« Nous voulons moins de chèvres et plus de lait par chèvre pour alléger le travail et l’empreinte carbone »
Le Gaec La Lisière du bois a choisi d’investir dans un robot d’alimentation et de produire plus de lait par chèvre pour réduire le travail et améliorer son empreinte carbone.
« Au départ en retraite de nos parents et après avoir réalisé un diagnostic Cap’2ER, nous nous sommes fixé deux objectifs : que nos parents ne soient pas indispensables sur la ferme et produire plus de lait par chèvre, pour réduire le nombre de chèvres et avoir ainsi moins de travail, tout en limitant nos émissions de gaz à effet de serre », expliquent Emmanuel et Benoît Bretaudeau, éleveurs à Sèvremoine, dans le Maine-et-Loire. Installés en 2004 pour Emmanuel et 2015 pour Benoît, les deux associés du Gaec La Lisière du bois élèvent 650 chèvres alpines et 30 vaches allaitantes sur 70 hectares de terre.
Une spécificité est que toutes les terres sont en location, y compris celles où sont construits les bâtiments. Une autre est la très grande difficulté à trouver des terres. « Quand je me suis installé, nous avions 400 chèvres pour 45 hectares, précise Emmanuel. En 2009, nous avons pu reprendre 22 hectares à 4 kilomètres du siège de l’exploitation. Mais il nous manque encore 30 hectares, ce qui nous oblige à être assez intensifs. »
Le maïs représente ainsi une part importante de l’alimentation des chèvres ; 15 à 16 hectares y sont consacrés chaque année. « Nous avons heureusement des terres à bon potentiel, notent les éleveurs. Nous récoltons en moyenne 14 tonnes de matière sèche par hectare sans irrigation. » 10 hectares sont dédiés au blé, stocké chez un négociant et repris en échange céréales-aliments. Le reste est consacré aux prairies.
Pour produire davantage de fourrages, des dérobées à base de ray-grass d’Italie, trèfle et vesce sont également cultivées avant maïs, avec récolte en enrubannage mi-avril. « Cela nous fournit un fourrage de qualité et améliore la structure du sol pour le maïs », estime Emmanuel.
Augmenter la production par chèvre
La ration des chèvres est constituée de 2,5 kg d’ensilage de maïs, 500 g d’enrubannage de ray-grass d’Italie, trèfle, vesce, 300 g de foin, 300 g d’un aliment énergétique (blé, maïs grain) et 650 g de correcteur azoté (tourteau de soja et de colza). La production atteint 860 kg de lait au contrôle laitier. « Notre objectif jusqu’à présent était surtout d’être bons en qualité, précisent les éleveurs. Nous sommes à 41,7 g/l de taux butyreux et 35 g/l de taux protéique. Et nous vendons à peu près tout notre lait en qualité A. En 2023, nous étions à 950 000 cellules sur l’année. »
En 2022, le Gaec a réalisé un diagnostic Cap’2ER niveau 2. Un des leviers identifiés pour améliorer son empreinte carbone a été d’augmenter la production par chèvre. « Nous ne souhaitons pas produire plus au global. Mais nous voulons passer de 860 kg/chèvre à 900-950 kg/chèvre et réduire le nombre de chèvres. Cela fera moins d’émissions de carbone et moins de travail. » Pour cela, le Gaec mise notamment sur la génétique, avec l’achat de boucs chez des sélectionneurs et le raisonnement des accouplements dans le cadre du contrôle de performance avec Seenovia.
Un autre levier identifié a été d’optimiser la teneur en azote de la ration et de réduire le gaspillage de concentré. « Jusqu’à présent, nous achetions du foin de luzerne. Nous aurions aimé en implanter, mais nous manquons de surface. De plus, il y avait parfois beaucoup de tri. Les chèvres ne mangeaient pas les tiges. Pour la nouvelle lactation, début 2025, nous allons remplacer le foin de luzerne par du Rumiplus, plus coûteux, mais qui est mieux consommé par les chèvres. »
Un dernier levier est de réformer davantage, pour ne pas garder de chèvres improductives.
