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[Fières d'être éleveuses] "Un projet d’exploitation et d’installation mûrement réfléchi"

Bien dans ses bottes, Claire Dumas affiche du haut de ses 28 printemps, une lucide zénitude dans son métier d’éleveuse en viande biologique.

Voingt est une petite commune située dans l’ouest du Puy-de-Dôme à 750 mètres d’altitude sur un site gallo-romain à mi-chemin sur la via Agrippa reliant Saintes à Lyon, aux confins de l’Auvergne et du Limousin. Elle ne possède pas moins de cinq vestiges de temples vieux de 3 000 ans !

C’est là que l’élevage de Claire Dumas porte le nom depuis son installation père-fille en 2019 de la SCEA de Las Faissas, ceci en référence au nom des terres créées et cultivées en étages par les différents occupants du lieu, gaulois puis romains. Les 80 hectares sont à 100 % composés de prairies naturelles. Si l’éclatement du parcellaire (120 parcelles, 54 îlots sur 3 communes) peut apparaître un handicap, il a été transformé en avantage significatif pour réaliser du pâturage tournant, certes contraint, mais très efficient avec de petits lots de bêtes, en générant une parfaite maîtrise – biologique - du parasitisme.

Le troupeau se compose de 50 limousines qui vêlent toute l’année. Cela assure un approvisionnement régulier de la filière bio de Sicaba (Allier) en veaux rosés sous la mère. Le reste est commercialisé en vaches de réforme - en filière bio aussi - à Bovi Auvergne.

Parcours atypique et installation en deux temps

En 1982, son père, François, s’oriente par conviction vers ce qu’on appelle aujourd’hui l’agriculture biologique. En 1996, il participe aux premiers pas de la filière viande bio. Tombée dès la plus tendre enfance dans cette "marmite", Claire se révèle très tôt une excellente animalière avec un très bon coup d’œil pour détecter les bêtes malades. Elle développe la communication avec les animaux, se forme aux méthodes alternatives : ostéopathie, aromathérapie et phytothérapie en privilégiant l’observation dans l’approche des soins. Elle est évidemment aujourd’hui référente bien-être animal.

Pour son parcours scolaire, elle choisit, contre toute attente, un CAP de mécanique agricole ! « Je suis aussi bricoleuse et c’était tout simplement pour voir autre chose. Le travail en alternance me convenait plus que la scolarité classique. Cela m’a permis de découvrir le milieu salarié et d’avoir une corde de plus à mon arc. » Elle travaille ainsi deux ans tout en faisant des extras dans un bistrot de Giat les jours de foire, de façon à améliorer ses compétences commerciales ! Elle passe en parallèle son permis poids lourd, Fimo et CAPtav pour transporter elle-même à l’abattoir ses veaux et vaches finies ou sillonner le Massif central pour les concours interrégionaux limousins. Elle passe les examens nécessaires aux équivalences pour toucher les primes d’installation. Elle est donc prête pour s’installer mais…. les premiers contacts avec la structure d’instruction de son dossier lui font peur. Pour boucler le projet d’un point de vue administratif, les options proposées ne lui conviennent pas et l’insertion recommandée d’un poulailler conventionnel dans son plan de financement est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Claire repart sur l’exploitation travailler cinq ans comme aide familiale. Sur le plan financier, le salaire différé (13 000 €/an) lui permettra un apport personnel et surtout, elle aura eu le temps avec son père de mûrir un projet correspondant à l’ADN de l’exploitation. Durant ces cinq années le système de production évolue. Finie la commercialisation des reproducteurs bio (mâles, génisses et vaches d’élevage) qui apporte de moins en moins de valeur ajoutée, beaucoup de contraintes et de clients exigeants. Tout va basculer sur la production de veaux sous la mère et de vaches ou génisses finies bio. Le système se met en place et Claire s’installe en créant la SCEA de Las Faissas avec un projet bien ancré dans son terroir.

Un pont hydraulique comme cadeau de Noël

Le travail des femmes en agriculture est un point qu’il convient d’aborder car le regard des hommes est souvent un brin condescendant. Mais, comme dit Claire qui a fréquenté avec son expérience en mécanique des milieux plutôt masculins, le regard change et « les garçons se soignent ! » « Je suis une femme d’intérieur et mon père homme d’extérieur », insiste malicieusement Claire.

Claire s’occupe au quotidien de tous les travaux liés aux deux bâtiments : tétée des veaux sous la mère, suivi des génisses de renouvellement dont leur dressage pour avoir un troupeau très manipulable. Elle gère les pâturages proches des bâtiments. Elle s’occupe également de toute la partie gestion administrative de l’exploitation, dont la partie informatique. Sans être accro au numérique, elle maîtrise les outils nécessaires et a trouvé très pratique, lors des différents confinements, les visioconférences, notamment avec le centre de gestion pour faire la PAC sans se déplacer à Clermont Ferrand : un gain de temps !

Quant à son père, François, il est le plus souvent à l’extérieur pour s’occuper d’une partie du troupeau conduit en plein air intégral : affouragement, vêlages, soins aux veaux et surtout déplacements fréquents des lots d’animaux pour la pâture sur les petites parcelles toutes entourées de haies. Les travaux de fenaison se font bien évidemment à deux. « Quant à la pénibilité, sa maîtrise est mûrement réfléchie avec, en premier lieu, le dressage pour la docilité des animaux, de nombreux systèmes de contention, des barrières adaptées… Mais l’investissement qui m’a fait le plus plaisir est le pont hydraulique pour la bétaillère reçu en cadeau de Noël : je ne pouvais rêver mieux. Il amène un réel confort et sécurité dans le travail ! »

L’avenir : écologie et sociologie

À terme, il faudra bien prendre en compte le départ en retraite de son père. « Nous réfléchissons ensemble sur la solution d’un salarié en temps partiel grâce au groupement d’employeurs et l’externalisation de certains travaux à des entreprises. »

Coté système de production, la filière bio étant en restructuration constante, il faudra faire preuve d’adaptation et ce, au quotidien. "L’engagement dans cette filière, la recherche d’une plus grande autonomie sur l’exploitation nous a aussi amenés naturellement à aborder les problèmes environnementaux et sociétaux. Nous sommes engagés dans la méthode CAP2ER pour diminuer notre impact carbone. J’expérimenterai cette année la vente directe en production d’agneaux, plus facile à vendre. Ce sera également un moyen de prendre le temps de parler aux gens et de connaître leurs attentes, si ce n’est que la versatilité de ces derniers est un handicap pour se projeter ! »

C’est avec une approche lucide de la situation et un enthousiasme raisonné que Claire poursuit sa toute jeune carrière de femme exploitante, éleveuse de surcroît. Elle fait partie de ce contingent de femmes modernes, nécessaire au renouvellement des générations d’une agriculture qui doit trouver de nouveaux modèles pour faire face aux enjeux économiques, écologiques et sociétaux.

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