Est-ce rentable d’engraisser des chevreaux à la ferme ?
Pour les ateliers d’engraissement à la ferme en circuit court, le prix de vente n’est souvent pas suffisant pour assurer la rentabilité. Celle-ci est plus facilement atteinte en filière longue, si toutes les conditions sont réunies.
Le projet ValCabri a évalué l’intérêt économique de l’engraissement des chevreaux à la ferme à partir d’une trentaine d’élevages aux dimensions, itinéraires techniques et circuits de commercialisation très divers. Les résultats économiques présentés s’appuient sur une approche de type coût de production.
Facteurs de rentabilité en filière longue
Douze enquêtes ont été réalisées sur la campagne 2018-2019 chez des éleveurs vendant des chevreaux en filière longue. Les chevreaux sont engraissés par l’éleveur, puis vendus à un abatteur qui prend en charge leur commercialisation. Plus de la moitié des éleveurs de ce groupe parvient à se dégager plus de deux SMIC par unité de main-d'œuvre (UMO). La variabilité observée est d’abord liée à l’utilisation plus ou moins importante du lait postcolostral, au taux de mortalité et, secondairement, à la période de vente. La disponibilité en main-d’œuvre durant les périodes critiques permet aussi d’assurer de bons résultats techniques. La pratique de l’engraissement dans des bâtiments non dédiés et souvent amortis contribue aussi à expliquer la variabilité.
Plus précisément, les élevages enquêtés sont majoritairement des livreurs de lait. Ils commercialisent en moyenne 172 chevreaux vendus à 28 jours à un poids moyen de 9,8 kg vif. Le prix moyen de vente s’établit à 30,93 € par chevreau, soit 3,15 € du kg vif ou 3,20 € du kg de carcasse. La variabilité observée sur le prix de vente est d’abord liée à la période de commercialisation, avec des prix élevés pour Noël et Pâques. Les éleveurs utilisent en moyenne 49 litres de lait pour engraisser un chevreau. La nature du lait utilisé varie selon les élevages : 100 % de lait postcolostral, 100 % d’aliment d’allaitement ou un mélange entre les deux. Sur la campagne 2018-2019, le prix moyen de l’aliment d’allaitement s’établissait à 1 774 € la tonne. Aujourd’hui, celui-ci a beaucoup augmenté, il avoisine les 2 800 € la tonne.
Le temps de travail n’a pas été chronométré, mais estimé par les éleveurs. Ils passent en moyenne 40 minutes par chevreau, cela englobe les soins à la naissance (désinfection du cordon…), la prise du colostrum et l’apprentissage de la tétée.
Sur la campagne 2018-2019, avec un produit de l’atelier de 5 320 € et des charges de 2 860 €, les éleveurs enquêtés se rémunèrent à hauteur de 2 460 €, soit 2,1 SMIC/UMO.
Quel prix de vente en circuits courts ?
Dix-sept enquêtes ont été réalisées en élevage commercialisant de la viande en circuit court pour évaluer les coûts de production et fixer au mieux le prix de revient. D’après les résultats observés, le prix de revient moyen permettant d’assurer une rémunération à deux SMIC/UMO est bien au-dessus du prix de vente moyen pratiqué. Mais près de 20 % des éleveurs enquêtés parviennent toutefois à dégager au moins deux SMIC/UMO. Chacun, en fonction de ses objectifs de revenu, doit calculer son prix de revient pour fixer au mieux son prix de vente en tenant compte de son contexte d’élevage et de commercialisation.
Les éleveurs de ce groupe sont majoritairement des fromagers fermiers. Les types d’animaux engraissés sont divers (quelques chevreaux légers, une majorité de chevreaux lourds, voire très lourds) et il existe aussi une grande variété de circuits de commercialisation.
Le prix moyen de vente est de 118 € par chevreau, mais il masque une forte variabilité entre circuits de commercialisation (bouchers, restaurants, vente de carcasses à la ferme, vente en découpe en colis, vente au détail sur le marché, transformation pour certains) et au sein de chaque circuit de commercialisation. Par exemple, le prix moyen de vente observé est de 13,66 €/kg carcasse en carcasse ou demi-carcasse, 13,58 €/kg carcasse pour de la viande découpée, jusqu’à 23,04 €/kg carcasse pour de la viande transformée.
L’utilisation du lait de chèvre commercialisable augmente le coût d’élevage chez certains éleveurs. D’un autre côté, cette pratique peut permettre de gérer le pic de production de lait au printemps. Elle s’avère aussi moins gourmande en temps de travail pour ceux qui laissent les chevreaux sous les mères.
Les charges spécifiques à la vente directe varient en fonction de la distance à l’abattoir et à l’atelier de découpe. Le temps passé pour l’engraissement des chevreaux est élevé et très variable d’un élevage à un autre. Le petit nombre d’animaux, élevés souvent sans équipements adaptés, explique ces valeurs. Et au-delà de 40 € par chevreau, il sera difficile de « rentabiliser » les coûts transformation et de commercialisation.
Côté web
Retrouvez l’ensemble des résultats économiques : les cas types et les élevages enquêtés sur idele.fr/valcabri