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« Les réseaux sociaux devraient être un véritable outil d'entraide en agriculture », selon François Gilard

Cow-boy #bio dans le Puy-de-Dôme. C’est ainsi qu’il se présente sur les réseaux sociaux. François Gilard n’était pas du pays, pas du milieu et est devenu éleveur. Il communique sur les réseaux sociaux pour casser les clichés et partager tout ce qu’il aime dans son métier.  

François Gilard
François Gilard : « Ce que je déplore sur les réseaux sociaux, c’est l’esprit de compétition. »
© François Gilard

Il est éleveur dans le Puy de Dôme et installé hors cadre familial sur la ferme de Marquise. Pour le moment, il élève des génisses, après avoir vendu les vaches laitières de l’exploitation qu’il a reprise qui ne correspondaient pas à son projet d’installation en bio. Il débutera le lait dans sa ferme en mai 2024 mais est déjà administrateur de la coop Biolait. A quarante ans, c’est un nouveau départ qui s’amorce pour François Gilard, après de multiples expériences professionnelles. Il a travaillé en coopérative de négoce de bétail, puis a été associé sur une exploitation agricole dans le Puy-de-Dôme. Après avoir passé un concours, il a dirigé une unité expérimentale porcine à l’Inrae mais « je suis plus bovins », observe-t-il. Il a ensuite exercé en chambre d’agriculture, en Dordogne.

Après ce parcours varié, il est revenu en Auvergne. Il continue à travailler avec la Ferme des Terres creuses, devenue sa voisine depuis le rachat de sa propre ferme. C’est de « l’entraide », explique-t-il, de la « bonne entente ». Ce sont « deux structures différentes », précise-t-il, mais « on travaille ensemble ». Quand il parle, les choses semblent simples, et c’est peut-être pour cela que la communication a pris une place dans son emploi du temps. Le 13 mai, il était à Saintes, en Charente-Maritime, le département dont il est originaire, pour faire découvrir son métier à des jeunes dans le cadre de la première édition d’Agro’fest. Il communique aussi sur les réseaux sociaux et c’est pour en discuter qu’il a volontiers accepté de donner un peu de son temps. Entretien.

Sur quels réseaux sociaux êtes-vous présent ?

François Gilard – « Sur Twitter. Là, je partage au quotidien. Sur Facebook aussi et sur Instagram mais je ne communique pas sur ces réseaux de la même manière. Sur Facebook, il y a trop de publications de gens qu’on ne connaît pas. Ca ne me correspond pas. Instagram, c’est pour les jolis clichés. Je ne suis pas sur YouTube parce que je ne maîtrise pas le matériel de tournage ni le montage vidéo. »

Depuis quand communiquez-vous sur ces réseaux ?

F. G. – « En 2017, j’ai été pris dans la boucle d’une communication positive en agriculture. Le directeur communication de Sodiaal cherchaient des communicants. C’est là que j’ai mis le pied à l’étrier. Mais j’ai un peu loupé le coche car j’étais à la chambre d’agriculture de Dordogne et mon métier ne se prêtait pas trop à cet exercice. J’y suis donc revenu par la suite. »

 

Quel type de messages aimez-vous diffuser ?

F. G. – « Des messages positifs, même si ça fait un peu guimauve de dire ça. Je me souviens de l’époque où on développait les Amap sur Clermont Ferrand. Nous vendions à un public qui connaissait très mal l’agriculture. C’était des citadins plutôt bourgeois qui avaient encore une image du paysan sale et non cultivé, de quelqu’un qui n’a jamais fait d’études et qui vit un peu comme un sauvage. Cette vision négative m’a amené à faire de la pédagogie, à m’engager dans la vie associative et à communiquer de plus en plus pour casser les clichés du monde agricole. »

« J'essaie de montrer autre chose que le milieu agricole machiste et patriarcal. »

Malgré la dureté de ce métier, on vit dans un cadre et une ambiance de liberté. C’est ça que j’aime et que j’aime montrer. L’agriculture est un milieu assez conservateur mais j’essaie de monter autre chose que le milieu agricole machiste et patriarcal. J’essaie de monter qu’il y a de la diversité même dans le milieu agricole. Que l’on soit gay ou hétéro, peu importe, l’important, c’est toute l’attention qu’on y porte et les belles valeurs que l’on communique, toujours dans une démarche bienveillante. »

Est-ce que cette démarche de communication peut être moteur pour votre exploitation ?

