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« En bio, nous visons des vaches à 7 000 litres en système autonome »

Le Gaec le château, en Ille-et-Vilaine, parvient à de bons niveaux de production en bio en misant sur un système fourrager diversifié : optimisation du pâturage, fauches de qualité, maïs ensilage et production de concentrés fermiers.

« Notre objectif est de produire entre 620 000 et 650 000 litres de lait par an, ce qui correspond à ce que nos terres permettent de produire », plantent Agnès et Sébastien Bouvet, installés sur une exploitation bio spécialisée de 128 hectares de SAU comptant 90 vaches et une salariée à temps plein. Soit quelque 7 200 litres par vache, 320 000 litres par UMO exploitant et 5 000 litres par hectare.

« Ces niveaux de production de lait bio sont atteints à l’aide d’une bonne qualité des fourrages et d’un bon suivi du troupeau », estime Juliette Perigault, conseillère Eilyps. La marge sur coût alimentaire atteint en moyenne annuelle 8 euros par vache et par jour. En plus de la bonne productivité laitière en bio, les coûts alimentaires sont maîtrisés.

Fiche élevage

Gaec le château

3 UMO dont 1 salariée à temps plein

630 000 à 650 000 litres de lait produits

90 vaches à 7 200 kg/VL/an, 43 de TB et 32 de TP

128 ha de SAU dont environ 100 ha de prairies. Le reste est cultivé en maïs ensilage, maïs grain humide et méteil grain

Un système diversifié sur trois sites

Les éleveurs sont très autonomes en alimentation : seul le concentré des génisses est acheté. Et quand l’année fourragère est compliquée, du foin pour les génisses et du concentré pour les laitières. « Nous recherchons le meilleur compromis entre autonomie, résultat économique et temps de travail », exposent Agnès et Sébastien Bouvet qui font face à une importante contrainte : travailler sur trois sites. Le site principal abrite les laitières et les veaux. Un site à 3 km est dédié aux prairies de fauche et aux cultures de maïs et de méteil grain. Un troisième site de 50 hectares, à 15 km, accueille les génisses de 6 à 23 mois.

« Beaucoup de choix sont liés à cette configuration. C’est notamment ce qui explique que nous sommes sur un système fourrager diversifié avec du pâturage, un peu d’affouragement en vert, de l’herbe conservée, du méteil ensilage, du maïs ensilage et du concentré fermier. Et que nous travaillons beaucoup en Cuma, avec une délégation de bon nombre de travaux : distribution de l’alimentation, moisson, récolte d’ensilage… »

Un maximum de pâturage tournant dynamique

La base du système repose sur l’herbe et notamment le pâturage. Avec l’appui de leurs groupes (Ceta 35 et Agrobio 35), Agnès et Sébastien ont fait évoluer leurs mélanges prairiaux face au changement climatique. « Nous semons une base de ray-grass anglais et de trèfle blanc, de la fétuque élevée pour résister aux étés chauds et secs, et dans les plus récentes, nous mettons du plantain, du trèfle violet pour les premières années d’exploitation, et de la fléole dans les parcelles plus humides. »

Pour valoriser au mieux l’herbe, les génisses sont conduites en pâturage tournant et les vaches laitières en pâturage tournant dynamique. Sur le site principal, entre 75 et 85 vaches traites pâturent 32 hectares de prairies temporaires accessibles, découpés en 35 paddocks. « Elles ne vont jamais plus de deux fois de suite dans un même paddock, sachant que nous avons des parcelles de nuit, proches du bloc traite. »

Pâturer en toute saison sans abîmer la prairie

Les éleveurs font pâturer tout l’hiver quand c’est possible, « même si ce n’est qu’une heure ou deux pour ne pas abîmer la prairie. Cela représente environ 1 kg MS d’herbe, qui est de très bonne qualité ».

De mi-avril à mi-juin, le pâturage est le plat unique des laitières, avec juste un peu de foin pour ralentir le transit. Les paddocks sont découpés en deux par un fil, pour limiter les refus et avoir une nouvelle surface à pâturer à chaque repas. Un topping est réalisé en fin de printemps, pour gérer les refus et contenir les adventices.

