Agrumes : comment se présente la campagne méditerranéenne, entre changement climatique et conflit armé ?
Après une récolte très faible en 2022-2023, la récolte d’agrumes méditerranéenne devrait atteindre un nouveau record cette saison. En revanche, certains fournisseurs clés du marché européen devrait être en recul voire en recul significatif : l’Espagne en particulier, mais aussi la Grèce qui a été touchée par des conditions climatiques dramatiques. Le Maroc qui souffre de la sécheresse pour la deuxième année consécutive pourrait être en léger recul sur les marchés. Les récoltes en Israël, en guerre, seront impactées.
Après une récolte très faible en 2022-2023, la récolte d’agrumes méditerranéenne devrait atteindre un nouveau record cette saison. En revanche, certains fournisseurs clés du marché européen devrait être en recul voire en recul significatif : l’Espagne en particulier, mais aussi la Grèce qui a été touchée par des conditions climatiques dramatiques. Le Maroc qui souffre de la sécheresse pour la deuxième année consécutive pourrait être en léger recul sur les marchés. Les récoltes en Israël, en guerre, seront impactées.
Après les très faibles volumes de 2022-2023, la récolte d’agrumes de l’hémisphère nord ( pays producteurs méditerranéens et Etats-Unis) devrait atteindre, pour cette campagne d’hiver 2023-2024, 28,98 millions de tonnes. C’est +12,21 % de plus que la dernière campagne (25,82 millions de tonnes) et +1,48 % comparé à la moyenne sur 4 ans, selon les prévisions de récolte d’agrumes de l’hémisphère nord dévoilées en visio-conférence par la WCO (organisation mondiale des agrumes) le 15 novembre. Côté export, même tendance à la hausse : on parlerait de 9, 48 millions de tonnes destinées à l’export, soit +11,39 % sur un an et +4,59 % sur 4 ans.
Mais Eric Imbert, responsable de l’Observatoire des Marchés et des innovations du Cirad, coorganisateur de la conférence, nuance : « Si les prévisions de cette année montrent une reprise avec des conditions variables selon les pays producteurs et les catégories d'agrumes, de nombreux paramètres doivent être pris en compte pour l'analyse du marché. Les problèmes climatiques, tels que les gelées tardives, la sécheresse, les vagues de chaleur ou les nouveaux ravageurs et maladies ont influencé la qualité, la coloration ou la date de récolte de la production. Le marché restera affecté par l'instabilité géopolitique, tandis que la demande des consommateurs est sous pression en raison de la limitation du pouvoir d'achat et de l'inflation. »
Un manque de petits agrumes malgré le bond de la Turquie ?
Alors que la demande des marchés est dynamique, l’agroéconomiste du Cirad estime qu’il pourrait y avoir un manque significatif de petits agrumes sur les marchés européens et nord-américains en début de campagne en raison de récoltes plus faibles dans la plupart des pays producteurs, en particulier pour les variétés précoces telles que les clémentines, et de l’abondance de calibres moyens à faibles.
Seule la Turquie affiche une tendance inverse, avec une prévision en croissance à deux chiffres, à +43 % sur 4 ans. La Turquie a planté 17 000 ha supplémentaires de petits agrumes en 5 ans et le climat a été bénéfique cette année contrairement à l’année dernière. Sever Güzelmanzur, de l’association turque Akib, a déclaré que la Turquie prévoit des exportations de petits agrumes en hausse de +11 %.
La Turquie et l’Egypte, particulièrement dynamiques
En outre, considérant l’ensemble des agrumes, « les chiffres pour la Turquie seront plus hauts que ceux annoncés par la WCO », estime Sever Güzelmanzur. Déjà la Turquie marque un bond important dans ses récoltes estimées d’agrumes (+45 % sur un an et +40 % sur 4 ans), comparé à la petite récolte de l’année dernière, mais aussi en raison de nouveaux vergers (38 000 ha tout agrume ont été plantés en 5 ans, surtout en petits agrumes et citron) et d’une meilleure productivité.
L’Egypte aussi a planté massivement ces dernières années (+18 000 ha), en oranges surtout.
