Les organisations de producteurs
S’organiser pour avoir plus de poids dans les négociations
La mise en place des organisations de producteurs devrait permettre aux éleveurs d’avoir plus de poids dans les négociations avec les entreprises. Mais ces organisations sont soumises à des règles précises.
Il y a plusieurs années, il avait été décidé au sein de l’Anicap, de rendre obligatoire la contractualisation entre producteurs et transformateurs par un accord interprofessionnel, et non par décret. Pour travailler sur ce dossier un groupe de travail interprofessionnel avait été mis en place. Les discussions ont abouti à deux accords interprofessionnels, sur la contractualisation et sur la diffusion d’indicateurs de conjoncture de la filière caprine, signés en 2016. L’organisation des producteurs (OP) étant, pour la Fnec, un préalable à la négociation des contrats, la fédération avait travaillé en 2015 sur un projet de décret OP caprin qui définit les règles que devront respecter ces OP lait de chèvre pour être agréés par les pouvoirs publics afin de pouvoir négocier volumes et prix conformément aux règles européennes de la concurrence. Le projet a été travaillé au sein du collège producteur de l’Anicap et proposé au ministère de l’Agriculture. Plusieurs réunions de travail ont eu lieu avec le ministère de l’Agriculture autour de ce décret et une consultation officielle a eu lieu auprès des syndicats représentatifs et des fédérations nationales concernées. Ce travail syndical a permis d’aboutir à un décret OP publié au Journal officiel le 9 février 2016, complété par un arrêté relatif aux taux de contrôles que l’OP doit mener auprès de ses membres et aux clauses minimales d’un mandat type.
Être crédible face aux entreprises
Ce décret a donc été élaboré à partir de celui qui existe en élevage bovin laitier mais avec l’ajout de critères particuliers comme l’obligation d’avoir au moins cinq producteurs et justifier d’au moins 0,15 équivalent temps plein. Ces ETP ne doivent pas forcément représenter un nouvel emploi, il a été négocié que cela puisse se faire sous la base du bénévolat des administrateurs. En effet, pour Sophie Espinosa, directrice de la Fnec, "pour des OP de 100 ou 200 producteurs, l’emploi d’un salarié pourrait représenter des charges trop importantes et l’objectif n’est pas de les pénaliser où d’effrayer mais plutôt de pousser à la création d’OP ; il s’agit donc d’être flexible ". Les OP doivent rassembler au moins la moitié des livreurs de la zone de livraison de la laiterie (50 % + 1 au minimal) afin de ne pas multiplier les organisations ou laisser la place aux clivages syndicaux. Avec plus de la moitié d’éleveurs, ces organisations seront donc crédibles face aux acheteurs de lait.
La création des OP ne va pas changer radicalement le paysage caprin
Cependant, les OP vont aussi permettre aux producteurs d’avoir accès aux données relatives à la qualité du lait, aux coûts de production des adhérents à l’OP, ce qui pourra leur permettre de réfléchir ensemble à des moyens d’améliorer leur production. La Fnec accompagne l’agrément de ces OP en mettant des documents à disposition et en aiguillant les organisations dans la construction des dossiers d’agrément pour le ministère. De plus, la fédération siège au groupe de travail du ministère qui examine les demandes d’agrément des OP. Cela lui permet d’appuyer les dossiers mais surtout de conseiller les organisations si le dossier a été refusé afin de rectifier le tir. Pour le moment, il n’y a pas de dossiers d’OP caprine à l’ordre du jour du prochain groupe de travail mais avec une réunion tous les trimestres, il est possible de voir apparaître des demandes d’agrément d’OP caprins prochainement. L’obtention d’un agrément vise surtout à montrer que l’on peut être organisé, uni, reconnu et efficace. La création des OP ne va pas pour autant changer radicalement le paysage caprin, d’autant plus qu’elles ne se mettent en place que pour les entreprises privées et ne concernent donc pas le lait livré à des coopératives (environ deux tiers du lait collecté).
Un rôle qui ne se limite pas aux négociations
L’Union des chevriers : la première OP française
L’Union des Chevriers, la première OP caprine française, a été reconnue officiellement par le ministère de l’Agriculture en septembre 2016. Cette OP, multi-entreprises, regroupe des livreurs de la fromagerie de la Drôme, de la Chèvre laitière du Pilat (Guilloteau) ainsi que les éleveurs de plus petites entreprises de la région Auvergne-Rhône-Alpes : laiterie Carrier, fromagerie Alpine, l’Étoile du Vercors, fromagerie de Jussac et laiterie du Chatelard. Pour Morgane Gagnage, présidente de l’Union des Chevriers, « il était important de nous regrouper afin de mutualiser les moyens, de créer une dynamique collective et d’échanger entre nous ». Cette création a nécessité un travail de communication auprès des éleveurs livreurs. Il était important de bien expliquer que cette nouvelle organisation en OP allait demander une plus grande interactivité entre les producteurs et les entreprises. « Tout ceci a permis de créer un lien fort entre les producteurs de toutes ces entreprises. Les débats autour de la conjoncture et des actualités ont favorisé leur implication dans ce nouveau rôle de négociateurs ».
Former les administrateurs à la négociation
L’Union des Chevriers a embauché une animatrice, entièrement dédiée au travail de l’OP à raison de deux jours par semaine. Une partie du travail se fait en commun, comme la formation à la négociation ou l’échange de données sur la conjoncture. D’autre part, le fonctionnement a été adapté afin que chaque groupe de producteurs dispose du temps nécessaire pour préparer les négociations avec son entreprise. Grâce à la mutualisation, la cotisation est la même pour tous les producteurs, quelle que soit la taille de l’entreprise (1,79€/1 000 l).