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Chèvres
Dans le Massif du Pilat, une relance caprine réussie

Développement et installation d´élevages laitiers autour d´une fromagerie et lancement d´une démarche AOC pour la Rigotte de Condrieu ont dynamisé la filière caprine du massif du Pilat.


De tous temps, le Massif du Pilat a été terre traditionnelle d´élevage des chèvres mais, depuis une dizaine d´années, des transformations radicales ont totalement remodelé la physionomie de cet élevage.
Les petites exploitations de polyculture-élevage, où 10 à 20 chèvres étaient conduites avec un petit troupeau de vaches laitières ou d´ovins, ont pratiquement disparu. Activité traditionnelle, la production caprine était alors plutôt une activité complémentaire des exploitations agricoles, voire une production vivrière, permettant l´utilisation d´espaces difficiles souvent pentus, en friches et embroussaillés.

De cette tradition, associée avec la fabrication de fromages à la ferme et leur vente directe à une clientèle locale, est né un fromage qui peu à peu s´est acquis une réputation régionale : la Rigotte de Condrieu, aujourd´hui en demande de reconnaissance AOC.
En 1978, à l´initiative de quelques éleveurs passionnés et du Parc du Pilat, des actions ont été engagées pour développer la production caprine avec la création de quelques élevages spécialisés écoulant leurs fromages fermiers en vente directe sur les marchés. Cette première étape de modernisation a été suivie, une dizaine d´années après, d´une véritable relance de l´élevage caprin avec une double orientation : laitière avec développement d´une collecte industrielle de lait et fromagère fermière autour de la Rigotte de Condrieu.
©D. R.

Légende - Paysage du Parc du Pilat
Le territoire du Parc compte 675 exploitations agricoles aux productions diversifiées.

Pleine réussite du programme de développement
Au début des années 90 plusieurs événements vont conduire à concevoir puis à mettre en ouvre un programme de développement de la filière caprine sur la période 1994-2002.
La recherche de nouvelles voies permettant d´installer des jeunes agriculteurs, la nécessité de conforter des exploitations souvent fragiles car bloquées dans leur développement, l´intérêt manifesté par la Fromagerie Guilloteau installée à Pelussin pour collecter du lait de chèvre afin de développer une nouvelle ligne de produits au lait de chèvre, le volontarisme des éleveurs conjugué à l´appui du Parc du Pilat et des Chambres d´Agriculture : la convergence et la synergie de tous ces événements vont conduire à la mise en ouvre d´un Pida (Programme intégré de développement agricole(1)) afin de relancer la production caprine.

Avant 1994 le territoire du Pilat comptait 65 élevages de plus de 10 chèvres dont 50 producteurs fermiers en vente directe et 15 élevages livrant leur lait à la laiterie de Saint Félicien dans l´Ardèche. Le cheptel totalisait alors 2 500 chèvres, à 580 litres de lait en moyenne, pour une production de 1,5 million de litres de lait.
Après huit années d´application du programme de développement (1994-2002), la réussite est incontestable :
- au total 40 élevages ont été créés sur l´ensemble du territoire du Parc. Ce sont aujourd´hui 95 élevages de plus de 20 chèvres qui exercent cette activité : 45 producteurs fromagers fermiers, 45 producteurs laitiers (42 livreurs à la fromagerie Guilloteau et 3 à Saint Félicien), 5 producteurs mixtes laitiers et fermiers ;
- le cheptel de chèvres laitières s´est accru de 2 500 à 8 200 têtes, avec un rendement moyen augmenté de 100 litres par lactation ;
- la production de 1,5 million de litres de lait est passée à 5,5 millions de litres, dont 3,8 millions livrés à la Fromagerie Guilloteau en 2001 ;

