L’albédo, levier d’action agricole face au changement climatique
Encore peu connu, l’albédo des prairies peut contribuer à atténuer l’impact de l’agriculture sur le changement climatique. Un autre effet potentiel positif de l’élevage de ruminants.
« L’albédo est la fraction d’énergie provenant du soleil réfléchie par une surface vers l’espace, explique Pierre Mischler de l’Institut de l’élevage lors du séminaire de restitution du projet Casdar Albédo Prairies. Plus une surface est réfléchissante plus son albédo est élevé. Il a une valeur comprise entre 0 et 1. Favoriser la hausse de l’albédo, c’est renvoyer davantage de rayonnement vers l’espace, avec un effet refroidissant sur le climat. On parle alors de forçage radiatif négatif. Appliqué à l’agriculture, ce phénomène peut être potentiellement utilisé pour atténuer le changement climatique. »
Si ces notions complexes sont intéressantes pour l’élevage, c’est que l’albédo des prairies est en moyenne supérieur aux autres surfaces végétalisées. En résumé, plus il y a d’herbe, plus il y a un effet refroidissant.
Levier comparable au stockage de carbone
« En considérant un blé comme référence, une prairie a un forçage radiatif négatif (effet refroidissant) comparable au stockage de carbone des prairies, environ -1 400 kg équivalent CO2/ha/an. Dans un assolement, 10 % de la SAU supplémentaire en prairie, c’est environ -140 kg équivalent CO2/ha/an. » Aujourd’hui, l’albédo n’est pas pris en compte dans la comptabilité des bilans environnementaux. L’effet est plus important en été (4 à 5 fois plus de rayonnement solaire).
Des connaissances existaient sur l’albédo des cultures, mais très peu sur les prairies. Le projet Albédo Prairies, lancé en 2020, a étudié ce phénomène par des mesures au champ afin de le corréler à des mesures par satellite. L’objectif était de mesurer l’effet d’atténuation du changement climatique par l’albédo en complément du stockage du carbone par les prairies et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre des fermes d’élevage. Pour cela sept stations ont été mises en place dans des contextes climatiques très différents, depuis le Finistère jusqu’en Ardèche. Albédo, vitesse du vent, température, hygrométrie, pluviométrie, humidité du sol ont été suivis pendant trois ans à raison de 144 mesures par jour. En complément, la hauteur d’herbe, la composition des prairies et le recouvrement du sol ont été relevés. Les enseignements de ce premier programme permettent de faire des préconisations sur la conduite des prairies, qui vont dans le même sens que les conseils pour leur pérennité. Puisque plus il y a d’herbe, plus l’effet refroidissant est important, il faut éviter les sols nus et maximiser leur couverture, implanter des couverts intermédiaires… À l’inverse, une fauche ou un pâturage avec un chargement élevé réduisent transitoirement cet effet refroidissant car il y a plus de sol nu visible.
Complément des réductions d’émissions de GES
« Le levier albédo doit être utilisé en cohérence avec les pratiques de stockage de carbone et de réduction des émissions de GES. Ce n’est pas la solution, il faut en premier lieu réduire les émissions et maintenir des systèmes productifs et économiquement viables », rappelle Pierre Mischler.
Le saviez-vous ?
L’albédo peut se mesurer avec un albédomètre et par satellite. Selon leurs propriétés optiques, les surfaces ont des albédos différents. Plus une surface est réfléchissante, plus son albédo est élevé. Par exemple, l’albédo de la neige peut s’approcher de 1 si elle est bien blanche.