F. G. – « On travaille en permanence la qualité de nos produits mais on ne sait pas les mettre en avant. On n’est pas bons en marketing. Pourtant, nous n’avons pas de souci pour la vente directe de la viande et des produits laitiers. Ma communication est plus une démarche collective avec le groupe des FranceAgriTwittos. On se rencontre plusieurs fois par an, il y a du lien et des occasions de faire la fête. »

« Je m’amuse quelquefois à créer un lien avec la ville. »

Sur Twitter, vous vous présentez comme un cow-boy #bio, pourquoi cette description ? Vous êtes cavalier ?

F. G. – « Non, avec les chevaux, je me suis arrêté au Galop 1. C’était plutôt une manière de faire un lien entre la moyenne montagne et les grands espaces à l’américaine. C’était un jeu, un clin d’œil aussi entre Twittos. Entre nous, on se parle, on se connaît, et on ne se prive pas quelquefois d’un trait d’humour. »

Combien avez-vous d’abonnés ? Quelle est votre audience ?

F. G. – « J’ai entre 2500 et 2600 abonnés sur Twitter. Pour certaines photos sur Instagram, j’ai quelquefois plusieurs dizaines de milliers d’impressions. Mais je ne me penche pas trop sur ces chiffres. Mon souci est plus de communiquer de manière régulière. J’essaie de m’astreindre à une régularité. Avec les FranceAgriTwittos, on essaie de lancer des chaînes du style lundi-motivation, jeudi-photo… Je retweete aussi pas mal pour activer le réseau mais aussi par conviction personnelle, quand je lis un article notamment. J’ai relayé par exemple un Thread sur les tics de langage parce que je m’intéresse à l’évolution de la langue française. »

 

Avez-vous quelquefois des commentaires négatifs ?

F. G. – « J’essaie en général de rester très positif et j’ai plutôt beaucoup d’encouragements. J’ai des messages de soutien ou de remerciements pour des belles photos de vaches ou de paysages. Je n’ai jamais cherché à créer la polémique et j’ai eu la chance de ne pas rentrer dans des polémiques. Ne pas polémiquer et être dans la bienveillance, c’est un peu les consignes que l’on a dans le groupe. La ligne de conduite, c’est la politesse. Plutôt que de se tirer dans les pattes, on laisse de côté, on tourne la page. Au début, je prenais les choses trop à cœur. Certaines remarques pouvaient me paraître déchirantes.  Mais on apprend à prendre de la hauteur et à calibrer l’intervention sur les réseaux. Commenter et recommenter est sans fond et sans fin. »

« On apprend à prendre de la hauteur. »

Regrettez-vous certains posts ?

F. G. – « En général non. Ca a pu m’arriver une fois ou deux d’effacer avant d’envoyer. Quand je regrette, j’efface. »

Est-ce que certains de vos posts vous ont amusé ?

F. G. – « Je m’amuse quelquefois à créer un lien avec la ville. Dans un post, j’ai fait un parallèle entre le moment où je rentrais les vaches et des bouchons parisiens. Une autre fois, les cloches de mes vaches m’ont inspiré le côté " bling bling " de l’élevage. »

 

Vous fixez-vous des limites dans le choix de vos sujets ?

F. G. – « La limite, c’est ma vie personnelle. Dans ma vie professionnelle, je ne montre pas les personnes autres que moi en intervention sur les animaux. L’ostéopathe, le vétérinaire, par exemple, c’est non. C’est peut-être trop lisse mais l’idée n’est pas de montrer ce qui ne va pas. Ce que je veux, c’est donner une bouffée d’air frais, partager l’air de la montagne avec des gens qui peuvent avoir une vie difficile. C’est ce que j’ai fait quand on était au grand air pendant le Covid. »

Y a-t-il des messages qui vous agacent sur les réseaux sociaux ?

