Salon de l'herbe 2023
Agroforesterie, les 3 clés de la réussite avec des chèvres
Ivan Martynciow est éleveur caprin dans les Vosges, en montagne, à 800 mètres d’altitude. Sur 60 ha de prairies, 30 ha sont cultivés en agroforesterie. L’éleveur a développé une méthode originale de culture de prairie sous couvert d'arbres. Il partage ces savoirs avec le groupe montagne sud, un groupe formé par la chambre d’agriculture pour améliorer la gestion de l’herbe, un témoignage partagé au salon de l'herbe. Témoignage.
Ivan Martynciow est éleveur caprin dans les Vosges, en montagne, à 800 mètres d’altitude. Sur 60 ha de prairies, 30 ha sont cultivés en agroforesterie. L’éleveur a développé une méthode originale de culture de prairie sous couvert d'arbres. Il partage ces savoirs avec le groupe montagne sud, un groupe formé par la chambre d’agriculture pour améliorer la gestion de l’herbe, un témoignage partagé au salon de l'herbe. Témoignage.
En 2015, Ivan Martynciow, ancien maraîcher bio, s’installe dans les Vosges, sur un territoire montagneux et boisé. Il se lance dans une production caprine avec une quarantaine de chèvres.
« On a acheté des chèvres de Lorraine, parce que notre terrain était embroussaillé. C’est l’animal qui se prête le mieux à l’élevage dans cette zone.
L’éleveur observe les chèvres avant d’ouvrir les espaces
Les 4 hectares de terrain étaient constitués de prairies fauchables mais aussi d’espaces très embroussaillés. La chèvre s’est imposée comme l’individu le plus apte à restaurer le territoire de la manière la plus rapide. Pendant quatre ans, nous les avons promenées durant 4 à 8 heures par jour, dans des espaces forestiers et sur des bords d’espaces forestiers. Au cours de ces promenades, elles nous ont véritablement enseigné tout ce qui était relatif au bol alimentaire, la diversité de plantes, la recherche de points d’eau, le besoin d’ombrage lorsqu’elles sont en rumination. C’est à partir de ce moment-là qu’à la faveur de location de la commune, nous avons eu accès à des terrains très embroussaillés et que nous avons pu démarrer le programme d’agroforesterie. En résumé, nous utilisons la chèvre pour ouvrir ces territoires et nous intervenons, nous, à la tronçonneuse pour essayer d’agrandir certains espaces et permettre à l’arbre de coexister avec la production d’herbe.
La diversité : le premier point à respecter quand on ouvre une forêt
Pour maintenir les chèvres en bonne santé, il faut maintenir le maximum de diversité en utilisant l’arbre, ainsi, on permet au sol d’être toujours frais et moins desséché par le vent. On crée un microclimat favorable à la croissance d’une diversité intéressante. Elle s’organise autour d’une vingtaine de plantes, dont des graminées, au bout de 4 à 5 ans d’agroforesterie. Ces plantes sont consommées par les chèvres et constituent l’élément santé dont elles ont besoin pour leur bien-être.
Les plantes comestibles apparaissent au moment de l’ouverture de la forêt
Cette diversité est la conséquence de l’agroforesterie. Lorsqu’on ouvre un espace et qu’on fait pénétrer la lumière, on réveille la dormance d’espèces végétales floristiques du sol présentes et qui trouvent là les conditions favorables à leur émergence. On ouvre la porte à la diversité.
Une densité équilibrée de 250 arbres par ha
L’ouverture est réalisée en hiver. Elle doit être équilibrée : si on ne coupe pas assez de végétation, on revient au printemps et en été pour rectifier en supprimant les arbres adéquats. En revanche, si on coupe trop, on met la parcelle en situation de surexposition. Nous maintenons 25 individus à l’hectare issus de 10 espèces différentes (chêne, hêtre, noisetier, etc.), ce qui fait 250 arbres par hectare. Nous avons choisi cette densité parce qu’elle nous semble intéressante pour avoir suffisamment de lumière mais pas trop parce que, si on n’a pas assez de lumière, les plantes ont tendance à ramollir et elles sont moins appétantes pour les chèvres car moins riches en matière sèche. Si on ouvre trop, on sera en baisse de production sur la période estivale avec une baisse d’activité et un inconfort pour les animaux.
Le pâturage tournant dynamique « à la carte »
En général, on laisse une quarantaine de chèvres sur un hectare, mais ça dépend de la situation : s’il fait très chaud, elles ne restent que 4 à 5 jours, si c’est un premier passage, elles restent plus longtemps que si c’est un deuxième passage, etc. C’est de l’accompagnement quasi-millimétrique, il faut vraiment observer, être avec elles, regarder comment elles mangent et leur itinérance. Si elles sont peu itinérantes, on a la garantie d’avoir une diversité et une fourniture suffisante, si elles sont très itinérantes, il faut changer de parcelle.
Le genêt constitue la base alimentaire
La base alimentaire en agroforesterie, c’est le genêt à balais, une légumineuse, la première essence qui va conquérir le territoire. Il est présent tout au long du cycle nourricier de la chèvre et il est en croissance permanente, qu’il pleuve ou qu’on soit en situation de canicule."
Un groupe d’éleveurs de montagne pour améliorer la gestion de l’herbe
Mélany Biot, conseillère fourrages prairie à la chambre d'agriculture des Vosges, anime depuis 2021 le groupe montagne sud, groupe d’éleveurs situés en zone de montagne avec diverses productions : éleveurs bovins, caprins, AB ou non. L’objectif est le partage des réussites dans la bonne gestion de l’herbe. « On est sur un département qui est très herbager, enseigne Mélany Biot, et à l’est du département, on est dans des zones de prairies permanentes. La Chambre d’agriculture accompagne les éleveurs dans le développement de leurs prairies avec l’idée que l’herbe se cultive. » Le travail mené par Ivan Martynciow est inédit. « Le travail habituel en agroforesterie se situe plutôt dans la plantation de haies, observe la conseillère, l’originalité de la démarche d’Ivan est qu’il va vraiment prendre le temps d’observer les espèces bio-indicatrices pour choisir les espèces à garder d’une part et pour lui apporter des enseignements sur l’état de la parcelle, d’autre part. »