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De nouveaux outils pour estimer le risque de maladies dans les vignes

Plusieurs solutions pour la détection précoce des maladies, mildiou en tête, font leur apparition. Ces outils permettent de mieux appréhender les épidémies mais doivent encore faire leur place dans les règles de décision sur le terrain.

Doucement, mais sûrement, de nouvelles technologies arrivent pour épauler les viticulteurs dans la lutte phytosanitaire. La preuve cette année avec l’arrivée dans le commerce du capteur embarqué développé par Greenshield pour détecter l’installation du mildiou (l’entreprise est en liquidation judiciaire depuis le 27 mars, mais les activités ont de grandes chances d'être reprises) ou encore le service d’analyse du risque épidémique grâce aux capteurs de spores de DAC ADN. Des évolutions bienvenues, après des millésimes comme 2023 ou 2024. « Cela fait six ans que nous éprouvons le modèle mildiou, relate Antonin Douillet, cofondateur et directeur technique de la société DAC ADN. L’an dernier nous avons détecté 100 % des infections épidémiques, avec moins de 20 % de faux départs. Le suivi de la sporée aérienne permet de mieux prévoir les épidémies. »

Aussi le moment est venu pour l’entreprise de lancer une offre commerciale directement à destination des viticulteurs. Il s’agit d’un outil donnant le niveau de risque mildiou, avec un indicateur de 0 à 4, qui combine les données de sporée contextualisées avec les données météo, l’état sanitaire et le stade phénologique des vignes. Les viticulteurs du Gard et du Vaucluse pourront bénéficier d’un simple abonnement pour l’accès à l’application, qui intégrera les données du réseau de stations gérées localement par l’entreprise. Ailleurs, l’offre se compose pour l’heure de la location du dispositif de captation des spores ainsi que d’un forfait d’analyses par qPCR. Les stations nécessitent un relevé manuel périodique, qui peut être réalisé par un viticulteur, un technicien (du distributeur, de la coopérative, de l’interprofession…) ou bien délégué à l’entreprise. Les échantillons ainsi collectés doivent ensuite être envoyés au laboratoire.

Réduire l’utilisation de phytos et éviter les pertes de rendement

Pour les viticulteurs des deux départements actuellement couverts par le réseau de DAC ADN, l’abonnement revient à environ 600 euros par an. La location du dispositif, elle, revient à 1900 euros par an, 2 500 dans le cas où les relevés sont laissés à la charge de la jeune entreprise. « L’indicateur donné par la sporée est particulièrement intéressant pour le positionnement du premier traitement et au moment d’arrêter la protection en fin de saison, estime Antonin Douillet. Cet outil supplémentaire devrait aider les viticulteurs à ne pas se faire piéger par la maladie, ou bien à éviter des applications si la pression est faible. » DAC ADN travaille sur un modèle similaire pour l’oïdium ainsi que le black-rot, et espère les intégrer dès 2026. De même, l’entreprise devrait créer des interfaces afin d’utiliser les données de sa propre station météo dans le modèle. « Nous prévoyons également de construire des règles de décision pour aller jusqu’aux recommandations de traitement », informe le directeur technique.

Avant de se placer en liquidation, l’entreprise Greenshield était entrée en phase de commercialisation du Vinemapper, un capteur embarqué qui analyse la vigne par imagerie dans le spectre visible et permet, entre autres, de détecter la moindre apparition de tache d’huile de mildiou. Lors d’un passage de tracteur pour un quelconque travail, le système capte les images, de jour comme de nuit, et les traite en temps réel pour cartographier les symptômes de mildiou à l’échelle de la parcelle et de l’exploitation. « Cela permet de mieux comprendre le phénomène épidémique, avance Simon Blanchard, responsable viticulture durable et innovation chez Greenshield. Le but n’est pas de remplacer l’humain, mais d’épauler le chef de culture, qui n’a pas forcément le temps de faire de tour de toutes les parcelles quand il contrôle l’état sanitaire. »

Dans des grands vignobles, ou ceux au parcellaire éclaté, il devient beaucoup plus facile de détecter les premiers départs de la maladie, ou bien de repérer le décrochage d’une stratégie phyto alternative, par exemple. D’un point de vue tarifaire, il faut compter pour cette solution un abonnement d’environ 800 euros HT pour l’utilisation du système d’exploitation et l’application qui va avec. Coût auquel il faut ajouter celui du système de captation des images, proposé à la location pour 3 000 euros HT par an ou bien 15 000 euros à l’achat.

