Moisson 2021 : le prix du blé en route pour le record de 2007 ?
Les récoltes maltraitées par la météo en Amérique du Nord et en Russie, couplées à des inquiétudes qualitatives en Europe, ont propulsé les prix du blé au plus haut niveau depuis 2012. Et de nombreuses incertitudes demeurent.
Les récoltes maltraitées par la météo en Amérique du Nord et en Russie, couplées à des inquiétudes qualitatives en Europe, ont propulsé les prix du blé au plus haut niveau depuis 2012. Et de nombreuses incertitudes demeurent.
Le blé tendre meunier rendu Rouen à 258,50 euros/tonne le 13 août à l’issue d’une hausse de 60 euros en un mois : ce niveau de prix, atteint le 13 août, est le plus élevé depuis novembre 2012. On pourra objecter que ces prix en euros courants faussent un peu la comparaison historique. Néanmoins, en s’approchant de 260 €/t, le blé à Rouen retrouve les territoires historiquement élevés explorés en 2012 (270 €/t) et 2007 (280 €/t). Et impossible d’affirmer que la hausse a épuisé tout son carburant.
Les blés américains dévastés par le dôme de chaleur
L’effondrement des prévisions de récolte au Canada et, dans une moindre mesure, aux États-Unis, est l’une des clés du décollage des cours mondiaux. Le dôme de chaleur qui s’est installé au-dessus de l’Amérique du Nord cet été a fait s’évaporer les rendements, et affole les bilans.
Dans son rapport publié le 12 août, l’USDA, département de l’Agriculture US, a abaissé la récolte tous blés (blé tendre + blé dur) au Canada à 24 millions de tonnes (Mt), contre 30 à 35 Mt les cinq années précédentes. Et certains analystes anticipent déjà une récolte sous les 20 Mt. C’est donc un bilan extrêmement explosif qui se profile pour ce gros fournisseur mondial de blé dur et de blé tendre de haute qualité. Le blé états-unien a lui aussi souffert du cocktail canicule-sécheresse. L’USDA prévoit une récolte de 46 Mt, au plus bas depuis plus de dix ans. Là aussi, les stocks vont fondre.
Les inquiétudes concernant l’alimentation en blé de la planète ont encore été avivées par la violente révision à la baisse par l’USDA de la production russe. Placée à 85 Mt le mois dernier par le département US (chiffre alors jugé démesurément optimiste par beaucoup d’observateurs), la production a été ramenée à 72 Mt dans le rapport d’août, la plaçant désormais en dessous des attentes du marché.
Ces mauvaises nouvelles pour la récolte mondiale conduisent à une prévision de baisse des stocks chez les principaux exportateurs de la planète. Le ratio stocks/consommation du club des grandes nations exportatrices, un indicateur suivi de près par le marché, pourrait ainsi chuter cette année au plus bas depuis 2013-2014, reflétant la fragilité de l’équilibre du bilan mondial.
« l’Europe devra exporter son blé au maximum »
« Dans ce contexte, l’Europe devra exporter au maximum pour satisfaire les besoins des importateurs, avec en outre des incertitudes sur la qualité des récoltes », indique Laurent Crastre, analyste spécialiste du blé chez Tallage/Stratégie Grains. Sans compter que le scénario actuel retenu par les opérateurs de marché table sur de très bonnes récoltes (et donc de grosses exportations) australienne et argentine. En cas d’accident de parcours d’ici à la moisson, en décembre, la nervosité risque de gagner quelques crans.
Dans ce panorama de disponibilités sous pression, la qualité de la récolte européenne est un enjeu important. En France, les tonnages sont bien présents, puisque les estimations de production avoisinent toujours 36 à 37 Mt, malgré une moisson hachée par la pluie. Mais on estime déjà qu’une part inhabituellement élevée sera déclassée en fourrager, ce qui réduirait un peu plus l’offre disponible pour l'alimentation humaine, notamment à l'export. Des questions se posent aussi pour la qualité en Allemagne et dans le nord de l'Europe.
Le maïs fera pencher la balance
Le prix du blé va aussi dépendre fortement du maïs. Si de très bonnes récoltes sont au rendez-vous, le maïs pourra attirer une large part de la demande animale, détendant ainsi partiellement le marché du blé. Mais si les maïs américains étaient exposés à des problèmes climatiques, le bilan céréalier mondial tournerait un plus au casse-tête.