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Sophie Renaud, Miss France agricole 2021 : « On voit qu’il y a des femmes en agriculture grâce à Instagram »

Sophie Renaud s’est installée sur la ferme familiale en 2016. Elle communique beaucoup pour défendre son métier et la place des femmes dans l’agriculture. Depuis 2019, elle est présente sur Instagram. Elle poste des photos pour montrer son quotidien et revendiquer sa place dans ce milieu encore très masculin.

Sophie Renaud, agricultrice en Charente-Maritime et connue sur Instagram avec 23 000 abonnés : « J’aime bien échanger sur la technique et montrer que le matériel est performant. »
© DR

Elle est « tombée dedans » dès sa naissance et s’est laissé bercer par l’agriculture depuis qu’elle est toute petite. Chez les Renaud, la passion se transmet de génération en génération. Sophie représente la 5e génération mais est assez fière de sa condition de « première fille » de la famille à exercer ce métier. Aujourd’hui, entre les exploitations agricoles et l’entreprise de travaux agricoles, le père, la mère et la fille gèrent 4 exploitations, en Charente-Maritime. Avec un BTS de comptabilité et un BP REA (brevet professionnel Responsable Entreprise Agricole), elle a franchi le pas en 2016 et peut aujourd’hui dire : « J’ai mon exploitation à moi ». Si elle continue à travailler pour l’ETA et apporte son aide à l’élevage des Salers sur l’exploitation paternelle, elle consacre une grande partie de son temps à ses propres cultures : blé dur, orge d’hiver, orge de printemps, tournesol, maïs, pois. L’agricultrice de 29 ans est aussi engagée dans la vie locale et est conseillère municipale de sa commune. Elle est également membre des JA de son département. En décembre 2020, elle est devenue « porte-drapeau » des agricultrices en étant élue Miss France Agricole 2021. Elle se dit « assez positive » et c’est ce qui la guide dans sa manière de communiquer. Elle s’investit volontiers dans la défense du monde agricole et aime en particulier représenter la filière au féminin. « Les mentalités ont bien changé » estime-t-elle, mais il faut poursuivre. C’est ce qu’elle fait notamment au travers des réseaux sociaux. Entretien avec une jeune femme qui parle d’agriculture sur Instagram… et ailleurs. Qui porte des talons et parle aussi des rendements orge et colza, médiocres en ce début juillet.

Pourquoi êtes-vous sur les réseaux sociaux ?

Sophie Renaud – « J’ai toujours aimé défendre le monde agricole. En 2019, j’ai subi une intervention au genou et je ne pouvais plus bouger. C’est ça qui a été le déclic. C’était le moment. Avec ma cousine, j’ai décidé d’ouvrir un compte Instagram pour partager la moisson en images, pour montrer en temps réel le quotidien des agriculteurs. Je suis plutôt photos mais je filme aussi quelques vidéos courtes. »

Sur quels réseaux êtes-vous présente ?

S. R. – « Je suis essentiellement sur Instagram et je suis présente aussi sur Facebook au travers de la page Miss France Agricole. »

Revoir toutes nos interviews dans le dossier : Ils expliquent leur métier d'agriculteur sur les réseaux sociaux

Pensez-vous que les réseaux sociaux font désormais partie intégrante du métier d’agriculteur ?

S. R. – « On est obligés de passer par là pour montrer ce qu’on fait, pour discuter en direct. Avec les stories, on voit ce qui se passe en temps réel, ça ajoute un peu de proximité. Les réseaux sociaux et le syndicalisme, c’est une manière de défendre notre métier. Mais chacun fait ce qu’il peut à son niveau. »

Quel type de messages aimez-vous faire passer ?

S. R. – « Il y a beaucoup d’agriculteurs sur Instagram, en France et à l’étranger : en Allemagne, aux Etats-Unis … Il y a beaucoup de femmes. On voit qu’il y a des femmes en agriculture grâce à Instagram. On est plus visibles. Moi, je montre surtout sur mes photos qu’on peut monter sur un tracteur et être féminine, qu’on n’est pas seulement là pour l’administratif. Souvent à l’ETA, on me demande " vous êtes la secrétaire ? ". C’est une façon de répondre : " non, je sais conduire les tracteurs, comme les mecs ". Et il y a plein de jeunes qui nous voient, notamment des élèves de 3e à la recherche d’orientation qui disent : " j’ai envie de faire ça ". J’ai beaucoup de retours. »

 « Je montre qu’on peut conduire un tracteur et être féminine. »

Pour vous, est-ce une démarche personnelle ou collective ?

S. R. – « A la base, c’est une démarche personnelle. On parle de nous, de notre quotidien. Mais il y a aussi du travail collectif. On se soutient sur certains sujets tels que la place de la femme sur les exploitations :  le " girl power " en agriculture. Instagram permet aussi de partager les craintes. Je parle anglais - je l’écris surtout - et j’ai quelques contacts aux USA, au Mexique. Parfois, on ne cultive pas la même chose mais on se retrouve sur les dates de semis. Et ça fait du bien de pouvoir échanger avec d’autres sur les aléas climatiques par exemple. »

Combien avez-vous d’abonnés et quelle est votre meilleure audience ?

