Spécialisation laitière : l´Espagne caprine se restructure
Avec une production de 320 à 370 millions de litres de lait de chèvre collectés, l´Espagne bénéficie à la fois d´un marché national porteur et d´une demande à l´exportation, notamment en France qui tirent les prix du lait à la hausse.
L´Espagne est aujourd´hui le troisième producteur européen de lait de chèvre, derrière la Grèce et la France. Si on excepte le cas des îles Canaries, trois grandes zones caprines se distinguent en Espagne. Le Nord, de la corniche cantabrique aux Pyrénées Orientales, se caractérise par un élevage caprin viande en déclin. Le Centre-Ouest est un bassin mixte lait et viande alors que dans le Sud, de l´Andalousie au sud de Valence, l´orientation prédominante est laitière.
L´élevage caprin est très contrasté. Du très extensif sur pâturages pauvres, à la stabulation permanente, du producteur de viande caprine au laitier spécialisé, les élevages caprins qui coexistent actuellement témoignent de l´évolution des systèmes vers une spécialisation laitière et une plus forte intensification.
La spécialisation laitière s´affirme
Aujourd´hui, le modèle de développement est celui d´un producteur laitier spécialisé en semi plein-air, fournissant les grandes industries fromagères, en direct ou via une coopérative. Mais se maintiennent également des producteurs mixtes lait/viande, fournissant des filières courtes de production fromagère artisanale à forte valeur ajoutée, et se développent des éleveurs intensifs, notamment dans la région de Murcie.
Le principal axe de développement porte sur l´amélioration de la qualité du lait, qui contraint les éleveurs à investir dans une machine à traire et un tank à lait, et qui entraîne la disparition de ceux qui ne peuvent ou ne veulent investir. Par ailleurs, ces investissements incitent les éleveurs qui se maintiennent à accroître la rentabilité de leur exploitation, en augmentant progressivement les rendements.
Actuellement encore non généralisée, cette recherche de productivité amène les éleveurs à utiliser plus d´aliments achetés, à réduire la durée d´allaitement des chevreaux, à améliorer le niveau génétique de leur troupeau. Cette évolution forte et surtout très rapide des structures ne se ressent pas encore sur la production qui reste stable. Mais il existe un très fort potentiel de développement et certaines coopératives du sud de l´Espagne affirment même brider la production de leurs adhérents.
Cette relance de la production de lait de chèvre avait été amorcée au moment de la mise en place des quotas laitiers, ce qui, du fait d´une tradition de fabrication de fromage de mélange, a amené les entreprises fromagères à substituer le lait de chèvre au lait de vache qui leur manquait. Cette relance de la production a, dans un premier temps, été assurée par une augmentation des effectifs caprins. Mais, la mise en place des quotas de primes ovines et caprines en 1993 a stoppé cette croissance et entraîné une recherche d´une productivité accrue.
Répartition des chèvres laitières par provinces |
Fort potentiel de production
Peu à peu, la production espagnole est devenue excédentaire par rapport à la demande intérieure, mais a intéressé de plus en plus les marchés à l´exportation, notamment la France, pour du caillé ou du lait ultra-filtré. Les marchés depuis se sont structurés.
Parallèlement une production de fromage pur chèvre, visant en premier lieu le marché national, se fait jour et pilote aujourd´hui le développement de la production
espagnole.
L´élevage caprin espagnol souffre encore aujourd´hui d´un manque d´organisation commerciale et d´équipements (entrepôts, chèvreries, salles de traite et tanks de réfrigération). Mais peu à peu, en améliorant la gestion technique du troupeau et en travaillant sur les conditions sanitaires de la production, l´Espagne, principalement la moitié sud, connaît une augmentation de ses rendements qui pourrait rapidement entraîner un fort développement de la production. Le potentiel de production apparaît important.
Et, bien qu´il s´agisse d´abord de satisfaire une demande intérieure forte, l´Espagne peut encore accroître les volumes exportés, même si la prudence s´impose afin de ne pas déstabiliser un flux qui commence tout juste à se stabiliser.
Une progression des exportations
L´Espagne est, depuis le milieu des années 80, exportatrice de lait de chèvre et de caillé congelé. En 1987, le CFCE estimait que les volumes exportés s´élevaient à 17 millions de litres, soit 6 % de la collecte industrielle de lait de chèvre.
Depuis, les flux se sont fortement accrus avec une accélération importante en 1998 et 1999. Ce serait environ 40 millions de litres, soit 13 % de la production collectée, qui auraient été exportés en 1999, contre 25 millions l´année précédente.
Cette croissance s´est accompagnée d´une structuration des envois. Ceux-ci étaient au départ surtout le fait d´entrepreneurs privés, souvent extérieurs au secteur, et qui voyaient dans ce commerce une activité spéculative rémunératrice.
Peu à peu, quelques entreprises de collecte, coopératives ou privées, de capitaux français ou espagnols : Bongrain / Arias, Eurial Poitourraine / Fromendal, Lactalis / Caprina de Almeria, Forlasa, Garcia Baquero se sont attachées à structurer ces envois, facteurs de désorganisation de la filière, en établissant pour une partie des exportations des contrats annuels voire pluri-annuels avec les entreprises françaises importatrices. Ceci a contribué à une stabilisation des échanges entre la France et l´Espagne et a également débouché sur l´ouverture de nouveaux marchés, tels que l´Allemagne, pour du caillé, mais aussi des fromages de type fêta pur chèvre pour le marché turc. Mais il subsiste encore des exportations conjoncturelles, non organisées, qui échappent au contrôle de ces entreprises.
Ce débouché, qui offrait un prix plus élevé que les prix obtenus auprès des entreprises de transformation espagnoles pour la fabrication de fromage de mélange a fortement motivé la production. Aujourd´hui encore, dans certaines zones jusqu´à présent non caprines, une activité caprine se met en place pour fournir cette demande.
L´avantage de l´Espagne sur les marchés extérieurs est lié à un prix du lait moindre rapporté à sa qualité fromagère. En effet, le prix moyen payé au producteur espagnol en 1999 atteignait 2,87 F par litre, soit le prix de base français. Mais, rapporté à la matière utile, ce prix tombe à environ 3,3 centimes par gramme de matière utile en Espagne, contre 4,6 centimes par gramme en France. Cet écart, malgré les coûts de transformation et de transport du lait ultra-filtré ou du caillé congelé confère à l´Espagne un avantage concurrentiel certain par rapport au lait de chèvre français. Mais cet appel extérieur pour le lait espagnol, moins cher et de qualité fromagère en moyenne supérieure à la qualité des pays importateurs, entraîne un manque de lait pour le marché intérieur espagnol. Et aujourd´hui s´amorce un flux inverse, de fromage pur chèvre français vers l´Espagne, via les réseaux des partenaires espagnols des entreprises françaises. Mais les volumes concernés, difficilement quantifiables, restent très limités.
Extrait par la Rédaction d´une étude GEB - Institut de l´Elevage
Dossier Economie de l´élevage - Octobre 2000 - nº 295 "L´Espagne caprine en pleine restructuration - Une menace ?"
Chèvres de race Murciano-Granadina ©D.R. |
Le modèle de développement est celui d´un producteur laitier spécialisé de semi plein-air livrant son lait.