventionnelle… Des programmes pour le bien-être des producteurs, des ouvriers et des familles de tout le personnel du groupement sont réalisés en santé, en éducation (écoles), sur l'appui communautaire et en protection de l’environnement. Des fruits sont distribués dans les cantines des écoles, et de même les écarts de tri sont séchés et transformés en farine pour produire des gâteaux de banane eux-mêmes distribués aux enfants.
Toutefois, la situation est appelée à se dégrader avec la déstabilisation du marché mondial de la banane due au conflit entre la Russie et l’Ukraine, mais aussi des coûts du fret, de l’énergie et autres augmentations… Toutefois, la non-utilisation d’intrants chimiques et la diversification des productions permettent aux producteurs de mieux résister à l’inflation mondiale. Néanmoins, Banelino est un cas d’école car il s’agit d’un groupement de producteurs qui a appris du passé pour se tourner vers l’avenir. En privilégiant un développement durable soucieux du bien-être de ses adhérents et de son personnel, tout en permettant l’instruction et la formation des individus appelés à reprendre l’activité agricole, l’avenir est donc assuré tout en développant vigilance et adaptation.
En chiffres
48 320 km² de superficie
11 millions d’habitants
78,84 milliards de dollars US de PIB en 2020
8 milliards de dollars US de transferts de la diaspora (principalement des USA)
Des certifications valorisables
Le groupement Banelino remplit 25 conteneurs chaque semaine, soit plus 450 tonnes de bananes bio, qui quittent le port bananier de Manzanillo dans la province de Montecristi au nord-est de l’île. Totalisant ainsi plus de 23 000 tonnes par an. 98 % de cette production a pour destination les États-Unis. De fait, par son labeur et sa discipline, Banelino a su développer des pratiques particulières pour le bien-être des hommes, des parcelles et des fruits de qualité et obtenir différentes certifications indispensables à la pénétration de marchés spécifiques et de prix supérieurs. Le groupement dispose des labels FLO-Cert Fairtrade commerce équitable, GLOBALG.A.P., Rainforest Alliance, Agriculture biologique européenne (AB), ainsi que Demeter, certification en biodynamie qui concerne une vingtaine de producteurs. Ce dernier label permet de trouver un prix plus rémunérateur (9,50 $ US la caisse contre 8,50 en AB) sur un marché qui reste limité.
Voisinage compliqué
La République dominicaine occupe les deux tiers de l’île d’Hispaniola qu’elle partage avec Haïti. Les deux pays ont en commun une histoire marquée par la colonisation espagnole dès 1492, puis par la domination française à partir du XVIIe siècle. La République dominicaine a obtenu son indépendance d’Haïti en 1844. Depuis les années 1960, le multipartisme et la démocratie s’y sont progressivement installés, tandis que son voisin est passé de la dictature à l’instabilité et aux troubles récurrents. Les deux pays sont toutefois interdépendants. Avec des exportations qui dépassent le milliard de dollars américains, Haïti est le premier client de la République dominicaine. L’économie dominicaine ne peut fonctionner sans la main-d’œuvre de son voisin. À long terme, la République dominicaine n’a aucun intérêt à ce que son voisin sombre dans le chaos et souhaiterait la stabilité économique de toute l’île.