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Recherches et développements
La transformation du lait de chèvre en fromage ou en glace

L’Enilia de Surgères a accueilli une centaine de personnes le 27 mars dernier pour faire le point sur le lait de chèvre et sa transformation en fromage ou en glace.

Les fromages à l’herbe pâturée aussi bons que ceux au foin

Les projets Flèche et Herbic, menés conjointement par l’Inra et Actalia produits laitiers, visent à évaluer les effets de l’alimentation des chèvres à l’herbe sur les qualités technologiques, nutritionnelles et gustatives des fromages. De 2015 à 2017, 27 échantillons de laits issus de l’expérimentation Pâtuchev ont été transformés en fromages, analysés et goûtés. Globalement, il n’y a pas de grosses différences significatives entre les laits de pâturage et ceux issus de chèvres alimentées au foin ventilé. Les seuls écarts concernent la quantité d’azote non protéique, la lipolyse un peu plus élevée avec l’herbe pâturée et le nombre de cellules somatiques plus élevé avec l’herbe pâturée. La composition en acides gras des laits est également modifiée avec davantage d’acides gras trans qui présentent un intérêt nutritionnel.

Lors de la transformation fromagère, l’acidification a été légèrement plus rapide pour laits de pâturage avec 1 h 15 de moins pour atteindre le pH 4,5. L’ensemble des laits ont permis de faire un caillé ferme, homogène, sans défauts et qui s’égoutte bien. Les laits de pâturage ont montré une plus grande capacité d’égouttage en lien avec le taux butyreux (-1 g/l) et le ratio TB/TP plus faible. Au final, il n’y a pas de différence de rendement fromager, les fromages au lait de pâturage étant juste un peu plus sec. À la dégustation, les deux types de fromages ont été bien appréciés. Les fromages au lait de pâturage ont montré des odeurs de chèvrerie, d’animal et de chèvre plus prononcées. « Il y a davantage de différence entre des fromages issus de chèvres à des stades physiologiques différents plutôt qu’entre ces fromages issus de lait de foin ventilé ou de lait de pâturage », signale cependant Patrice Gaborit d’Actalia.

Le 4-Ethyl C8 donne le goût du chèvre

Le chèvre tient son goût si particulier des acides caproïques, capriques et capryliques, mais surtout de l’acide gras 4-ethyloctanoïque. © D. Hardy
La flaveur des fromages de chèvre est liée à des acides gras libres issus de la lipolyse, en particulier l’acide 4-ethyloctanoïque (4-ethyl C8 : 0) qu’on ne retrouve pas par exemple dans le lait de vache. Son seuil de perception est très faible, de l’ordre du parti par million dans le lait et de 10 ppm dans le fromage. Actalia produits laitiers a étudié les différents paramètres de fabrication qui pouvaient jouer sur la flaveur chèvre. Le report du lait (à 4 °C pendant trois jours) et l’homogénéisation vont ainsi renforcer ce goût de chèvre. De même, il y a une relation entre le niveau de lipolyse des fromages et l’intensité de la flaveur chèvre. La présence de Geotrichum comme flore d’affinage va aussi augmenter l’intensité de l’odeur ou de la flaveur chèvre. « Mais cela dépend beaucoup des souches de Geotrichum », assure Patrice Gaborit d’Actalia en précisant qu’il oriente maintenant ses recherches sur l’identification de flore qui libère une grande quantité de 4-Ethyl C8.

Cloche d’or réveille ses laits

Une maturation chaude du lait avant emprésurage réactive les bactéries et permet un affinage régulier. © D. Hardy
À Pont-de-Ruan (Indre-et-Loire), la laiterie La Cloche d’or fabrique et affine chaque année 900 tonnes de fromages dont le sainte-maure-de-touraine fabriqué au lait cru. Or, le lait collecté refroidi pendant 48 heures est souvent considéré comme « mort » avec seulement 2 000 à 15 000 germes/ml. « Ce lait a une flore native lactique assez pauvre avec une quinzaine de familles seulement, observe Michel Carcaillon de Cloche d’or. Sans apport de ferments exogènes, ce lait peut donner des caillés mous, qui s’égouttent difficilement, avec de l’amertume et des pâtes sèches à la texture granuleuse ».

Pour corriger ces laits refroidis, la laiterie laisse une prématuration entre 12 et 15 °C pendant 12 à 15 heures tout en apportant des souches natives naturelles. Ensuite, une maturation chaude entre 19 et 22 °C est couplé à un apport des souches acidifiantes liquides. Le pH descend alors de 0,3 à 0,4 unité en cinq heures. Le lait est ensuite emprésuré entre 20,5 et 22 °C et coagule pendant une vingtaine d’heures. Cette prématuration chaude donne un caillé ferme et bien structuré qui permet un égouttage rapide et une texture onctueuse. « Il faut être hypervigilant sur les temps, recommande Michel Carcaillon. Mais, grâce à cette technique, le rendement fromager a bien augmenté et nous n’avons plus de sainte-maure dur comme du bois. »

De la glace avec de la poudre

Les classes de BTS de l’Enilia de Surgères ont planché sur comment ils pouvaient fabriquer des glaces avec de la poudre de lait de chèvre. La principale difficulté est venue de l’approvisionnement en crème de chèvre, nécessaire pour garder dans le temps une bonne texture. En version artisanale, la crème glacée contient 58 % de lait de chèvre, 14 % de saccharose, 5 % de glucose, 7 % de poudre de lait, 9 % de crème de chèvre et 7 % de jaune d’œuf. Un mélange a 35 % d’extrait sec est pasteurisé puis maturé à 4 °C avant d’être glacer rapidement (-1 °C/minute) avec une turbine à glace. Le produit foisonné pèse 450 g/l. « Cela veut dire qu’il y a plus d’air que d’ingrédients », décrypte Franck Neyers de l’Enilia-Ensmic. Au final, la glace a montré « une texture ronde, onctueuse, mousseuse, laissant s’exprimer les arômes ajoutés sans arrière-goût et sans cristallisation aqueuse en cours de vieillissement ». La couleur plus blanche qu’avec du lait de vache permet une coloration facile.