Une pénurie en orange face à une Espagne démunie ?
En orange également, Eric Imbert du Cirad craint un manque sur les variétés précoces et de mi-saison. Les volumes méditerranéens récupéreront d’une campagne précédente très faible, grâce aux bonnes prévisions en Egypte et en Turquie mais l’Espagne pourrait avoir sa récolte d’oranges la plus faible de la décennie alors qu’elle est le fournisseur principal de l’Europe pendant l’hiver (60 à 65 % des volumes).
Citron : les leaders Turquie et Espagne en hausse
En citron, la croissance avait ralenti l’année dernière, avec une petite récolte en Espagne (-20 % sur 4 ans) et le gel en Turquie. Cette année, ces deux leaders exportateurs annoncent des records : +15 % en Espagne et +50 % pour la Turquie, comparé à la moyenne. « Il faut dire que les plantations ont été dynamiques depuis 5 ans : la Turquie a planté 20 000 ha supplémentaires, ce qui en ferait le plus grand verger de citron au monde avec 55 000 ha, passant devant l’Espagne et ses 52 000 ha, après avoir planté 9 000 ha en plus », analyse Eric Imbert.
La récolte italienne sera en fort retrait.
Sécheresse au Maroc, guerre en Isarël
En Israël, les chiffres sont à relativiser suite au conflit avec le Hamas. Alors que la campagne est sur ses débuts, les impacts de la guerre suite aux attentats du 7 octobre sont « impossibles à estimer pour l’instant mais ils seront significatifs », explique Roni Nakar du PPMB (Plants Production & Marketing Board). « Les traitements dans les vergers, la cueillette et le conditionnement ne peuvent pas être effectués, les travailleurs ne peuvent pas accéder aux vergers, l’armée mobilise. »
Le Maroc, quant à lui, connaît sa deuxième année consécutive de sécheresse. Mustafa Zemzani des Domaines Agricoles précise : « Nous espérons pouvoir exporter environ 535 000 tonnes d'agrumes, contre 472 000 tonnes la saison dernière. Nous aurons un peu plus de petits agrumes que l’année dernière mais toujours moins que la moyenne et variable selon les régions. La hausse de l’export en Valencia et en Nadorcott pourrait combler le manque de clémentines. » Le Royaume a retardé le début des envois en raison d’un manque de couleur qui ne correspondait pas à la maturité interne précoce liée à la vague de chaleur. »
Changement climatique : il faut la compréhension des distributeurs
En Italie, la large part prise par les oranges en forte hausse sera compensée par la baisse en citron et en petits agrumes. La Grèce (-5 % et -7 %) a été touchée par les conditions climatiques et la baisse touche toutes les catégories d’agrumes.
Aux Etats-Unis, 4,5 millions de tonnes, le déclin est permanent depuis des années (-21,29 % sur 4 ans), bien qu’en léger sursaut (+1,39 %) comparé à l’année dernière. L’export est annoncé en légère hausse sur un an, à 466 220 tonnes.
Concernant les aspects qualitatifs, la WCO annonce, de manière générale, un calibre inférieur à moyen, et une bonne couleur mais avec du retard. Les cultures ont été impactées par les aléas climatiques, conséquence du changement climatique : vagues de chaleur, sécheresse…
José Antonio Garcia de l’association espagnole Ailimpo conclut : « Le changement climatique est un sujet brulant dont l’impact se reflète dans ces chiffres de prévision mais aussi sur les dates de présence sur le marché. Il faut que les distributeurs comprennent qu’il n’est parfois pas encore le moment pour les produits et qu’il faut être patient. »
Lire aussi : Pourquoi les oranges ont la forme de citron en Espagne cette année ?
Mise à jour de la campagne 2023 d’Hémisphère Sud. La campagne d’agrumes 2023 de l’hémisphère sud devrait s’achever avec 24,35 millions de tonnes, selon les dernières estimations de la WCO. C’est -2,01 % de moins qu’en 2022 (24,85 millions de tonnes). Côté export, on annonce 3,88 millions de tonnes, en hausse (+2,19 % sur un an ; +7,26 % sur 4 ans).