Deux éleveurs de chèvres français en mission pour soutenir des capriculteurs chiliens
Caroline Joguet et Olivier Danel sont partis une semaine au Chili pour former des éleveurs de chèvres. Une mission où entraide et savoir-faire se sont conjugués au service de l’élevage caprin chilien.
En juin 2024, deux experts caprins français se sont rendus de l’autre côté du globe, dans la région semi-aride du Coquimbo au Chili. Caroline Joguet, éleveuse fromagère en Haute-Savoie, et Olivier Danel, éleveur caprin et consultant international, ont accompagné pendant une semaine les petits producteurs caprins locaux dans un contexte marqué par des défis climatique et économique.
Coquimbo, une terre caprine en difficulté
Située au nord de Santiago, au milieu du pays longiligne, la région du Coquimbo subit de plein fouet les conséquences du changement climatique. Sécheresse chronique, érosion des sols et raréfaction des ressources fourragères et en eau mettent en péril l’avenir des petits élevages de chèvres familiaux ainsi que la production fromagère artisanale.
Pour endiguer cette situation critique, le programme « Transforma Caprino » est porté par l’État chilien pour éviter l’exode rural et soutenir la production locale. Leur objectif : améliorer la qualité des produits caprins et diversifier les débouchés pour assurer des revenus plus stables aux éleveurs.
Un partenariat avec Interco Nouvelle-Aquitaine
C’est dans ce cadre qu’Interco, l’agence de coopération internationale de Nouvelle-Aquitaine, a été contacté par « Transforma Caprino » afin de nouer des partenariats techniques avec des experts français. Interco s’est alors tourné vers Olivier Danel pour dialoguer, via visioconférence, avec les éleveurs chiliens en vue d’analyser leurs besoins.
La demande était claire : accompagner les éleveurs dans l’amélioration de la qualité sanitaire du lait et des fromages, ainsi que dans la diversification des produits caprins. Après plusieurs échanges, une première rencontre physique est organisée au salon Capr’Inov en novembre 2023 pour affiner les modalités de collaboration. Entre-temps, l’urgence de la situation justifie une mission sur le terrain.
Une mission chilienne pour Olivier et Caroline
La mission qui s’est profilée a été celle de deux experts français, prêts à s’envoler pour le Chili. Olivier s’est chargé de diagnostiquer la situation dans plusieurs élevages. Son objectif : poser un diagnostic général sur les pratiques de production et cibler les points d’amélioration en matière de qualité sanitaire du lait et des fromages.
Mais la mission nécessitait également un profil capable de partager des savoir-faire en transformation fromagère. Après quelques recherches, c’est Caroline Joguet, éleveuse fromagère en Haute-Savoie, qui a été choisie pour ce rôle crucial. Avec un troupeau de 90 chèvres, une expertise solide en fromagerie et de la disponibilité, Caroline était la candidate idéale.
Sur le terrain, entre diagnostics et démonstrations
Une fois sur place, le travail ne manquait pas. Dès leur arrivée, Caroline et Olivier ont visité deux élevages familiaux afin de prendre le pouls des pratiques locales. Ensuite, leurs missions se sont séparées : Olivier parcourait la grande région, visitant deux à trois élevages par jour, pour effectuer un diagnostic sanitaire global sur la qualité du lait et des fromages. Pendant ce temps, Caroline se concentrait sur les démonstrations fromagères et charcutières.
Accueillie dans un atelier de transformation de la faculté de sciences, Caroline a partagé ses connaissances sur une large gamme de fabrications : fromages lactiques, pâtes semi-cuites et cuites pressées, en passant par la fabrication de saucisses de chèvre et de terrines de campagne.
Que ce soit en élevages ou sur les ateliers : les éleveurs chiliens, enthousiastes et curieux, se sont montrés particulièrement réceptifs, malgré des conditions de travail parfois difficiles, avec des installations agricoles parfois limitées en eau et en électricité.
Des fromages à la française en pays andin
La détermination des éleveurs du Coquimbo a marqué Caroline et Olivier. Malgré les défis, ils ont constaté une qualité de travail impressionnante et une volonté forte d’apprendre et de s’améliorer. Les premières pierres d’une collaboration fructueuse ont été posées, et le lien établi entre les experts français et chiliens perdure au-delà de la mission.
« Je suis toujours en lien avec certains éleveurs qui ont des petites demandes de conseils d’élevage ou envie simplement de prendre ou de donner des nouvelles », apprécie Olivier. « Les éleveurs m’envoient des photos de leurs nouvelles fabrications, et c’est sympa de voir qu’ils réussissent à produire de beaux fromages "à la française", comme ils aiment à dire », complète Caroline.
Cette mission fut une expérience humaine et professionnelle inoubliable, et elle ouvre la voie à de futures collaborations pour soutenir ces éleveurs passionnés. Un bel exemple de solidarité internationale entre éleveurs caprins !
En chiffres
Chili
« Une semaine hors du temps »
Caroline Joguet, éleveuse en Haute-Savoie, revient sur cette expérience intense et passionnante d’échange avec les éleveurs chiliens.
« Cette mission au Chili a été intense. Elle a demandé une longue préparation et, une fois sur place, il a fallu mettre en application plusieurs méthodes de fabrication laitière et carnée dans un laps de temps très court. Mais ça a été passionnant ! La transmission est belle quand elle est à double sens. Et ce fut le cas ! Les Chiliens m’ont enrichie de leur gentillesse, de leur simplicité et de leur écoute. Ils m’ont apporté beaucoup ; je suis repartie dans mon pays les yeux et la tête remplis de souvenirs. Une véritable parenthèse enchantée que jamais je n’aurais cru vivre. Je retiendrai de ce voyage que l’amour de l’agriculture et le partage d’une passion commune peuvent véritablement nous unir et nous faire vivre des expériences hors du temps… »
Coquimbo, première région caprine du Chili
La région de Coquimbo détient plus de 60 % du cheptel caprin du Chili et compte plus de 5 000 producteurs. L’association des « capriculteurs » de Coquimbo estime une production de fromages artisanale de 2000 tonnes par an, soit environ 80 % de la production nationale. Les producteurs sont principalement des familles, et quelques petites coopératives collectent du lait, fabriquent des fromages et vendent de la viande.