Du lait en poudre à la Venise verte

L’ULVV étudie maintenant la possibilité de séparer les composants du lait de chèvre, crème d’un côté et phases protéiques de l’autre, afin de les proposer à l’industrie agroalimentaire. © D. Hardy
À Maillezais, en Vendée, l’Union laitière de la Venise verte (ULVV) fabrique de la poudre de lait de chèvre depuis 1997. Pour ce faire, la petite coopérative centenaire concentre et pasteurise son lait de moins de 48 heures avant de le faire sécher. Pour éliminer 90 % de l’eau du lait dans les tours de séchage, le lait concentré est pulvérisé dans de l’air chaud (50 à 75 °C) et sous-vide (0,1 à 0,4 bar). Le matériel est nettoyé entre chaque fabrication qui dure 6 à 8 heures pour éviter tout risque d’encrassement. La poudre de lait de chèvre, fine et de couleur claire, possède un léger goût de chèvre sucré. Conditionné en boîte de 400 g, le Cabrilac se garde trois ans dans son emballage d’origine et quatre semaines après ouverture. La poudre de lait peut servir à fabriquer du lait reconstitué ou être utilisé pour la fabrication de pâtisseries, de yaourts ou de crèmes glacés. Une partie de cette poudre est exportée vers l’Asie.

Un égouttage plus rapide avec des filtres-presses

Dans l’industrie, les filtres-presses peuvent être remplis simultanément par des rampes à becs multiples. Des solutions de mécanisation voire de robotisation du dépochage sont aussi proposées. © D. Hardy
Par rapport à l’égouttage classique en moule, l’égouttage sur toile permet d’avoir des extraits secs plus élevés ou d’obtenir des textures moins lactiques grâce à des temps de contact entre le caillé et le sérum plus courts. La technique des filtres-presses, ou filtre Berge du nom de son inventeur, consiste à remplir des poches en tissu de caillé puis de les presser pour en extraire le sérum. Ce matériel et cette technique sont surtout utilisés pour les fromages de chèvre lactiques et pour les fromages blancs ou petit suisse au lait de vache. « Nous en proposons depuis des versions industrielles de 60 ou 100 poches pour 10 000 litres de lait jusqu’à des versions artisanales à 4 ou 8 poches pour traiter 300 litres », explique Thierry Carli-Basset du fabricant Technal. Au début, le cycle de pressage est réglé de façon empirique mais la pression doit être de plus en plus forte, en plusieurs paliers.

Des réglages pour accélérer encore l’égouttage

Le débit de filtration augmente quand la surface de filtration et la pression appliquée augmentent. Ainsi, pour favoriser l’égouttage, il faut peu remplir les sacs et augmenter très progressivement la pression. « Si avoir des toiles plus poreuses facilite la sortie du sérum, cela favorise aussi la sortie des fines en réduisant d’autant les rendements matière », prévient Franck Neyers de l’Enilia de Surgères. Travailler à température plus élevée va réduire la viscosité du sérum et ainsi favoriser l’égouttage. Bouger les filtres ou les sacs permet aussi de libérer les pores et accélérer l’égouttage. La composition des toiles (en coton, lin, polyester, polyamide ou polyphénylène sulphide) va également modifier la vitesse d’égouttage.

Pour Hervé Margerin de tissage Bastien, « la durée de vie des sacs peut être très courte s’ils sont mal lavés. Il faut très vite les mettre à tremper après desachage sinon on abîme la toile ». Le premier nettoyage ne doit pas être trop acide ni avoir de chlore. Les sacs ne doivent pas être mis dans un sèche-linge. « Certains les remettent dans chambre froide pour garder un peu d’humidité ».

Un jeu de toiles à faire tourner

En vieillissant, les toiles peuvent être rendues davantage poreuses et drainantes. Le caillé s’égoutte alors plus rapidement, le sérum est moins longtemps au contact du caillé ce qui donne une texture finale élastique, une pâte collante et une implantation des flores plus difficile. Elles peuvent également être encrassées par un lavage insuffisant, ce qui les rend moins drainantes. Là, le caillé s’égoutte lentement, le sérum est plus longtemps au contact du caillé ce qui peut donner une texture finale plus crayeuse, une pâte peu soudée et parfois un coulage sous croûte. « Les toiles sont vendues pour trois à quatre ans d’utilisation, explique Franck Neyers. Il peut être intéressant d’avoir un roulement des toiles pour en avoir toujours des neuves et des plus ancienne. »

Des kits en test d'Actalia pour détecter les Stec

Les Escherichia coli à Shiga-toxine, autrement appelés Stec, peuvent provoquer des colites hémorragiques qui peuvent entraîner des complications dans 10 % des cas, surtout chez les jeunes enfants. Une centaine de cas sont enregistrés en France chaque année. Infectieux à très faible dose, dès 10 bactéries ingérées, les Stec les plus problématiques en caprins sont les E. coli O26, O103 et O157. Depuis mars 2018, Actalia teste quatre kits de détection sur des crottins de chèvre de deux à quatre jours. Les premiers résultats sont attendus pour octobre. Le projet Stecamont, piloté par l’Institut de l’élevage, rappelle, lui, l’importance de l’hygiène en élevage (paillage de la litière…) et à la traite (propreté des trayons et de la machine à traire) pour limiter les Stec. Les oiseaux, les mouches et les rongeurs doivent aussi être contrôlés dans les bâtiments.

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