L’intérêt de la génomique confirmé lors de l’assemblée générale de Capgènes
L’organisme et entreprise de sélection caprine Capgènes fournit de plus en plus de semences issues de la génomique. À la clef, des économies de production et davantage de critères de sélection.
L’organisme et entreprise de sélection caprine Capgènes fournit de plus en plus de semences issues de la génomique. À la clef, des économies de production et davantage de critères de sélection.
L’assemblée générale de Capgènes s’est tenue le mardi 23 avril 2024 dans ses locaux de Mignaloux-Beauvoir dans la Vienne. La présentation du rapport d’activité des différentes commissions a permis de faire le bilan des années passées et de partager les perspectives 2024. Tout d’abord avec le programme Gènes Avenir, créé il y a huit ans, et qui veut proposer un ensemble de services pour une reproduction-sélection adaptée à tous.
Côté collecte de performance, les entreprises de Conseil élevage ont continué à déployer le système de management de la qualité pour s’assurer de la fiabilité des données. Elles ont aussi cherché à recueillir explicitement l’accord des éleveurs pour le traitement de leurs données d’élevage. En 2023, un peu plus de 1 500 éleveurs ont donné leur accord et la collecte se poursuit en 2024. Certains éleveurs préfèrent aussi réaliser le contrôle laitier tout seul, et ce « protocole B » a été déployé en 2023 dans une quarantaine d’élevages intéressés.
Les projets ne manquent pas pour rechercher de nouveaux phénotypes d’intérêt. « La composition fine du lait peut être analysée en routine à partir du spectre moyen infrarouge, explique Jean-Yves Rousselot, éleveur des Deux-Sèvres et président de la commission collecte de phénotypes. En région Auvergne-Rhône-Alpes, nous testons aussi un prototype avec Adice et Okteo pour peser automatiquement les chèvres et les chevrettes. » L’enregistrement de nouveau critères par les onze techniciens pointeurs est aussi facilité par une nouvelle application PocketOS.
Près de la moitié de la semence est issue de la génomique
Pour la sélection génétique, l'année 2023 a permis le déploiement de l’index fertilité et du nouvel ICC (index combiné caprin). « Nous avons décidé de ralentir un peu le progrès sur le lait pour essayer d’améliorer un peu plus vite la fertilité et surtout les cellules, explique Frédéric Baudy, éleveur dans l’Aveyron et président de Capgènes. C’est un début de sélection vers des chèvres capables d’allier production laitière de qualité et longévité. Cette nouvelle orientation de nos schémas est un exemple supplémentaire des avancées permises par la génomique. »
La génomique a aussi permis d’être plus efficace dans la production de semences. « Le nombre de boucs en quarantaine diminue, alors que celui en production augmente, évoque Yves Rouault, le futur nouveau directeur de Capgènes. Les boucs restent moins longtemps dans nos murs et ils produisent en moyenne 2 000 doses, contre 2 500 environ, il y a quelques années. » Les jeunes boucs génomiques représentent maintenant 46 % des semences mises en place. « D’ici quelques années, tous nos boucs seront issus de la génomique », prédit Frédéric Baudy.
Un euro investi permet 3,50 euros de marge
Pour améliorer la reproduction des troupeaux, « il y a toujours beaucoup de mobilisation des techniciens référents autour des protocoles limitant le recours aux hormones, apprécie Audrey Poureau, chef de projet à Capgènes. L’objectif est d’informer les inséminateurs et les éleveurs pour que chacun prenne confiance dans ces itinéraires. »
Avec 592 éleveurs « créateurs et engagés », c’est-à-dire adhérant à la fois au contrôle laitier officiel et à Capgènes, le noyau de sélection est plutôt stable avec 175 000 chèvres. Capgènes peut aussi s’appuyer sur 802 éleveurs « piliers et acteurs », adhérant au contrôle laitier, et 368 éleveurs « pionniers et promoteurs », au contrôle laitier simplifié, pour ajouter 153 000 et 69 000 chèvres dans la base de sélection. « L’engagement des éleveurs ne se fait pas du jour au lendemain, reconnaît Audrey Poureau. C’est un travail de longue haleine. »
Pour les inciter à adhérer pleinement au programme, la chef de projet rappelle qu’« un euro investi sur le contrôle laitier et Capgènes permet un gain de 3,50 euros de marge pour l’atelier ». Les performances laitières moyennes des éleveurs adhérents parlent d’eux-mêmes : 1 099 kg de lait en moyenne pour les alpines et 1 190 kg pour les saanens.
Et pour expliquer concrètement comment un éleveur peut intégrer le programme Gènes Avenir, une vidéo de promotion « Parcours de Fred » est visible en ligne sur la chaîne YouTube de Capgènes. L’an dernier, 67 000 doses ont été mises en place chez les éleveurs français, un chiffre en légère baisse par rapport à 2022 (-0,8 %). Les deux tiers concernaient la race alpine. À noter que les inséminations se font de moins en moins en désaisonnées, puisque 37 % ont eu lieu d’octobre à mai en 2023, contre 42 % en 2018.
