Des pistes pour conforter le revenu des élevages bovins viande
Autosuffisance alimentaire, valorisation du produit, productivité numérique, part de l’herbe pâturée dans l’alimentation, coûts de production contenus… Une enquête réalisée par Seenovia auprès de ses adhérents rappelle certaines des données clés pour dégager du revenu en système allaitant.
Autosuffisance alimentaire, valorisation du produit, productivité numérique, part de l’herbe pâturée dans l’alimentation, coûts de production contenus… Une enquête réalisée par Seenovia auprès de ses adhérents rappelle certaines des données clés pour dégager du revenu en système allaitant.
Au sommaire de ce dossier
Le contexte économique et les évolutions du climat compliquent la situation pour les élevages spécialisés dans la production de viande bovine. Malgré les difficultés, certains élevages s’en sortent mieux que d’autres côté revenu. Quelles sont les pratiques les plus efficaces pour, dans le contexte tendu du moment, arriver à s’en sortir ? Quelles sont, au contraire, celles qui s’avèrent les plus pénalisantes ? Pour faire la part des choses et favoriser la réflexion parmi ses adhérents, Seenovia, entreprise de conseils en élevage présente dans trois départements des Pays de la Loire a réalisé une étude sur 140 élevages en suivi de sa zone d’activité.
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En complément d’une étude sur les coûts de production en Pays de la Loire avec Bovins croissance et les chambres d’agriculture, ce travail a été réalisé pour les campagnes 2019-2020 en travaillant pour cette analyse à partir des coûts de production et des diagnostics technico-économiques. « Le contexte sanitaire de ces derniers mois fait qu’il n’a pas encore été possible de présenter très largement ce travail », précise Kévin Gérard-Dubord, en charge de cette étude pour Seenovia.
Croiser les données techniques et économiques
Les élevages dont les données ont été analysées ont été répartis en trois grandes catégories selon leur orientation de production : les systèmes naisseurs engraisseurs (61 élevages) finissant la totalité des bovins nés sur l’exploitation avec pour les mâles une production de taurillons, les systèmes naisseurs (57 élevages) pour lesquels seules les femelles sont finies et les élevages en agriculture biologique (22 élevages) sans détailler pour ces derniers quelle est la proportion d’animaux finis et quelle catégorie.
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Quels que soient les critères pris en compte, le grand principe de cette étude a été d’établir des graphiques pour croiser les données techniques des élevages pris en compte en les recoupant avec les données économiques de chacune de ces exploitations. Par exemple, la relation entre le coût alimentaire (aliment acheté + appro des surfaces) aux 100 kg de viande vive et le revenu exprimé en nombre de Smic/UMO (graphique ci-joint). Cela a d’abord permis de mettre en évidence une grande diversité de situation, mais surtout de faire état des itinéraires techniques retenus par les élevages qui obtiennent les meilleurs résultats.
Autonomie alimentaire
« La recherche de la plus grande autonomie alimentaire possible est une donnée de base », souligne Kévin Gérard-Dubord. Pour faire simple, plus le coût alimentaire est élevé et plus la rémunération diminue. Et ce dernier de souligner l’importance de dimensionner le cheptel en fonction de ce qui est en mesure de pousser sur le parcellaire. « On insiste beaucoup sur la capacité des élevages à nourrir l’ensemble du troupeau toute l’année à partir de ce qui est produit sur l’exploitation. À quoi sert d’avoir un cheptel conséquent s’il faut acheter une part non négligeable de l’alimentation ou les rationner à des moments clés ? » Les meilleurs niveaux de rentabilité ont été mis en évidence dans les élevages où l’autonomie alimentaire est un des principaux fil conducteur côté conduite d’élevage. Et ce n’est pas la conjoncture du moment sur les céréales et les tourteaux qui va inverser cette situation ! C’est d’autant plus net en bio où c’est la capacité à produire des animaux suffisamment finis, donc mieux rémunérés qui fait la différence. Kévin Gérard-Dubord de mettre en garde sur le prix au kilo des animaux très haut de gamme niveau conformation. Ils peuvent donner l’impression d’être correctement valorisés mais attention aux durées de finition et au coût de la ration. « On peut finir des vaches U de 600 kg de carcasse autrement qu’avec 15 kg de concentré par jour pendant six à huit mois ! »
Herbe pâturée le plus longtemps possible
Cette étude a confirmé une nouvelle fois toute l’importance de maximiser la part de l’herbe pâturée dans la mesure où c’est l’aliment le moins onéreux. D’où l’importance d’avoir une bonne gestion de l’herbe pour allonger le plus possible la saison de pâturage en sortant les animaux tôt en saison et en les rentrant le plus tard possible, en utilisant par exemple la notion de « stocks sur pied » à faire pâturer en fin d’automne, au moins pour certains lots. « Plus les animaux pâturent longtemps et moins les stocks nécessaires pour faire passer l’hiver et la sécheresse de l’été devront être importants, diminuant d’autant les frais de récolte. »
