Maraîchage : comment maintenir Macrolophus dans les abris pendant l’hiver
Malgré certaines contraintes, la punaise auxiliaire Macrolophus peut être maintenue dans les abris en hiver afin de faciliter et de limiter son coût de réinstallation dans la culture d’été.
Malgré certaines contraintes, la punaise auxiliaire Macrolophus peut être maintenue dans les abris en hiver afin de faciliter et de limiter son coût de réinstallation dans la culture d’été.
Les punaises mirides prédatrices, comme Macrolophus pygmaeus, sont indigènes en France et sont très intéressantes dans la régulation naturelle des ravageurs. Ce sont des insectes prédateurs à tous les stades, capables de s’attaquer à une large gamme de ravageurs : aleurodes, acariens, thrips, œufs de papillon et jeunes chenilles (Tuta), pucerons. Cet auxiliaire incontournable est cependant coûteux (environ 0,14 euro HT/individu) et son installation est lente et parfois difficile.
Couper puis disperser les soucis
Des travaux d’expérimentation ont montré que le souci (Calendula officinalis), utilisé comme plante-hôte, est très favorable à Macrolophus. Cette plante rustique permet à Macrolophus de s’alimenter, car celui-ci peut prélever de la sève en piquant les tiges de soucis et se nourrir du pollen des fleurs. Macrolophus peut aussi y trouver des proies, principalement des collemboles, mais aussi des aleurodes, des cicadelles. « Des observations en plein hiver ont montré qu’à l’extérieur et à l’intérieur des abris, Macrolophus était présent et actif sur le souci, et qu’il pouvait s’y reproduire pendant cette période pourtant défavorable », précise une fiche technique éditée par l’Acpel et le Grab.
Ainsi, le souci assure une présence durable de l’auxiliaire au sein de bandes fleuries, dans les abris et peut aussi être utilisé sous forme de plantes-relais pendant l’hiver. C’est ce qu’a testé Bastien Bono, producteur d’aubergine et de tomate ancienne l’été, et de la salade l’hiver à Saint-Martin de Crau. « Avec l’appui du conseiller de la Chambre d’agriculture et l’expérimentateur de l’Aprel, nous avons mis en place un essai de 2015 à 2017 pour conserver sur l’exploitation les Macrolophus pendant l’hiver. A l’automne, nous avons semé du souci en ligne à l’intérieur des tunnels contre les bâches. L’objectif est de faire basculer les Macrolophus en fin de culture de tomate vers le souci semé. Ensuite, dans les tunnels, nous avons cultivé des salades. Et au printemps, l’objectif est de faire basculer les Macrolophus depuis le souci vers la culture de tomate », témoigne le producteur.
Les soucis ainsi semés pourront se maintenir plusieurs années, avec cependant des pertes de densité à cause de la sécheresse ou du froid. Au printemps, le transfert des Macrolophus vers la culture s’effectue au plus tôt dès le premier palissage des tomates. « La première fois, nous avons laissé sécher les soucis en coupant l’irrigation. Le transfert s’est fait, mais la population de Macrolophus sur la culture était peu nombreuse. En revanche, l’année suivante, nous avons coupé puis dispersé les soucis au pied des tomates. Et nous avons eu beaucoup plus de Macrolophus sur la culture. Nous avons eu très peu de Tuta, ni d’aleurodes », explique Bastien Bono.
Adapter la technique aux productions hors-sol
« L’expérimentation à l’aide du souci demande des adaptations mais elle a surtout montré de nombreux intérêts pour la profession. Les résultats montrent qu’en coupant et déplaçant les soucis aux pieds des tomates, quinze jours après, nous obtenons cinq Macrolophus par bras de tomate. A la même date, la stratégie classique de lâcher présente un Macrolophus par bras de tomate », explique Laurent Camoin, ingénieur-conseil maraîchage à la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône. Ainsi, sur cette exploitation, la mise en place de la protection intégrée à l’aide de Macrolophus notamment permet de baisser l’IFT de synthèse de 70 % en moyenne. De plus, en comptabilisant toutes les interventions nécessaires, la stratégie avec le souci coûte 0,11 euro/m² alors que la stratégie classique de lâcher coûte 0,42 euro/m² (données 2017). Toutefois la stratégie a des contraintes.
Des soucis installés sur une parcelle ne rendront pas un service immédiat. Ils permettront d’héberger les Macrolophus à l’automne, pour l’année suivante. « Si les soucis sont implantés après le 15 octobre, il est peu probable qu’ils soient colonisés spontanément par les Macrolophus indigènes dès leur premier automne », mentionne la fiche. Ils ne joueront donc leur rôle de refuge hivernal qu’au deuxième automne. « Nous avons communiqué les résultats de ces essais auprès des maraîchers lors de la Conférence maraîchage de la Chambre d’agriculture en novembre 2017. Suite à cela, des producteurs nous ont demandé d’adapter la technique au mode de production hors-sol. Nous avons sollicité le CTIFL qui porte actuellement un projet à ce sujet. Il devrait débuter », précise le spécialiste.
Trois conseils à respecter
1- Il faut anticiper la mise en place des soucis pour qu’ils soient suffisamment développés à la fin de la culture d’été, pour accueillir les populations de Macrolophus avant l’hiver. L’idéal est d’installer les soucis au moins un mois avant la fin de la culture d’été.
2- 5 à 10 soucis/100 m2 permettent d’héberger suffisamment de Macrolophus pour protéger les cultures.
3- L’objectif est d’obtenir 2 Macrolophus par m2 de culture à protéger.