Des résultats et des réserves solides
Cette assemblée générale avait aussi une couleur particulière avec le changement de direction. Dans son rapport moral, le président a salué le travail de Pierre Martin qui a su « porter l’esprit mutualiste collectif, optimiste et curieux qui fait la force de notre entreprise ». Frédéric Baudy a aussi salué la mobilisation des dix-huit salariés dans cette période de changement et appelé la nouvelle équipe de direction à « poursuivre la diffusion et l’amélioration du progrès génétique vers nos élevages ».
Le directeur Pierre Martin peut partir avec le sourire, car Capgènes a une structure financière saine. L’union de coopérative a réalisé l’an dernier un résultat net de 143 000 euros malgré la hausse des charges avec, par exemple, un doublement du coût de l’azote liquide en trois ans. Sur les 2,3 millions de produits d’exploitation, 863 000 euros proviennent de la vente de semences en France et 172 000 euros de la vente de semences à l’export. Le reste découle essentiellement des cotisations de ses adhérents et des subventions liées aux activités de recherche.
Les résultats ont été affectés à des réserves financières qui se doivent d’être suffisamment élevées pour faire face aux risques sanitaires. « Imaginez si on doit abattre les boucs et que l’on soit obligé de reconstituer deux séries », prévient Frédéric Baudy, en assurant que les provisions pour risque et charges sont importantes, à plus de 900 000 euros.
Faible fertilité des semences sexées
Plus de mille doses de semences sexées ont été mises en place dans les élevages français en 2023. Si la technique de sexage de la semence permet bien d’obtenir des femelles, les taux de réussite à l’IA restent faibles avec 28 % en saanen et 37 % en alpine. Plus que jamais, le choix des chèvres à inséminer doit être rigoureux, puisque le fait d’avoir connu un échec à l’insémination l’année passée divise par trois le taux de réussite.
Chiffres clés
Capgènes en 2023
Ambition chinoise pour la génétique caprine française
L’activité internationale de Capgènes permet de baisser le coût des semences françaises. Le savoir-faire français pourrait prochainement s’exporter en Chine.
En 2023, la génétique caprine française a continué de séduire le monde entier avec 14 166 doses vendues dans 28 pays. Avec un prix moyen de 12,12 euros départ Capgènes, l’export génère un chiffre d’affaires de 172 000 euros qui vient directement s’ajouter aux résultats de l’union de coopératives. « Sur le marché européen, l’Espagne et surtout les Pays-Bas se distinguent comme des concurrents de taille », prévient Olivier Danel, éleveur des Deux-Sèvres et président de la commission commerce international de Capgènes. Si les ventes ont baissé en Pologne et en Roumanie, le Portugal montre des signes de progression. L’Amérique du Nord demeure le principal débouché pour l’exportation de la génétique française, avec des ventes concentrées au Canada et surtout aux États-Unis.
Produire deux millions de semences dans le Shaanxi
Si l’Asie ne représente que 2 % des ventes, les regards de Capgènes et de son partenaire à l’export Synetics Export sont tournés vers la Chine. Un partenariat de long terme avec le groupe sino-thaïlandais Charoen Pokphand Group offre des perspectives prometteuses. Fondé en 1921, ce conglomérat de plus de 400 000 employés s’est engagé dans l’agro-industrie et, notamment, dans les filières porcines et avicoles. La société se lance désormais dans l’élevage caprin et a créé un élevage de 2 500 chèvres saanens en Chine pour servir de modèle de développement. Pour l’instant, des barrières douanières et sanitaires empêchent la vente de semence française, mais le groupe, intéressé par le modèle français, souhaite produire des semences jusqu’à deux millions de doses à terme dans la province de Shaanxi.
Un accord sur dix ans est en cours de finalisation, et il prévoit un transfert de technologies et d’expertises pour produire localement de la semence congelée. Depuis deux ans, un programme de formation a été mis en place, et une personne a été embauchée au laboratoire de Capgènes dans le but d’accompagner ce projet.
Un partenariat de long terme pour réduire les coûts
« L’idée n’est pas juste d’envoyer de la génétique française en Chine, rassure Frédéric Baudy. Nous cherchons un retour sur le coût de notre schéma, ce qui permettra de baisser nos cotisations. La diffusion de notre génétique à travers le monde et la reconnaissance de notre savoir-faire, c’est un moyen de diminuer les coûts de notre programme aux éleveurs français. » « Et si ce n’est pas nous qui y allons, ça sera nos concurrents », avertit Olivier Danel. « Depuis dix ans que je vais en Chine, il y a toujours un attrait pour le caprin, rassure Marielle Breheret, la directrice de Synetics Export. Cette solution de transfert de savoir-faire est intéressante, car cela crée un partenariat engageant pour au moins dix ans. Je suis assez confiante sur ce partenaire avec qui nous travaillons déjà en génétique porcine. Nous allons mettre toutes les protections juridiques nécessaires pour sauvegarder la génétique française. »