Un système qui génère une carte de modulation de dose pour la pulvérisation

Cette offre s’ajoute à une autre déjà existante, proposée par l’entreprise Chouette depuis 2023. De la même manière que le Vinemapper, les caméras de Chouette, à placer sur le tracteur, font de la proxidétection et de l’analyse d’image grâce à un modèle mathématique qui les traite au fur et à mesure. « On détecte des taches de mildiou d’un demi-centimètre, assure Martin de Reynal, responsable marketing de la firme. D’une part l’arpentage est systématique, mais en plus il n’y a aucun biais cognitif. »

Puisque 100 % du vignoble est couvert, il est possible d’observer l’évolution des foyers et d’analyser le comportement de la maladie en dynamique. Le viticulteur reçoit une alerte par e-mail en cas de détection, ainsi qu’un bulletin mensuel comprenant diverses informations comme l’évolution effective du mildiou et la croissance de la vigne. Il peut les consulter à tout moment sur la plateforme en ligne. « Nous avons par exemple eu un client l’an dernier qui a reçu une alerte lors d’un passage de tracteur alors qu’il n’avait pas encore vu les premières taches lors de ses observations, illustre le responsable marketing. La notification est arrivée le jeudi, il a traité le vendredi. C’est un filet de sécurité qui permet de ne pas se faire surprendre. » Les données permettent également, pour ceux qui seraient équipés d’un pulvérisateur adéquat, de générer une carte de modulation de dose.

L’offre de Chouette comprend le matériel (2 à 5 caméras) et le service (accès au serveur et analyse des données). Les deux options que sont l’achat ou la location sont possibles, et reviennent, selon le nombre d’hectares, à un prix compris entre 200 et 400 euros par hectare et par an. Ce tarif englobe également quatre autres services, au-delà de la détection du mildiou : le relevé des pieds manquants, le compte rendu de la croissance foliaire, le repérage des ceps dépérissant et la cartographie de la vigueur par NDVI (1). « C’est le grand avantage des capteurs embarqués, argue Simon Blanchard. Ils s’inscrivent dans l’itinéraire global de production. Ils sont placés sur des machines qui vont quoi qu’il en soit tourner dans les parcelles et apporter de l’information tout au long de l’année. » Greenshield imagine déjà les applications futures pour ses capteurs, comme la détection de l’oïdium, du black-rot, de la flavescence dorée, des carences ou encore le comptage des grappes à des fins d’estimation de rendement.

Le modèle économique n’est pas encore pleinement identifié

Pour Éric Chantelot, référent phytosanitaire à l’IFV, il faut toutefois rester prudent et faire attention à ne pas tomber dans le gadget. « Toutes ces technologies commencent à être au point, il n’y a pas grand-chose à dire là-dessus, analyse-t-il. Mais il faut se poser la question de ce que l’on va faire avec ces infos. Est-ce que les outils qui sont en train d’être créés vont être pertinents ? Si oui, à quelle échelle, celle du vigneron, du territoire ? » Une tempérance partagée par son collègue Laurent Benoît, en charge du réseau de suivi de la sporée aérienne à Bordeaux. « Je suis convaincu que la détection des spores confère un avantage, pose-t-il. Quand nous l’intégrons dans nos règles de décision nous arrivons toujours à traiter moins, ou lors de millésimes compliqués, à traiter autant mais sans perte de récolte. Reste que nous n’avons pas encore véritablement d’idée du maillage à adopter pour les capteurs. Une nouvelle thèse va être lancée pour étudier la dispersion du mildiou. »

Il s’interroge également sur le modèle économique. Quand on sait que des stations autonomes avec capteur et intelligence artificielle peuvent coûter jusqu’à 12 000 euros, on peut se poser la question de leur déploiement. Et surtout celle du rapport entre le bénéfice que cela peut apporter dans la précision de la lutte phytosanitaire et le coût que cela peut engendrer.

Il devient urgent de répondre à ces questions afin d’exploiter au mieux le potentiel de ces solutions. Car, d’une part, la gestion des bioagresseurs devient toujours plus complexe avec le changement climatique et le contexte réglementaire, et, d’autre part, de nombreux autres acteurs sont en plein développement. À l’instar de l’entreprise suisse Vivent Biosignals qui, grâce à des capteurs de signaux électriques installés sur le végétal, est déjà capable de prédire le stress hydrique et travaille sur la détection précoce du mildiou. « Nous avons d’ores et déjà identifié un signal de réponse de la vigne à une attaque de ce pathogène, et cela avant même que les symptômes n’apparaissent, assure Carrol Plummer, directrice de la jeune entreprise. Nous allons valider ce modèle au champ cet été et devrions proposer ce service à nos clients rapidement pour les aider à traiter au bon moment. » Preuve s’il en est que l’univers de ses solutions s’élargit à vitesse grand V.

(1) Indice de végétation par différence normalisée

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