- une fromagerie neuve a été construite à Pélussin par l´entreprise Guilloteau, avec création de 100 emplois dont le tiers pour la transformation du lait de chèvre ;
- les fromagers fermiers se sont engagés dans une démarche collective en vue de l´obtention d´une AOC pour la Rigotte de Condrieu ;
- une dynamique professionnelle anime les organisations caprines : syndicats caprins, syndicat de défense de la Rigotte de Condrieu, Association de la chèvre laitière du Pilat qui regroupe les livreurs de lait, création d´une pépinière de chevrettes, magasins de vente collectifs pour les fermiers, etc.
A l´origine de cette réussite, un ensemble d´actions d´amélioration ayant bénéficié de divers financements dont celui du Pida (1) : des troupeaux avec un appui technique, des bâtiments d´élevage et des pâturages, des conditions de transformation fermières avec la mise aux normes des fromageries et l´application de contrôles qualité.

Parc du Pilat oblige, la revitalisation de la filière caprine s´est également accompagnée d´actions de préservation de l´environnement : les systèmes de production mis en place utilisent les ressources fourragères locales, une estimation permet de calculer que pour nourrir 5 600 chèvres supplémentaires ce sont 1000 hectares qui ont été préservés de la déprise, les bâtiments construits l´ont été avec un souci d´intégration paysagère et des systèmes de traitement des eaux usées ont été mises en place dans de nombreux élevages.
"Ces résultats ont été obtenus grâce à une bonne synergie des actions de tous les acteurs qui ont participé, explique Michel Jabrin chargé de l´Agriculture au Parc du Pilat, mais il est nécessaire de conforter les exploitations sur le plan économique car certains élevages sont fragiles parce que trop endettés. Créer de nouveaux élevage est positif mais il faut aussi en assurer la pérennité. C´est dans ce sens d´ailleurs qu´une réflexion est actuellement en cours avec les professionnels afin d´élaborer un nouveau projet de développement caprin".
©D. R.

Légende - Nouvelle chèvrerie
De 1994 à 2002, au total 40 élevages caprins ont été créés.


Rigotte de Condrieu : vers l´AOC
Petit fromage de chèvre rond de 30 à 40 grammes à 10 jours d´affinage, la Rigotte de Condrieu tire son nom de l´association de Rigotte venant du terme "rigol" ou "rigot" désignant en patois les petits ruisseaux du Pilat qui dévalaient vers les vallées (comme les Rigottes descendaient de la montagne pour être vendues sur les marchés des vallées !) et de Condrieu principal marché régional de commercialisation. Ce marché était réputé dans le secteur et tout naturellement les fromages ont été désignés, comme pour beaucoup d´autres fromages (Sainte Maure de Touraine, Valencay) par le nom de la ville qui faisait référence.
D´autres rigottes existent telle la Rigotte d´Echalas dans le Rhône ou la Rigotte de Crémieux fabriquée dans l´Ain, mais il s´agit de fromages au lait de vache. Historiquement les Rigottes de Condrieu, dont des ouvrages mentionnent l´existence et la réputation dès 1885, étaient souvent fabriquées au seul lait de chèvre ou mélange de lait de vache et de lait de chèvre, car les petites exploitations de polyculture possédaient souvent vaches et chèvres.

Cependant la plupart des fermes fabriquaient à la fois du fromage de vache et du fromage de chèvre. Le fromage de vache était généralement autoconsommé par la famille en priorité afin de vendre le fromage de chèvre de plus grande valeur.
Les fromages collectés dans les fermes par les coquetiers étaient revendus sur les marchés des grandes villes comme Lyon, Saint-Etienne ou Rive de Gier. Avec la spécialisation des troupeaux caprins à partir des décennies 1970-1980 s´est installée la tradition de n´utiliser que du lait de chèvre pour les Rigottes de Condrieu, tandis que les fromages au lait de vache étaient simplement dénommés "fromages de vache".
Au début des années 1980, sous l´impulsion de quelques fromagers fermiers passionnés, André Satre, Lucien Bonnard, Alain Jury notamment, s´est constituée une association pour promouvoir et protéger la Rigotte de Condrieu pur chèvre dont le nom a d´ailleurs été déposé à l´Institut national de la propriété industrielle.
Cette première démarche, bienvenue pour la protection de la dénomination de la Rigotte de Condrieu, s´est accompagnée de multiples actions de promotion à l´occasion de foires ou de concours de fromages.