L’été, quand il fait très chaud et sec, les vaches ne sortent que la nuit, voire pas du tout s’il faut laisser les prairies se reposer. « Je délègue alors un peu d’affouragement en vert sur le site à 3 km. C’est comme un concentré pour les laitières ! »

Avec leur gestion de l’herbe, les éleveurs gardent souvent des prairies plus de cinq ans, « encore belles, avec du trèfle ».

Des coupes d’herbe de qualité

Une prairie de fauche, mélange prairial avec des légumineuses
Les prairies de fauche affichent en moyenne plus de 7 t MS/ha en trois coupes. En bonnes conditions, l'ensilage d'herbe ressort à 162 g/kg de MAT. © C. Pruilh

Les prairies de fauche sont composées de ray-grass hybride (RGH), de RGA, de luzerne ou de trèfle violet, de trèfle blanc géant et parfois du trèfle hybride et de la fétuque élevée. « Les fauches sont précoces pour aller chercher un maximum de MAT dans l’ensilage d’herbe, pour réduire le besoin en concentrés azotés », souligne Juliette Perrigault. Il n’y a pas d’apport de lisier la première année pour ne pas défavoriser le trèfle et la luzerne. Par contre, il y en a les années suivantes.

Pour assurer une bonne qualité, Sébastien soigne aussi le chantier de récolte et d’ensilage. « Un des rares matériels que nous avons en propre est une faucheuse. Parce que nous avons beaucoup d’herbe à faucher. Aussi parce que je tiens à le faire moi-même, quand je l’ai décidé. Je suis très pointilleux, notamment sur la hauteur de coupe, pour limiter le risque d’amener de la terre dans le fourrage, faciliter le séchage et permettre de meilleures repousses. »

Éviter la terre et bien tasser

Il n’y a pas de fanage, pour ne pas amener de la terre dans le fourrage. « Et pour ne pas prendre le risque que le fourrage sèche trop. Notre objectif est une récolte à 35 % de matière sèche maximum. » Pour assurer la conservation, Sébastien tasse lui-même soigneusement ses silos.

Les éleveurs ont un petit silo où sont mises les meilleures coupes. « J’évalue à l’œil la qualité du mélange, en fonction du stade des plantes et du taux de trèfle », précise Sébastien. Cet ensilage est donné aux laitières en janvier, pour soutenir la production qui décroche ce mois-là. Cela vaut le coup, car le prix du lait est élevé en hiver chez Agrial - environ 500 €/1 000 l de prix de base en bio en décembre 2023 et janvier 2024.

Plus de fourrage avec les couverts d’orge ou de méteil

Depuis trois ans, toutes les prairies sont semées sous couvert d’orge ou de méteil, pour décaler le semis des prairies et éviter les sécheresses de fin d’été, exploiter la prairie plus précocement qu’une prairie implantée seule, limiter le salissement grâce au couvert et récolter une belle première coupe de méteil qui sécurise les stocks fourragers.

Le semis de printemps sous couvert d’orge est réalisé dans les rotations avec prairies de fauche, après un maïs grain humide. L’orge sera ensilée ou moissonnée, selon les besoins de l’élevage et le développement de la prairie. « Cette année, le trèfle est aussi haut que l’orge, nous enrubannons donc l’orge avec la prairie. Plus fibreux qu’une parcelle de prairie et de méteil, il sera donné aux génisses. »

Le semis d’automne sous couvert de méteil est réalisé dans le parcellaire accessible par les animaux, après un maïs ensilage. Le méteil est composé de 50 kg de semence fermière triticale et féverole, avec parfois de l’avoine en plus. Pour assurer la valeur azotée au mélange, s’y ajoutent 10 kg de vesce velue, 8 kg de trèfle squarosum (pour son implantation rapide et sa production au printemps) et 2 kg de trèfle de Micheli pour sa résistance aux hivers humides. L’objectif est de récolter tôt, vers la mi-avril, pour obtenir une bonne valeur alimentaire du méteil et pour laisser au trèfle de la lumière et donc toutes ses chances de développement.

