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Le séchage en grange, un outil à développer et un système à maîtriser

Au vu des investissements demandés, installer un séchage en grange demande de la réflexion et une maîtrise de la conduite alimentaire du troupeau.

La technique du séchage en grange constitue une solution intéressante pour produire un aliment de qualité en s’affranchissant partiellement des aléas climatiques. Cette technique demande à être mise au point en caprin, pour conjuguer rentabilité économique et respect de l’environnement. C’est dans ce contexte qu’Eva Garre, stagiaire à l’Institut de l’Élevage dans le cadre du projet Casdar Cap’Herb, a réalisé un travail d’enquête dans 18 élevages de chèvres, valorisant du foin ventilé. L’objectif est de mettre en avant les pratiques d’élevage (conduite des prairies, du séchage et de l’alimentation) favorables pour maîtriser ce système.

En France, on dénombre environ 75 élevages caprins valorisant du foin séché en grange de type vrac. Plus anciennes en Rhône-Alpes et en Midi-Pyrénées, ces installations se développent dans l’Ouest de la France depuis une dizaine d’années.

Le séchage en grange est un mode de séchage par entraînement, où le fourrage est placé dans un courant d’air chaud et sec. L’utilisation d’un réchauffeur (privilégier une source d’énergie renouvelable) permet d’obtenir un air dont la capacité à se charger en eau est élevée (capacité évaporatoire de l’eau). La capacité évaporatoire de l’air à 35 °C vaut trois fois celle de l’air à 15 °C. Un séchage rapide, efficace et homogène va permettre de produire un fourrage de qualité, en récoltant l’herbe au stade optimal et en limitant la durée de séchage en champ (24 à 48 heures suffisent). Les première et dernières coupes seront également sécurisées. La productivité des prairies sera légèrement augmentée. La répartition du travail de fenaison sera étalée sur toute la saison de croissance de l’herbe et les conditions de distribution du foin seront facilitées. Enfin, la qualité sanitaire du lait sera mieux maîtrisée (butyrique et listeria) pour la transformation fromagère qu’avec de l’enrubannage.

Du séchage en grange présent dans des systèmes caprins diversifiés

Les 18 éleveurs caprins enquêtés au printemps 2016 ont en moyenne 10 ans d’expérience de réalisation du foin ventilé. On y retrouve des éleveurs laitiers (39 %), fromagers (54 %) et mixtes (7 %), en Bio ou AOP (11 élevages) ou non. 12 élevages ont une ration fourragère constituée uniquement de foin ventilé, quatre élevages distribuent un autre foin en complément et deux élevages associent foin ventilé de légumineuses et ensilage de maïs. D’un point de vue structurel, on retrouve des élevages de tailles diverses, 300 chèvres (de 74 à 750 chèvres), avec une production laitière de 835 kilos (de 530 à 1 300 kg/chèvre/an).

Tout comme la taille des troupeaux, la capacité de stockage des séchoirs est variable : de 100 à 450 tonnes de matière sèche… Et elle varie selon la stratégie de l’éleveur : proposer une ration qu’avec du foin ventilé ou l’associer à un autre fourrage (herbe verte, ensilage de maïs, enrubannage ou foin conventionnel). Pour couvrir les besoins annuels d’une chèvre suitée (et s’assurer un stock de sécurité), il est conseillé de prévoir de 1,1 tonne de MS de capacité de stockage par chèvre. Attention à conserver au fil des années une bonne adéquation entre la capacité de stockage et la taille du troupeau. Il faut bien dimensionner son séchoir car il sera encore là dans 20 ans ! Par ailleurs, ajouter un séchoir à un bâtiment déjà existant n’est pas forcément simple : assurez-vous toujours de l’ergonomie pour l’engrangement et la distribution. Il est difficile d’optimiser un mauvais tir après-coup.

La conduite alimentaire du troupeau : le nerf de la guerre !

Le suivi de ces élevages permet de mettre en avant que la réussite d’un système alimentaire basé sur le foin ventilé repose sur les mêmes fondamentaux que la conduite de n’importe quel élevage de chèvre. Il faut respecter les recommandations en matière de conduite alimentaire du troupeau : équilibre de la ration, quantité de concentrés apportés, fractionnement des repas, gestion des refus, éviter de distribuer les concentrés à jeun… Par ailleurs, il est important d’analyser son foin ventilé pour connaître sa valeur alimentaire, et choisir la qualité du foin à distribuer en fonction du stade de lactation.

Trouver le mélange prairial adapté à son système est indispensable. La luzerne et le trèfle violet sont la base des systèmes caprins souhaitant valoriser l’herbe, cultivée en pur ou en mélange. Les deux tiers des éleveurs enquêtés valorisent ces deux espèces, soit en mélange prairial, soit en associant un foin de prairie multiespèce et un foin de légumineuse. Néanmoins, les éleveurs sont rarement satisfaits de l’évolution des mélanges semés (en termes de pérennité, d’équilibre entre les espèces, de valeur alimentaire), ce qui est confirmé par l’analyse de ces foins ventilés (valeur en MAT de 14 % en moyenne après analyse). Trouver le bon mélange prairial, favorisant l’autonomie protéique, adapté au contexte pédoclimatique de son système d’élevage et au séchage est donc difficile (et doit s’anticiper avant même la construction du séchoir).

Le séchage en grange n’est pas LA solution miracle pour faire du bon foin, du lait et des taux… Il s’agit d’un outil qui aidera à atteindre ces objectifs, à condition de bien conduire les prairies, les récoltes et l’alimentation du troupeau. Il s’agit également d’un outil intéressant pour avoir une plus grande souplesse dans l’organisation du travail (chantier de récolte étalé), et pour simplifier la distribution des fourrages. Une chose est sûre… Les éleveurs qui l’ont testé ne le regrettent pas !

Trucs et astuces d’éleveurs

Plusieurs éleveurs ont mis au point des astuces pour suivre au mieux le foin engrangé. Par exemple, en traçant des repères de hauteur dans les cellules, les éleveurs peuvent surveiller depuis la griffe la hauteur engrangée, et ainsi ne pas dépasser les recommandations (3 m recommandés s’il n’y a pas de dégriffage). Un plan de la cellule peut également être complété au fur et à mesure de la saison, afin de localiser chacune des coupes dans le séchoir, en y indiquant une évaluation qualitative de la coupe (riche en graminées, riche en légumineuses, numéro de coupe…). Cela permettra de récupérer le « bon foin » pour chaque stade physiologique. Certains éleveurs ont construit une cellule supplémentaire (pas forcément ventilée) qui peut servir de cellule d’appoint pour stocker du surplus ou pour « trier » son foin ventilé au cours de l’année.

Combien ça coûte ?

Dans l’Ouest, un investissement moyen de 400 € par chèvre

Une enquête sur l’investissement nécessaire pour mettre en place une installation de séchage en grange de type vrac réalisée en 2015 par le REDCap montre que la construction du bâtiment (structure du séchoir, cases et capteurs), l’équipement de manutention et de ventilation nécessitent un investissement d’environ 65 €/m3. En prévoyant 6 m3/chèvre, l’investissement moyen est de 400 euros par chèvre. Mettre en place un séchoir en grange se réfléchit et s’anticipe donc !

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