F. G. – « La course au gros matériel, ça me saoule. Un truc qui m’énerve aussi en tant que bio c’est ce sont les messages du style : " comment on va faire pour produire sans tel ou tel produit ? ". Il faut de tout. Bio et conventionnel doivent coexister mais à un moment, il faut une remise en question. C’est très à la mode les débats sans fin où chacun reste campé sur ses positions. En bio, on est très technique et on peut montrer qu’on est toujours là. C’est tout un équilibre, une recherche d’autonomie, de résilience. Ca dépend de ce que l’on veut. »

« La course au gros matériel, ça me saoule »

Avez-vous suivi un modèle pour vous lancer ?

F. G. – « Non, pas vraiment, même si j’ai regardé ce que les autres faisaient. Quand j’ai débuté, ceux qui émergeaient bien c’était Etienne Fourmont, Théo Joyeux, David Forge… J’ai suivi 2 ou 3 conseils mais ce que je fais est artisanal et je ne suis pas à la recherche de plus d’audience. Être vu, c’est plaisant, encourageant, valorisant… mais c’est le quotidien qui prend le relais. Je viens d’avoir quarante ans et il y a des choses plus importantes dans la vie. »

Avez-vous eu un déclic ?

F. G. – « Peut-être les conversations sur Twitter. Je me suis rendu compte que l’on pouvait parler à tout le monde et qu’on pouvait se faire interpeler par des politiques. J’ai trouvé ça génial cette interaction qu’on peut avoir avec les gens, ce côté instantané. C’est cette proximité sur Twitter qui a été le déclic. »

Combien de temps consacrez-vous aux réseaux sociaux ?

F. G. – « Je dirais entre 1 h et 1 h et demi par jour. »

 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer ?

F. G. – « Être vrai et sincère, c’est mon premier conseil. La sincérité, pour moi, c’est important. Ca permet d’être irréprochable et ça évite les attaques frontales. Mon deuxième conseil, c’est de communiquer positivement, c’est mieux que de parler de ce qui ne va pas. Je dirais que c’est un choix éditorial mais, pour ma part, je l’assume. Il y a certains évènements, comme la mort d’animaux par exemple, que l’on n’a pas envie de partager. Dans le monde agricole, il y a cette pudeur qui est là dans les moments difficiles. Cette discrétion fait partie de nous. C’est une forme d’humilité. »

« Dans le monde agricole, il y a cette pudeur qui est là dans les moments difficiles. »

Pensez-vous poursuivre durablement votre activité sur les réseaux sociaux ?

F. G. – « A mon sens, cette communication est importante. On a trop souffert. Et tant que je trouve de l’intérêt à ça, je continue. Le jour où je me lasserai, j’arrêterai. J’ai abandonné Snap chat par exemple. Je ne suis pas né avec un portable à la main. Il faut que j’y trouve un intérêt personnel. Et se concentrer sur une ou deux applications, c’est suffisant. »

Comment envisagez-vous l’avenir des réseaux sociaux ?

F. G. – « Tant que les collecteurs d’information y trouvent leur compte, ça peut continuer à se développer. Ce que je déplore, c’est l’esprit de compétition. Les gros écrasent les petits. Les médias le savent très bien. Pourtant, les petits n’ont pas moins de choses à dire. C’est la bagarre comme dans la cour de récréation. L’association des FranceAgriTwittos a fait le choix de soutenir les agriculteurs. Mais la profession n’attire plus. Quand on s’installe, il y a des moments compliqués. C’est dur de faire ses preuves, encore plus si vous n’êtes pas du pays, pas du milieu. Selon moi, les réseaux devraient être un véritable outil d’entraide. Ce serait l’utilisation idéale. »
 

Relire tous les interviews d'agriculteurs actifs sur les réseaux sociaux :

David Faivre : « Je veux montrer que la vie d’un vigneron est rythmée par 10 métiers »

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