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Intégrer l’enrubannage en fonction du contexte fourrager

L’utilisation d’enrubannage à la ferme des Âges a permis une diminution de l’utilisation des concentrés et un maintien des rendements fourragers.

Avant, la ferme des Âges, l’une des deux exploitations du lycée agricole de Châteauroux, produisait seulement du foin de graminées qui avaient une faible valeur alimentaire. Le concentré tenait une part importante dans la ration. L’autonomie de l’atelier caprin était donc assez faible. En tant que ferme de lycée agricole, elle se devait de donner l’exemple et d’être un lieu d’expérimentations. Après avoir posé un diagnostic pour voir comment améliorer l’autonomie, il a été remarqué qu’il y avait l’opportunité de faire de l’enrubannage avec le ray-grass italien présent en faisant une coupe précoce fin mars. Avec l’utilisation de l’enrubannage, la quantité de concentrés distribué est passée de 2 à 1,2 kg. Ce changement n’a pas entraîné de baisse de la production des chèvres, située entre 900 et 1 000 kg par chèvre et par an selon les années. En revanche, l’autonomie de l’exploitation a augmenté et les coûts liés à l’achat de concentrés ont baissé de plus de 40 %. Mais pour Philippe Gervais, le responsable d’exploitation, « il y a eu une phase de transition durant laquelle la productivité des chèvres a baissé ».

Du foin avant l’enrubannage pour stimuler la panse

La ferme étant celle d’un lycée agricole, il a fallu que tous les opérateurs s’accordent, notamment dans la gestion des refus. Pour le chef d’exploitation, il est « important de donner du bon foin avant l’enrubannage afin de favoriser la production de salive ce qui atténue l’acidité de la panse et permet d’y maintenir une forte population de bactéries. C’est la santé de ces micro-organismes qui conditionnent l’appétit. Pour contrôler nos écarts, il faut surveiller l’augmentation des refus et réagir en réduisant la quantité d’enrubannage. Quand une période d’acidose débute, il était impressionnant d’observer que pendant la phase de repos, vers 14 heures, la chèvrerie devient silencieuse, les chèvres ne ruminent plus ».

Une fois le système maîtrisé sur l’exploitation, une expérimentation a été mise en place dans le cadre du projet Casdar du programme CapHerbe qui travaille sur la valorisation de l’herbe (sous toutes ses formes) en élevage caprin. Ce travail a été mené en coopération entre la chambre d’agriculture de l’Indre et le lycée agricole de Châteauroux. L’objectif était de répondre aux questions que se posent les éleveurs sur le niveau d’incorporation dans la ration des chèvres en limitant tout risque métabolique. En effet, pour Bertrand Bluet de la chambre d’agriculture de l’Indre, « de nombreux éleveurs craignent d’utiliser l’enrubannage car ils ont peur de devoir en limiter la quantité pour des raisons nutritionnelles et métaboliques ». Durant l’hiver 2017, un essai a donc été mené sur deux lots de 45 chèvres.

Une distribution d’enrubannage qui peut s’adapter au contexte

Les deux lots avaient dans leur ration du foin de luzerne de deuxième coupe et 1,2 kg de concentré. Le premier lot avait aussi 750 g de MS d’enrubannage et le deuxième 1,5 kg. L’objectif étant de voir s’il y avait des différences au niveau de l’ingestion et de la production des chèvres (volumes et taux). Le premier constat est qu’il est possible de faire ingérer 1,5 kg d’enrubannage aux chèvres. De plus, entre les deux lots, il n’y avait pas de différences significatives au niveau de la productivité et de la qualité du lait. Mais, précise Bertrand Bluet, « il est encore trop tôt pour conclure car l’enrubannage que nous avons utilisé était un enrubannage très riche et précoce tandis que le foin de luzerne était de qualité moyenne ». L’idée est donc de refaire un essai avec un contexte fourrager différent pour confirmer les résultats. Mais pour Bertrand Bluet, il y a tout de même un enseignement important à mettre en lumière : "on peut incorporer l’enrubannage à niveau faible ou élevée, ce qui donne une souplesse aux éleveurs pour s’adapter aux productions fourragères de chaque année".

Le surcoût de l’enrubannage vite rentabilisé

Lors d’une journée technique organisée par CopAvenir (Contrôle laitier Vienne et Charente), Jérémie Jost (Idele-RedCap) a présenté des résultats économiques relatifs à l’enrubannage. Il s’agit en fait « d’une simulation réalisée à partir d’une méthode analytique qui estime les coûts de chaque poste pour produire du fourrage ». Ces résultats montrent notamment que le chantier de récolte d’enrubannage coûte en moyenne 75 euros par tonne de matière sèche (€/t de MS) soit 25 €/t de MS de plus que pour du foin. Pour Jérémie Jost, « le surcoût de la récolte du fourrage humide est notamment lié à l’utilisation d’intrants ». Dans cette simulation économique, ont été calculés les coûts de production d’une luzernière exploitée sur trois ans avec un rendement annuel moyen de neuf tonnes de matière sèche. Dans ce système, une récolte de foin exclusive coûte 114 €/t de MS tandis qu’elle revient à 124 €/t de MS pour une première coupe en enrubannage suivie de deux fauches de foins. La première coupe en enrubannage permet de récolter la prairie avec une fenêtre météo réduite et ainsi de sécuriser la récolte de la prairie au stade optimal de la luzerne, pour optimiser la qualité du fourrage. Cette récolte sera également favorable à la qualité et au rendement des coupes suivantes. Jérémie Jost rappelle toutefois que le surcoût de 10 €/t de MS pour l’enrubannage est vite rentabilisé « à condition de récolter un enrubannage de qualité, en valeur alimentaire et d’un point de vue sanitaire ».

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