Un élevage mixte, équipé et presque bio
Au Gaec de Saint Goal, Emmanuel et Cathy Dousselin élèvent leurs chèvres dans le Morbihan, entre vente directe et laiterie.
Lors de leur installation à Pluvigner dans le Morbihan en 1998, Emmanuel et Cathy Dousselin n’avaient que 35 chèvres, dont ils transformaient tout le lait et vendaient uniquement en direct. Le Gaec de Saint Goal compte, vingt et un ans plus tard, 250 chèvres, permettant au couple de chevriers d’embaucher deux salariées. La vente directe reste leur canal principal de commercialisation mais pour sécuriser leurs revenus et avoir une plus grande souplesse en transformation, ils ont décidé en 2003 de livrer une partie de leur lait à la coopérative Colarena, devenue depuis une branche d’Agrial. Sur les 130 000 litres de lait produits en 2018, seuls 30 000 ont été livrés. « La laiterie a accepté de ne collecter que ce volume, c’est une aubaine pour nous, explique Emmanuel Dousselin. Agrial est très demandeur de lait sur le secteur. » Les fromages produits sur l’exploitation sont livrés dans les grandes surfaces environnantes, la ferme bénéficie de fait des bassins de population de Vannes et Lorient et du tourisme estival.
Passage en bio, retour en conventionnel
Emmanuel et Cathy Dousselin sont sensibles au concept de l’agriculture biologique et conduisent donc leur troupeau en cohérence avec leurs principes. En 2009, ils passent le cap et se convertissent au bio, grâce notamment à l’acquisition de 18 hectares supplémentaires. « Nous n’avions pas d’espoir de débouchés commerciaux supplémentaires avec notre labellisation bio, rappelle l’éleveur. Ce choix n’était motivé que par notre conviction personnelle. » Le passage en bio a occasionné une baisse de production laitière, le Gaec a donc arrêté pendant quelque temps de livrer Agrial. « C’est à cette période que le cours du lait de chèvre s’est effondré, se remémore Emmanuel Dousselin. En un sens, le passage au bio nous a au moins permis de passer la crise sans trop de casse au niveau économique. » Mais le bio n’est pas de tout repos pour le couple qui voit la production par chèvre chuter fortement, passant de 750 kg de lait en moyenne par an à tout juste 550. Les surfaces de pâturage autour de la ferme n’étaient pas suffisantes pour une conduite en bio et l'état des chèvres s'est dégradé, notamment à cause d’une très forte pression parasitaire. « Nous avons galéré pendant trois ans pour essayer de revenir à une situation sanitaire correcte. Quand nous avons commencé à sortir la tête hors de l’eau, nous avons décidé de repasser au conventionnel. »
Des chèvres soignées aux huiles essentielles
La conduite reste malgré tout proche du bio, avec l’utilisation d’aromathérapie et de phytothérapie. Armés d’un livre sur les huiles essentielles(1) et forts d’une formation l’an passé, Cathy et Claire, leurs salariées, traitent leurs chèvres en utilisant des synergies entre huiles essentielles pour contrer les parasites (clou de girofle, cannelle de Chine, origan, thym, bois de hô et boldo). « Nous les utilisons aussi pour lutter la pasteurellose et la coccidiose des chevrettes, pour soigner des plaies, pour les difficultés de mises bas, les boiteries, etc. », renchérit Emmanuel Dousselin. Les chevrettes disposent également d’une pierre à lécher complétée d’argile pour éviter les diarrhées et l’ecthyma. Les abcès caséeux sont traités par homéopathie et en prévention des problèmes respiratoires, des huiles essentielles sont pulvérisées sur la litière en nurserie.
Un roto pour fluidifier la traite
Les nouvelles technologies et l’informatique n’ont pas de secret pour Emmanuel qui reconnaît être « assez geek ». C’est pourquoi au fil du temps, le Gaec Saint Goal s’est doté d’équipements connectés. Emmanuel a développé ses propres applications en réseau accessibles de l’exploitation, du bureau ou de la fromagerie. Elles permettent de suivre et analyser la production laitière au quotidien et d’assurer la traçabilité et les enregistrements en fromagerie. En 2017, les chevriers investissent dans un roto de traite avec 20 places. « C’était un fantasme que j’avais depuis toujours, s’amuse Emmanuel Dousselin. Je voulais pouvoir suivre la production de chacune de mes chèvres et avoir des alertes en cas de problème. » Le roto apporte un véritable confort de travail. Les 250 chèvres sont traites en une heure et demie et les mouvements d’animaux sont fluides. Cependant, Emmanuel Dousselin se dit très mécontent de son installation. Depuis l’installation du roto, les taux de cellules se sont envolés, dépassant régulièrement les 2,5 millions par ml et la fréquence des mammites a augmenté. Les livraisons à la laiterie sont systématiquement pénalisées. Et ce n’est pas tout, pour l’éleveur qui rêvait de suivre la production de chacune de ses chèvres, il s’est avéré qu’entre réalité et données enregistrées par le logiciel, il fallait appliquer une marge d’erreur de 30 à 40 %. Avec l’agrandissement du troupeau en 2017 et l’arrivée du roto, le Gaec a pu embaucher une salariée à plein temps pour s’occuper du troupeau. Celui-ci est alors passé de la monotraite toute l’année à la traite matin et soir. La différence de production entre les deux stratégies est de 15 %, ce qui n’est pas négligeable avec une transformation à la ferme et une valorisation du litre de lait autour de 2,38 euros.
La wifi dans toute la ferme
La chèvrerie est également dotée d’un chien électrique pour pousser les chèvres vers l’accès au roto, tout en libérant la sortie pour celles qui reviennent du roto. Enfin et grâce à une subvention de la MSA pour la prévention des risques du travail pour les salariés agricoles, le Gaec a acheté une brouette électrique Allicatt, valant normalement 6 000 euros. Elle permet de distribuer un seul aliment pour un gain de temps et d’effort non négligeable. Les fermiers ont aussi investi dans un valet de ferme articulé à bras télescopique, bien adapté à la petite taille de la chèvrerie. Comble de la connexion, Emmanuel Dousselin, qui a mis des points d’accès wifi dans tous les bâtiments, a tenu à créer un groupe de discussion sur l’application mobile WhatsApp, qui permet d’échanger rapidement des documents, des photos, des questions… « C’est important que les informations passent vite et bien sûr une exploitation, d’autant plus que nous sommes quatre à travailler », soutient l’éleveur.