C´est ainsi que l´association gourmande avec les célèbres vins AOC de la région, notamment le Condrieu et le Côte Rôtie, est désormais célébrée chaque année, le 1er mai, à Condrieu à l´occasion de la fête des AOC "Vins et Rigotte en fête". Cette manifestation a accueilli le 1er mai 1989 le 12e concours national du fromage de chèvre fermier, donnant ainsi l´occasion de faire connaître la Rigotte à la France entière.
Assurer définitivement l´ancrage de la Rigotte à son terroir pour en préserver l´authenticité restait cependant l´objectif des producteurs. A l´issue de trois années de travail sur l´identification du fromage et les traditions d´élevage et de fabrication, avec les Chambres d´Agriculture et le Parc régional du Pilat, un dossier de demande
de reconnaissance en AOC était déposé en janvier 2000 auprès de l´Institut National des Appellations d´Origine. Depuis cette date, le syndicat de défense de l´appellation Rigotte de Condrieu, présidé par Alain Jury, travaille sur le contenu de l´appellation avec la commission d´enquête nommée par l´Inao.

Une enquête réalisée auprès de 79 éleveurs de la zone a montré que le volume total de lait transformé en Rigottes s´établissait à 1 240 000 litres de lait par an. De fabrication exclusivement fermière et au lait de chèvre cru et entier, la Rigotte de Condrieu représente donc 190 tonnes de fromage, issues de 55 exploitations. Plus de 50 % des exploitations qui transforment consacrent plus des trois quarts de leur lait au fromage de type Rigotte. En moyenne 29 130 l sont transformés par exploitation.
L´enquête a révélé que 32 exploitations transforment également du lait de vache avec une moyenne de 27 000 litres par exploitation. Elles proposent donc, pour la plupart, une gamme de fromages pur chèvre, pur vache et de mélange.

La moitié des producteurs commercialisant la Rigotte sont situés dans le Rhône et l´autre moitié dans la Loire. Vendue fraîche (40 % des volumes environ) ou affinée, couleur ivoire ou bleue à 10 jours d´affinage, la Rigotte de Condrieu est commercialisée soit à l´unité soit, selon la tradition locale, en rouleau de 5 ou 10 unités à un prix moyen de 0,46 à 0,76 euros l´unité (3 à 5 F).
Fromage de fabrication lactique, caillé avec de la présure de chevreau, moulage manuel, les Rigottes après ressuyage et affinage présentent un goût caprique avec des composantes de champignon lorsqu´elles ont bleui. Une étude de caractérisation organoleptique, notamment sensorielle, doit être mise en place prochainement en parallèle avec le travail de définition des conditions de production.


(1) Pida : procédure d´appui au développement de filières agricoles de qualité financées par la région Rhône-Alpes.


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Cet article est extrait du Dossier du mois de Juillet-Août de la revue La Chèvre. Ce dossier de 16 pages intitulé "Les chèvres du Pilat : révolution tranquille" montre comment, à l´image d´autres régions caprines, le massif du Pilat connaît à son tour une petite révolution.
A cheval sur Rhône et Loire, ce massif de moyenne montagne
vit un véritable renouveau de sa filière caprine avec le développement d´élevages laitiers spécialisés autour d´un pôle industriel tandis que la production fermière s´organise pour obtenir la reconnaissance en AOC de son fromage symbole : la Rigotte de Condrieu. Modernité et tradition sont ainsi associées dans une double démarche en synergie. Pour autant les éleveurs s´interrogent : pérénité des ateliers caprins, avec quelle rentabilité, maîtrise professionnelle de la filière, compatibilité de certaines techniques d´élevage avec la tradition, installation des jeunes, etc. Tout en retraçant l´histoire caprine du massif ce dossier analyse les facteurs de son renouveau et présente des témoignages d´éleveurs qui racontent leur expérience.
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