Face au gel, « la filière viticole a tout intérêt à jouer collectif »
Cartographier le risque de gel et formuler des préconisations sur les équipements de protection les plus pertinents. C’est dans ce but que Romain Guillaument, fondateur du bureau d’études Celsius, utilise la modélisation mathématique. Rencontre.
Cartographier le risque de gel et formuler des préconisations sur les équipements de protection les plus pertinents. C’est dans ce but que Romain Guillaument, fondateur du bureau d’études Celsius, utilise la modélisation mathématique. Rencontre.
Comment fonctionne la modélisation informatique pour prédire le risque de gel sur un parcellaire ?
Je réalise un audit de la topographie du vignoble au cours duquel je vais recenser les pentes, l’orientation des rangs, la présence de bois, de lacs, de haies, etc. Je vais également collecter des informations sur les vents dominants, les températures des bâtiments et des forêts à proximité. Je récupère aussi l’historique sur quatre ans des stations météo les plus proches. La modélisation permet de corréler tous ces éléments afin de générer une cartographie du risque de gel.
Vous allez jusqu’à préconiser des équipements de protection. Sur quoi vous basez-vous pour cela ?
Ma modélisation intègre les caractéristiques de la plupart des équipements antigel disponibles actuellement sur le marché. Jusqu’à quelle température ils sont efficaces, contre quels types de gel, quelle surface permettent-ils de protéger, combien ils coûtent, quel est leur bilan carbone… Toutes ces informations, croisées avec la cartographie du risque de gel, permettent de dire « sur cette parcelle, un système de brassage de l’air sera plus pertinent qu’un point chaud ». Ce calcul mathématique prend trois mois. Dans le monde paysan, on a tendance à faire la même chose que le voisin. Or, il y a trop de facteurs qui interviennent pour que ce raisonnement soit juste.
Dans vos simulations, une solution antigel se démarque-t-elle ?
Oui, l’hélicoptère, mais pas pour les bonnes raisons. C’est une absurdité environnementale et économique, pour des résultats moyennement satisfaisants. Il faut vraiment arrêter avec ça.
Pour les domaines qui n’ont pas les moyens d’investir dans du matériel, avez-vous des solutions à proposer ?
Je trouve qu’on n’utilise pas suffisamment de solutions passives pour lutter contre le gel. Je pense aux lacs, dont la température reste autour de 8 °C en hiver, aux arbres et aux haies. J’ai aussi vu des parcelles de vigne protégées par les bâtiments du chai. Prendre en compte l’orientation des vents dominants dans son projet de rénovation ou de construction de bâtiment n’est pas idiot. Toutefois, et on l’a vu cette année, sous une certaine température, les dégâts sont difficiles à éviter sans équipement de protection.
Quel est le coût de cette modélisation ?
Il faut compter 3 000 à 4 000 euros pour une cartographie du risque gel, et entre 10 000 et 12 000 euros pour une solution optimisée avec préconisations. Mais les calculs sont faits sur 400 hectares. Donc finalement, ça revient à 300 euros l’hectare si l’investissement est mutualisé. Globalement, je pense que la filière viticole a tout intérêt à jouer collectif en ce qui concerne la lutte contre le gel. On se rend compte que pour protéger des vignes à un endroit, on est souvent obligé de mettre un équipement chez le voisin. La solution est donc d’investir en commun.