Robot d’alimentation
Un point essentiel est aussi de réduire le temps d’astreinte et d’améliorer les conditions de travail. Les chevrettes étant élevées sur l’autre site, dans un tunnel ayant servi de poulailler et qui a été réaménagé, cela oblige à des allers-retours entre les deux sites, même si Benoît habite sur le deuxième site. La traite, réalisée sur un roto de 32 places, qui permet de traire seul, leur prend deux heures et demie, matin et soir, avec toujours un lot de 80-100 chèvres en lactation longue. « Nous y mettons toutes les chèvres que nous ne voulons pas mettre à la reproduction. Mi-novembre, nous passons en monotraite pour deux mois. »
Enfin, l’alimentation des chèvres nécessitait jusqu’ici cinq passages par jour dans des bâtiments anciens. « En 2019, un an avant le départ en retraite de notre mère, nous nous sommes posé la question d’embaucher. Mais un salarié ne travaille pas le week-end. Finalement, nous avons choisi d’investir dans un robot d’alimentation. Nous avons gagné 35 heures de travail par semaine et nous pouvons désormais prendre un week-end sur deux. »
L’investissement s’est élevé à 200 000 euros, dont 150 000 euros pour le robot et 50 000 euros pour l’aménagement des accès, sur lesquels le Gaec a reçu 36 000 euros d’aide PCAE.
Ramener les chevrettes sur le site principal
Un autre projet pour Emmanuel et Benoît Bretaudeau est la construction sur le site principal d’une nurserie de 200 places, en remplacement du tunnel. « Le coût prévisionnel est de 1 000 euros par place, précisent-ils. Mais cette nurserie permettra de simplifier le travail et d’améliorer les conditions d’élevage. Comme le sol sera bétonné, nous pourrons désinfecter le bâtiment, ce que nous ne pouvons pas faire dans le tunnel en terre battue, ce qui nous oblige à le traiter contre la coccidiose. Cela permettra aussi de valoriser le robot d’alimentation qui ne fonctionne actuellement qu’à 70 % de sa capacité. » Leur propriétaire étant décédé, le projet est toutefois bloqué depuis un an et demi dans le cadre de la succession.
Chiffres clés
Gaec La Lisière du bois
200 chevreaux engraissés par an
Alors qu’ils vendaient auparavant tous leurs chevreaux à trois jours à un engraisseur, Emmanuel et Benoît Bretaudeau engraissent désormais 200 chevreaux par an. Les chevreaux sont élevés au colostrum pendant trois à quatre semaines et vendus à 9 kilos à Loeul et Piriot. « Nous avons depuis quelques années un problème de gangrène de l’utérus, liée à une bactérie, qui survient après la mise bas, explique Emmanuel. Il est à peu près impossible de se débarrasser de cette bactérie qui apparaît dans des élevages où il y a des chèvres depuis vingt-vingt-cinq ans. Les vétérinaires ont trouvé un protocole qui fonctionne avec un antibiotique. Toutefois, quand on détecte des symptômes, il est trop tard pour sauver la chèvre. Nous l’apportons donc systématiquement à la mise bas. Et comme le délai d’attente de cet antibiotique est de sept jours, l’engraissement des chevreaux permet de valoriser le colostrum. »
Les chevreaux engraissés sont ceux qui naissent en premier, pour valoriser le plus de colostrum possible. L’engraissement se fait dans une case aménagée dans le tunnel des chevrettes, avec des seaux à tétines et du colostrum à volonté. Le colostrum à température ambiante est transporté de la salle de traite jusqu’au tunnel, à 4 kilomètres, dans une cuve de 1 000 litres, matin, midi et soir. « Dans la région, où il se produit de plus en plus de chevreaux, mais où le nombre d’engraisseurs n’augmente pas, de plus en plus d’éleveurs s’intéressent à l’engraissement des chevreaux, en filière longue ou en filière courte », a souligné Damien Poisbleau, conseiller caprin à la chambre d’agriculture de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, lors de la journée régionale caprine organisée par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire et le Brilac.