L’analyse des coûts de mécanisation est également riche d’enseignements. « Le premier poste de charges c’est la mécanisation et le premier poste de charges côté mécanisation c’est la traction. On a analysé le nombre d’heures passées sur les tracteurs. On s’est rendu compte que les élevages les mieux placés font dans l’année moins de 7 heures de tracteur par hectare de SAU. Et ceci, que les tracteurs utilisés soient en propriété, copropriété ou Cuma. » Ce chiffre varie parfois du simple au triple et les exploitations les mieux positionnées sont sans surprise celles pour lesquels les animaux pâturent le plus longtemps possible. « On revient à la problématique de départ. Le nerf de la guerre c’est bien la durée du pâturage. »
Attention aussi à l’usage des télescopiques et des mélangeuses en pleine propriété. Ces équipements sont-ils toujours bien justifiés ? Le recours à du matériel en Cuma ou à une ETA ne serait-il pas préférable dans bien des cas ? « La surmécanisation coûte cher. Pour autant nous n’avons pas trouvé de lien entre le prix du matériel et le coût de son entretien. Ce n’est pas parce que les équipements sont récents que leur entretien est forcément moins onéreux. La moindre révision ou panne sur du gros matériel bardé d’électronique est hors de prix pour nos éleveurs de bovins viande. Et la facture monte très vite ! »
Mieux valoriser les kilos produits
Une analyse a également été menée sur les prix auxquels ont été vendus les animaux sans pour autant faire le détail des chiffres selon les races et les principales catégories. C’est davantage le prix moyen des kilos vifs vendus selon les élevages enquêtés qui a été pris en compte. Les kilos de bovins les mieux valorisés se retrouvent sans grande surprise chez les éleveurs adeptes des circuits courts, qu’il s’agisse de vente directe, de bio ou de vente à des bouchers ou certaines GMS. En revanche, l’enquête n’a pas cherché à mettre en évidence si telle ou telle OP ou intervenant du négoce privé permettait d’obtenir une meilleure rémunération.
Il est prochainement prévu de compléter ce travail par une analyse sur les bilans carbone qui seront réalisés sur les élevages des adhérents de Seenovia. Des éléments laissent à penser que bien des exploitations, d’ores et déjà les plus efficientes sur le plan économique, le seront aussi pour leur bilan carbone avec, là encore, le rôle clé joué par l’herbe pâturée !
Travailler en groupe pour progresser
Il ne sert à rien d’accumuler des données si elles restent dans un placard. Les chiffres sont faits pour être commentés en groupe pour comparer ses données, les analyser et progresser.
Les discussions entre éleveurs sont toujours enrichissantes et instructives. À partir de ces données chiffrées, un des objectifs de Seenovia est d’étoffer les 12 groupes d’éleveurs en place pour leur permettre de faire état de leurs chiffres respectifs et échanger sur leurs pratiques pour voir si ce qui a un impact économique favorable sur un élevage ne peut pas être transposé dans d’autres. « Sur ma zone d’activité en Loire-Atlantique, c’est mon groupe de Jeunes agriculteurs qui obtient globalement les meilleurs niveaux de rémunération. Ils acceptent de remettre en cause certaines de leurs pratiques. Ce sont d’abord des gestionnaires. Ils pèsent, calculent, mesurent, comparent, analysent puis décident », souligne Kévin Gérard-Dubord, chargé de l’étude pour Seenovia. Dans ce groupe de jeunes éleveurs, l’objectif est de maximiser la durée du pâturage. Pour cela, ils ont opté sur la mise en place de clôtures sur la quasi-totalité de leur parcellaire quitte à redéfinir la position de certaines d’entre elles pour faciliter la rotation des lots et améliorer l’accès aux points d’abreuvement. Très souvent cela s’est traduit par des animaux qui restent plus longtemps à l’herbe en particulier en fin d’automne, voire en hiver. L’autre évolution notoire favorisée par cette meilleure utilisation de l’herbe, c’est le développement de la finition en pâture, le moindre recours au nourrisseur et la tendance à reculer l’âge du sevrage pour que les broutards puissent réaliser un maximum de croissance avec seulement de l’herbe et du lait.
F. A.
Limiter les durées de vie improductives
Parmi les nombreux chiffres techniques relatifs à la conduite du troupeau, Seenovia indique dans ses récapitulatifs fournis aux éleveurs pour leurs élevages quel est, en nombre de jours pour les vaches de boucherie, l’écart entre la date du dernier vêlage et celle de l’abattage. Cette durée s’avère particulièrement instructive. Ce chiffre traduit la volonté de détecter précocement les vaches vides de façon à réduire le plus possible leur durée de vie improductive en finissant par exemple un maximum de femelles alors qu’elles sont encore suitées. « C’est un indicateur qui nous a permis de lever pas mal de lièvres ! Et de mettre en avant de réels écarts entre élevages. » Un chiffre à analyser toutefois avec un certain recul dans la mesure où les femelles de certaines races sont plus longues à finir que d’autres.