Chiffres clés

Les rations des vaches laitières

Sur l’année, le pâturage représente 39 % des fourrages consommés par les vaches laitières ; l’ensilage d’herbe et de méteil 42 % et l’ensilage de maïs 19 %.

• Au printemps : pâturage en plat unique

• En été : pâturage, maïs ensilage, affouragement en vert et 1 à 1,5 kg de concentré fermier après la moisson du méteil pour tenir les taux butyreux et protéique du lait durant l'été.

• En hiver : 10 kg MS d’ensilage d’herbe et de méteil par vache, 5 kg MS d’ensilage de maïs, du pâturage, 2 à 3 kg de concentré fermier (farine de méteil grain avec triticale et féverole) ou 1,5 à 2 kg de maïs grain humide

« Nous achetons parfois du concentré en plus de notre concentré fermier »

Pour produire leur concentré, les éleveurs sèment une association de 100 kg de triticale et 100 kg de féverole. Transformé en farine, ce concentré est mélangé à la ration de base des vaches, par souci de simplification du travail.

un méteil triticale et féverole qui sera à moissonner pour fabriquer un concentré fermier.
Le méteil grain souffre cette année à cause de la météo très humide. « Il y a beaucoup de maladie (botrytis) sur la féverole, ce qui va dégrader la valeur alimentaire de notre concentré. La prochaine fois, je mettrai du pois fourrager dans le mélange, pour réduire le risque de perte de protéine », précise l'éleveur. © C. Pruilh

Il arrive que le Gaec achète du concentré pour ne pas trop descendre en production laitière. « Quand l’ensilage d’herbe n’est pas de bonne qualité et qu’il n’y a plus de méteil grain, nous apportons de notre maïs grain humide et nous achetons du correcteur azoté. Vu son prix en bio, nous en mettons peu (800 g à 1 kg par vache) et uniquement durant les deux à trois mois d’hiver où il y a très peu de pâturage. S’il reste du méteil grain, nous achetons du concentré du commerce que nous apportons jusqu’à 1,5 kg. »

Réduire le nombre de génisses à élever

Le nombre de génisses élevées par an est passé de 25 - 30 à 20 - 25. Cette évolution poursuit plusieurs objectifs : « réduire le besoin en alimentation pour sécuriser notre système d’alimentation autonome et de qualité, réduire le temps de travail, limiter la place et la paille nécessaire en bâtiment, et réduire le coût ».

Pour ce faire, les éleveurs ont abaissé l’âge au premier vêlage à 25-26 mois. Pour pouvoir inséminer précocement, les éleveurs pratiquent un pâturage tournant pour les génisses. Quand l’herbe paturée ne suffit pas en plat unique, la ration comporte de l’ensilage d’herbe, du maïs grain humide fermier et un peu de concentré acheté. En gardant moins de génisses de renouvellement, ils conserveront plus longtemps leurs vaches : ces trois dernières années, le troupeau affichait 3,7 lactations en moyenne à la réforme, dans la moyenne de leur groupe bio.

Valoriser au mieux l’herbe et veiller au temps de travail malgré un site éloigné

Sur le site à 15 km avec 30 ha de prairies, « notre objectif est de pouvoir valoriser l’herbe au maximum par le pâturage, sans que cela demande d’y passer trop de temps », résument Agnès et Sébastien Bouvet. Ils ont fait le choix d’y mettre le plus de génisses possibles : celles de 6 à 23 mois. Elles sont conduites en deux lots : un avec les plus jeunes et un autre avec les femelles prêtes à être inséminées, qui sont élevées avec un taureau limousin. « Ainsi, la repro se fait toute seule. »

Aussi, pour le renouvellement, « nous réalisons les inséminations artificielles sur les vaches et quelques génisses qui restent sur le site principal en hiver, inséminées avec de la semence sexée. Les vaches sont échographiées. Une fois le renouvellement assuré, nous faisons une IA viande sur le reste des vaches pour vendre des veaux croisés ».

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