Fromagerie du pays mothais
Le chèvre-boîte renaît dans une coopérative ouverte
Suite à la fermeture de la laiterie de Bougon, des éleveurs de chèvres, des anciens salariés et des sympathisants créent une fromagerie coopérative pour fabriquer du chèvre-boîte.
Cent dix ans après la création du chèvre-boîte dans la première fromagerie coopérative caprine des Deux-Sèvres, ce fromage à pâte molle va renaître à La-Mothe-Saint-Héray dans une coopérative originale alliant producteurs de lait, consommateurs et salariés. La fermeture de la laiterie de Bougon, propriété de Terra Lacta, en mars 2014 avait laissé pantois certains éleveurs et certains salariés. Refusant de voir mourir le chèvre-boîte, ils avaient créé l’association « les amis de Bougon » dès 2012. N’étant plus à l’aise dans leur coopérative Terra Lacta, devenue trop grosse à leurs yeux, ces producteurs de lait ont créé en octobre 2015 une coopérative à taille humaine. Dans cette SCIC (société coopérative d’intérêts collectifs), trois collèges se partagent les voix toujours avec le principe qu'un homme égale une voix, quelle que soit la part de capital détenue.
Du fromage au lait cru et Bleu blanc cœur
Inhabituelle, la présence des consommateurs stimule les porteurs de projets. « Les consommateurs nous ont beaucoup encouragés, apprécie Christian Gibault, un ancien fromager de la laiterie Bougon. Ce sont des gens d’ici qui ne veulent pas que les emplois et le produit s’en aillent ». « Le consommateur a un pouvoir en plus de celui d’achat » s’enthousiasme Vincent Furstoss, un consommateur qui s’est impliqué dans ce projet « bon pour le territoire et l’environnement ». Les sympathisants apportent un soutien moral et financier, notamment en participant à la collecte de fonds de Bulb in town (voir encadré). Ces citoyens, engagés dans leur territoire, ont aussi milité pour produire des fromages de qualité, au lait cru et respectant le cahier des charges Bleu blanc cœur. Cette démarche impose une alimentation animale à base d’herbe, de lin, de luzerne ou de lupin naturellement riches en oméga 3.
« Le cahier des charges de l’AOP chabichou du Poitou interdit aussi l’ensilage et impose une grande proportion de fourrages et des aliments produits localement » renchérit Caroline Comte, éleveuse de chèvre à Bougon. Pour fabriquer le fromage au lait cru, la collecte de lait sera quotidienne. « C’est très motivant de savoir où va le lait de qualité que nous produisons » apprécie Dominique Guérin, éleveuse de 400 chèvres et présidente de la coopérative.
Début des travaux du bâtiment de 480 m2 en mai
Les associés prévoient 870 000 litres de lait transformé la première année pour un chiffre d’affaires de 1,3 million d’euros la première année. De quoi produire environ 13 000 fromages par semaine. Au bout de trois ans, il est prévu de vendre pour 2,3 millions d’euros avec une collecte annuelle de 1,4 million de litres. De cinq éleveurs-livreurs et six salariés au départ, la coopérative devrait passer à une douzaine de livreurs et une quinzaine d’emplois au bout de cinq ans.
La fromagerie artisanale s’installera dans un bâtiment de 480 m² dont la construction devrait débuter en mai. Si tout va bien, les premiers litres de lait arriveront en janvier 2018 et les fromages seront vendus la même année.
Les fromages seront commercialisés régionalement, en direct à la fromagerie, dans les magasins de proximité, dans les magasins Plaisirs fermiers mais aussi dans les petites, moyennes et grandes surfaces. « L’étude de marché a montré que la demande était supérieure à ce que l’on pouvait produire » se rassure Dominique Guérin. Les fromages seraient vendus autour de 2,25 euros hors taxe le chèvre-boîte sorti d’atelier.
« Le chèvre-boîte est un fromage à pâte molle qui se fait en trois heures, explique Christian Gibault, le futur fromager de la coopérative. Il faut donc être rigoureux sur l’acidité et la température ». En plus de l’emblématique chèvre-boîte, la laiterie artisanale devrait aussi produire du mi-chèvre, du chabichou du Poitou et du mothais-sur-feuille. « Le mi-chèvre est assez intéressant. Ce n’est pas un produit bâtard mais il mixe au contraire le caractère du chèvre et l’onctuosité du lait de vache » vante le fromager. À vérifier sur nos papilles l’année prochaine !
Les consomm’acteurs s’impliquent dans la fromagerie
Un financement en parti participatif
La création de la Fromagerie du pays mothais nécessite 1,8 million d’euros de financement dont 533 000 euros pour le bâtiment et 815 000 euros de matériels. Ces besoins sont financés à hauteur d’un million d’euros par les banques. « Malgré le soutien de toutes les collectivités territoriales et l’accompagnement de professionnels, il a fallu du temps pour convaincre les banques dans ce projet peu commun » observe Antoine Papineau, éleveur de 200 chèvres à Sanxay dans la Vienne. Le Feader apporte 189 000 euros et la région 210 000 euros dont 100 000 euros d’avance remboursables. Des Cigales (club d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire) mettant en lien épargnants et porteurs de projets ont aussi participé aux financements. Jusqu’au 26 mars, la Fromagerie du pays mothais fait aussi appel au financement participatif à travers la plateforme www.bulbintown.com. Fin février, 250 personnes avaient déjà apporté plus de 70 000 euros en échange d’une petite contrepartie. « Chacun peut participer à hauteur de 5 ou 10 euros, explique Paule Perrou, une consommatrice de 65 ans qui s’est engagée dans le projet. À partir de 200 euros, il est possible d’avoir des parts sociales et d’être ainsi plus impliqué dans la vie de la coopérative. »