Installation progressive
Les agriculteurs poètes ont leur label
Dans les Landes, Clément et Marie prônent les principes d’une agriculture poétique basée principalement sur le respect du territoire et le bon sens paysan.
Dans les Landes, Clément et Marie prônent les principes d’une agriculture poétique basée principalement sur le respect du territoire et le bon sens paysan.
Tout a commencé par une blague : à la place de l'agriculture biologique, préférons l’agriculture poétique ! Un principe pourtant très sérieux que Clément s’acharne à défendre avec dérision. Dans les Landes, avec son troupeau de quelques chèvres pyrénéennes, acquises au départ pour débroussailler les terres de ses grands-parents, Clément faisait figure de poètes, d’artiste du village… Avoir une petite production artisanale et rustique au pays du maïs et du foie gras industriel relève du défi, presque de la provocation. À 22 ans et en double actif, Clément Baillé a commencé à reprendre la ferme dans la famille depuis plus de 300 ans. À Saint-Sever, la ferme Bacotte est devenue une institution. Au départ, quelques chèvres pour entretenir les terres ravagées par la tempête de 2009, quelques oies de races rustiques pour faire du foie gras comme les anciens, quelques porcs gascons. Clément est attaché à la rusticité de sa région. Et puis les productions ont pris de l’ampleur, notamment celle de fromages de chèvre. Avec une mini-lactation, il commence, avec son frère, à fabriquer et commercialiser quelques fromages sur les marchés et dans les magasins de producteurs.
De l’AB à l’AP
Puis un jour, pour rire, un ami lui a dit, pour se moquer des logos et de son surnom de poète, de reprendre le logo de l’Agriculture biologique (AB) pour en faire un logo Agriculture poétique (AP). "Ça devait être sans conséquences. On avait une toute petite clientèle, c’était une production assez confidentielle ». Mais le phénomène a pris un peu d’ampleur. « Des gens sont venus nous voir en nous disant qu’il fallait qu’on le développe, qu’on en fasse un truc rentable. Bon moi, ce n’est pas forcément dans mes habitudes et je ne l’ai pas trop développé au départ ». Mais ici, Clément est connu comme le loup blanc. Sa famille, ici depuis toujours, lui a laissé sa réputation. " Mon grand-père faisait tous les mariages du village en tant que musicien et moi j’ai pris la relève dans la musique donc c’est vrai qu’en lançant l'AP, ça a vite pris de l’ampleur dans la région".
Il embauche un stagiaire qui lui monte un vrai plan marketing, lui fait un nouveau logo et l’agriculture poétique naît l’année suivante. Un site internet présentant le concept est aussi créé. Puis Marie Fisher, originaire de Lorraine et rencontrée sur le Salon de l'agriculture de Paris, arrive en 2015. Elle a amené sa connaissance en fromagerie et son envie de développer les activités. « On peut dire qu’elle m’a fait confiance en misant ses économies à Bacotte ». Chef, comme on appelle aussi Clément ici, lui a donc fait de la place et, ensemble, ils ont développé la production. Pour produire davantage de fromages de chèvre, le troupeau a été agrandi et une fromagerie a été construite, notamment grâce à une campagne de crowfunding. « Finalement, nous avons tout autofinancé grâce au travail réalisé ensemble et grâce aux gens qui ont bien voulu s’impliquer. Les banques n’aiment pas trop voir débarquer des poètes dans leur bureau pour leur demander de l’argent. On a donc monté notre projet sans eux ». Le troupeau est maintenant composé 65 chèvres, des Pyrénéennes mais aussi des Lorraines amenées par Marie ainsi que quelques Alpines « pas très adaptées » aux dires des deux éleveurs. Ils vendent toujours leur fromage labellisé agriculture poétique sur les marchés et dans les magasins de producteurs. L’agriculture poétique, c’est surtout un état d’esprit basé sur cinq grands principes : favoriser la qualité des produits en respectant des modes de production naturels, optimiser et respecter les ressources environnementales disponibles, diffuser localement les produits, valoriser les réseaux locaux de production et de transformation et offrir au consommateur l’accès aux techniques de productions. Pour les deux éleveurs, ces principes basiques permettent "une agriculture raisonnable pour une consommation raisonnée".
Un sommet mondial de l’Agriculture poétique
Les chèvres de Bacottte par exemple sont exclusivement élevées en plein air avec, bien entendu, des abris pour éviter la pluie landaise bien présente en ce mois d’août. Un quai de traite mobile est installé dans les parcs et déplacé au gré des pâtures. Le matin, Marie transforme le lait récolté par Clément et, à tour de rôle, ils gardent les chèvres et font le tour des marchés l’après-midi. Pour les deux éleveurs, "la poésie dans l’agriculture, c’est tout une philosophie bien loin des grands labels que l’on croise souvent. Le label bio, par exemple, ne nous intéresse pas. Je le trouve trop loin des producteurs et de leur réalité ». Tous les produits de Bacotte sont déjà identifiés Agriculture poétique, le foie gras, le fromage de chèvre et la charcuterie. En 2017, le premier sommet mondial de l’Agriculture poétique s’est déroulé à Bacotte. Y étaient invités tous les donateurs qui ont participé à la levée de fonds pour la construction de la fromagerie. En 2018, un deuxième sommet mondial est prévu, et, cette fois, auront lieux « des intronisations de nouveaux agriculteurs poètes. Il faut qu’on définisse plus précisément le cahier des charges pour en faire un vrai label. Même si avec nos copains éleveurs de chèvres, on ne se fait pas trop de soucis. On sait qu’ils partagent nos valeurs ». À Bacotte, tout pousse à profusion, les bonnes idées et les bons produits. Les poètes y font rimer bon sens paysans et respect de l’environnement. Ils cultivent leur jardin, comme Candide à la fin de son périple, avec patience, passion et raison.
Des chèvres élevées en total plein air
Un cahier des charges pour l’AP
Afin de garantir le respect des principes de l’Agriculture poétique, Clément Baillet et Cyril Lafarge ont mis en place un cahier des charges. Pour pouvoir utiliser la marque "Agriculture poétique" il faut s’engager à :