S. R. – « J’ai 23 000 abonnés sur Instagram. Ma meilleure audience est de 274 000 personnes touchées du 23 au 29 juin. C’était un post ou je pose à côté du tracteur lors du déchargement de la remorque à la coopérative pendant les moissons. J’avais fini ma journée, j’ai pris une petite photo. Il y a eu 8000 " like " dessus. »

Y-a-t-il des effets négatifs et des limites à ne pas franchir ?

S. R. – « Sur Instagram, je dirais qu’il n’y a que du positif. Il y a toujours quelques remarques mais pas très négatives. En revanche, je partage très peu sur Facebook. Je suis beaucoup moins active sur ce réseau et je trouve que les gens sont plus timides. Les agriculteurs sont un peu cachés sur Facebook. Sur Instagram, il y a beaucoup plus d’interaction. Quand je poste sur Instagram, j’ai l’habitude de faire attention. Je ne m’empêche pas de poster une photo du pulvérisateur, au contraire cela me permet d’expliquer comment et pourquoi on l’utilise. J’aime bien échanger sur la technique et montrer que le matériel est performant. Il faut expliquer sans rentrer dans les détails pour rester accessible au grand public. J’estime à 30 % de mon audience les internautes extérieurs au milieu agricole. »

Y-a-t-il un post que vous regrettez ?

S. R. – « Non. Tout ce que je poste est réfléchi et je n’ai pas de regrets à posteriori. »

Vous souvenez-vous d’un post qui vous a amusée ?

S. R. – « Je peux parler d’un post récent. Un matin, pendant la moisson, je me suis posée sur un andain comme sur un canapé. C’était une petite note d’humour. Les gens ont besoin de légèreté. »

Qu’est-ce qui vous énerve dans les échanges sur les réseaux sociaux ?

S. R. – « Je n’aime pas qu’on me demande : " combien t’as d’hectares ? ". On est là pour partager, pas pour se comparer ou mettre en concurrence les petits et gros moyens. En tant que femme, les gens nous voient plus facilement salariée que installée. Et si c’est une fille, elle a une petite ferme. On a tellement tout entendu, parce qu’on est beaucoup moins nombreuses que les hommes dans ce milieu. »

Avez-vous un modèle sur les réseaux sociaux ?

S. R. – « Pas vraiment, quand j’ai commencé, on n’était pas beaucoup. Sur Instagram, j’ai découvert Perrine dans la Sarthe, qui a été Miss Junior en 2019. Depuis, on s’est rencontrées et on est super potes. Entre agricultrices, on a beaucoup de points communs et je me suis fait beaucoup de copines. Celle qui m’impressionne le plus, c’est Océane. »

Combien de temps passez-vous sur les réseaux sociaux ?

S. R. – « Ca dépend de ce que je fais. Comme on a l’autoguidage, j’y vais quand je suis dans le tracteur. On peut faire d’une pierre deux coups : poser le trépied et travailler. J’y vais aussi le soir, en débauchant. Souvent, les gens pensent que c’est compliqué et que ça prend énormément de temps. En fait, ça prend 2 minutes. Sur une journée, j’y passe sans doute 1 à 2 h cumulées mais les journées de travail sont longues. C’est important de prendre ce temps-là. Il faut faire une storie par jour au minimum et trois post par semaine, pour l’algorithme. »

« Avec les stories, on voit ce qui se passe en temps réel, ça ajoute un peu de proximité. »

Quels conseils donneriez-vous à un agriculteur qui veut se lancer ?

S. R. – « Il faut avoir envie de partager. Sur Instagram, il faut poster des jolies photos ou des jolies vidéos et les poster avec des # pertinents. Il ne faut pas hésiter à monter son visage, c’est ce qui fait la différence. Je le dis surtout aux mecs, qui ne le font pas. Les gens s’abonnent à l’image de quelqu’un. Ca humanise l’agriculture.  Au départ, on se demande ce que vont penser les autres, on a peur d’être jugé. Les premières photos, on réfléchit beaucoup mais on prend vite le rythme. Il m’arrive d’apporter des conseils réseaux sociaux aux Jeunes Agriculteurs 17. S’ils vendent en direct, c’est un plus pour l’image de la ferme et pour voir comment les produits sont faits. »

Jouez-vous aussi le rôle d’influenceuse sur Instagram ?

S. R. – « Oui, grâce aux réseaux, j’ai développé quelques partenariats avec des marques. Si c’est lié à l’agriculture et aux consommateurs français, je peux accepter. J’ai déjà travaillé pour une marque de tracteurs, pour des vêtements de travail féminins, pour la coopération agricole. Le but est que ce soit utile et, oui, les partenariats sont parfois rémunérés. » 

 

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