Des analyses de sol plus rapides bientôt disponibles pour l'agriculture française grâce à l'infrarouge
Largement utilisée en Belgique et opérationnelle en France à partir de 2020, l’application aux analyses de sol de la spectrométrie proche infrarouge permet d’obtenir des résultats en quelques minutes. Mais pas sur tous les éléments du sol. Le point.
La spectrométrie proche infrarouge (Spir) trouve diverses applications en agriculture, dont la mesure instantanée du taux de protéines des grains à la récolte. L’analyse de sol n’échappe pas à cette technique. Elle est en cours de test en France et elle est utilisée en routine dans la région wallone de Belgique. « Nous avons démarré la mise en œuvre de la Spir en 2011. La technique permet d’analyser les taux de carbone organique, d’azote total, d’argile, de carbonates et la CEC, capacité d’échange cationique. Pour d’autres éléments fertilisants comme le phosphore, le potassium… et pour le pH, la technique ne fonctionne pas, présente Valérie Genot, responsable du laboratoire de Tinlot, dans la province de Liège. Tous les laboratoires du réseau public Requasud des différentes provinces de Wallonie utilisent la Spir pour les analyses de sol. »
Où réside l’intérêt de la Spir par rapport à des analyses conventionnelles en laboratoire ? « Cette technique rend abordable en termes de coût les résultats de CEC, de taux d’argile et d’azote pour l’agriculteur. Précédemment, ces mesures ne figuraient pas dans l’offre de base des analyses de sol. Si le producteur les souhaitait, cela faisait grimper de manière significative le prix de l’analyse. D’ailleurs, la CEC qui est très utile pour apporter des conseils pertinents en matière de fertilisation, n’était demandée qu’une fois pour 1000 en 2010 », explique Valérie Genot. En Wallonie, un agriculteur peut dorénavant disposer d’une analyse physico-chimique complète de son sol pour 10 à 15 euros avec les mesures de fertilité, le pH, les taux d’argile et d’humus…
Gain de temps et économie d’extractifs chimiques
De son laboratoire, Valérie Genot voit un autre intérêt majeur à l’utilisation de la Spir : le gain de temps. « Une mesure de CEC pour 100 échantillons de sol prend une journée de travail. Avec la Spir nous n’avons besoin que de deux heures avec la mesure de tous les paramètres d’un coup. En outre, on s’affranchit des extractifs nocifs et coûteux employés pour les analyses conventionnelles. »
Un service de précision avec quatre analyses par hectare
« Sur les éléments pour laquelle la Spir est fiable (taux d’argile, de carbone, d’azote, de carbonate de calcium et de CEC), l’idée est d’avoir des résultats rapides pour apporter une information quasi instantanée de la variabilité intraparcellaire sur certains éléments (argile, calcaire, matière organique). » Il suffit de deux minutes pour les mesures par la Spir. Pour le responsable d’Auréa, cette rapidité pourra permettre de multiplier les mesures sur le terrain et gagner en précision d’analyse pour rendre bien compte de la fertilité d’une parcelle. « Aujourd’hui, nous avons souvent une analyse pour l’équivalent de 10 hectares demandée par les agriculteurs, ce qui est très imprécis sur la représentativité de la parcelle. Nous allons proposer un service, Spirit Sol +, dans une démarche d’agriculture de précision, avec quatre analyses de sol (infrarouge + laboratoire) par hectare au lieu d’une analyse par parcelle, présente Hubert Roebroeck. Nous apporterons alors une carte très détaillée des teneurs du sol pour permettre la modulation intraparcellaire des apports en phosphore, potassium et magnésium. » Mais pour ces éléments P, K, Mg ainsi que pour d’autres informations du sol comme le pH, il faudra attendre les analyses en laboratoire, à savoir une dizaine de jours.
Les analyses vont-elles augmenter en coût ? « Nous n’allons pas vers une diminution du prix des analyses avec notre service. Mais avec quatre analyses par hectare cela ne coûtera pas quarante fois plus cher qu’une analyse pour 10 hectares », argumente Hubert Roebroeck tout en mettant en avant le gain de précision. Le service sera facturé à 150 euros/hectare, contre 90-100 euros pour une analyse complète conventionnelle en laboratoire pour une parcelle avec prélèvement de sol. Proposé via des distributeurs, le service sera mis en route à partir de l’été 2020.
Une base de données à la base de tout
Le recours à la Spir pour analyser ses sols ne s’est pas fait du jour au lendemain. Il a fallu d’abord établir une base de données qui a pris de nombreuses années et qui est toujours en cours d’enrichissement. Le rayonnement infrarouge appliqué sur un sol donne une empreinte spectrale qu’il faut relier à la teneur des éléments du sol, analysée selon les procédures standards. Ainsi, en Wallonie, une base de données a été constituée reprenant des milliers de couples spectre – valeur de référence, et représentant la diversité des sols wallons. Quand une analyse de sol est effectuée par la Spir, on recherche dans la base de données le spectre le plus proche pour en tirer les résultats fiables.